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DERRIÈRE LA PLUME D'UN GÉNIE

Fyolai, soukoku, ranpoe

M. Dostoyevsky

/!\ 1) Cette intrigue est en partie biographique vis-à-vis de Fyodor. En revanche, j'ai changé certains détails sur les autres personnages, comme leur âge, ou leur origine (par exemple Chûya est plus jeune que Dazai, et il est français et japonais).
2) Cette intrigue se passe début 2023, en France, et s'ancre donc dans notre réalité, avec ses sujets politiques.
3) Je rappelle que les figurants dans cette histoire sont des personnages d'autres animés.-
4) Je pense que tout le monde le sait mais dans le doute : à la fac on commence avec trois ans de licence (L1/L2/L3), ensuite deux ans de master (M1/M2) et ensuite trois ans de doctorat (D1/D2/D3). Les étudiants en doctorat font une thèse, et peuvent donner des cours aux étudiants inférieurs. /!\

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Nikolaï glissa un marque-page dans son livre, il le referma d'un coup sec et le fit tomber dans son sac. Il se releva de la marche sur laquelle il était assis, et entra dans le couloir juste derrière lui. La porte de sa salle était ouverte, et des étudiants attendaient déjà dedans. Certains avaient sorti leur ordinateur et commençaient à taper dessus, d'autres avaient un livre dans les mains, le même que celui que Nikolaï venait de ranger, et d'autres encore avaient enfoui leur tête dans leurs bras. Il faisait déjà chaud dans la salle, la température était toujours élevée ici, même en hiver, tous les étudiants étouffaient dans cette pièce. Nikolaï évita de rester planter sur le seuil de la porte et s'avança au hasard dans la classe. Il n'avait pas vraiment de place attribuée, et d'habitude il se contentait de choisir une place au troisième rang, ce qui lui permettait d'être ni trop proche, ni trop loin du bureau du professeur.
Il s'assit sur la deuxième chaise de la rangée et sortit silencieusement ses affaires de travail. Son meilleur ami n'était pas encore arrivé en cours, le connaissant il devait être à la cafétéria, et il devait avoir peur de venir alors il viendrait sûrement au dernier moment. Nikolaï le comprenait, mais il était plus curieux qu'angoissé. Pourtant le semestre était déjà entamé, il n'allait pas découvrir ce cours, et il savait déjà ce qu'il se passait dedans. Seulement, le professeur qui leur faisait cours avait changé car il avait des problèmes personnels apparemment. Un nouveau professeur allait arriver aujourd'hui et Nikolaï n'avait aucune idée de qui il pouvait s'agir. Il avait un peu peur de tomber sur un professeur peu indulgent et impatient, et surtout un professeur qui ne parlait qu'avec des mots compliqués... Il parlait couramment le français, il vivait en France depuis quatre ans alors il s'y était habitué et il parlait de mieux en mieux, même s'il n'arrivait pas à faire disparaître son accent ukrainien. Il était en fac de lettres depuis quatre ans maintenant, et il se débrouillait très bien, mais parfois ses professeurs utilisaient un langage soutenu et des mots très compliqués, alors il n'arrivait pas à tout comprendre...
Le jeune homme s'accouda à la table et tourna le visage vers la fenêtre. D'ici il pouvait voir les bâtiments Haussmanien du V arrondissements, le quartier était vraiment beau ici. Nikolaï adorait ce décor et il serait toujours émerveillé devant, à Velyki ou à Moscou ce n'était pas du tout pareil ! Il aimait beaucoup ce quartier de Paris, le paysage parisien était l'une des raisons qui l'avaient fait venir en France. Et dire qu'il ne lui restait plus qu'une année ici avant de repartir en Russie... Il était presque prêt à faire un doctorat pour rester ici, après tout il était très bien là, et il n'avait vraiment pas envie de rentrer chez lui.
— Il est pas là le prof, demanda une voix près de lui.
Nikolaï eut un petit sursaut et tourna la tête sur sa droite. Son meilleur ami venait d'arriver et s'était assis à ses côtés, en bout de la rangée.
— Non, il doit avoir cours avant.
— Je prie de tout mon être pour qu'il soit cool, soupira Sigma en sortant ses affaires. Tu penses qu'il va reprendre les exercices de l'ancien prof ?
— Oui je pense, dit Nikolaï. Tu les as faits ?
— Oui mais j'ai trop peur d'avoir fait n'importe quoi. Imagine qu'il m'interroge devant toute la classe... J'aurais l'air ridicule, en plus avec mon accent...
Nikolaï sourit mais ne répondit rien. Sigma était russe, tout comme lui il faisait partie du programme ERASMUS. Nikolaï l'avait rencontré ici en première année, ils s'étaient vite rapprochés puisqu'ils étaient tous les deux étrangers et des pays soviétiques, et aujourd'hui ça faisait quatre ans qu'ils ne se lâchaient plus. Il y avait beaucoup d'étudiants étrangers dans cette université, Nikolaï et Sigma n'étaient pas les seuls, alors il y avait beaucoup d'accents différents, ce qui faisait qu'en réalité personne ne faisait attention à leur accent.
— Tu sais apparemment notre prof c'est un doctorant en D3 et qui fait du tutorat, dit Sigma.
— Oui je sais. Mais j'ai pas fait beaucoup de tutorat alors je les connais pas... Ça veut dire que c'est un jeune alors.
— Il doit être à peine plus âgé que nous s'il est doctorant, s'il n'a jamais redoublé ni arrêté ses études, il a vingt-six ans, quelque chose comme ça. Les profs jeunes sont lourds...
— Ils sont trop hautains, dit Nikolaï. J'espère vraiment qu'il sera cool, je veux pas louper mon semestre.
— Pareil...
— En plus les doctorants c'est insupportable, ils se pensent trop supérieurs à nous.
— C'est clair, et ils sont nuls comme prof. Ils nous aident jamais, et la seule chose qui les intéresse c'est faire leurs heures de travail pour passer à autre chose.
— L'ancien prof était censé m'aider pour mon roman, là il va plus pouvoir, dit Nikolaï avec dépit. Je vais mourir.
— Tu peux toujours lui demander et voir ce qu'il te dit, dit Sigma sans conviction.
Nikolaï ne répondit pas et posa ses yeux sur une personne qui venait d'arriver près du bureau du professeur. Mais... Ce n'était tout de même pas lui son professeur, si ? L'homme qui venait d'arriver retira son manteau pour le déposer sur la chaise près de lui, et ouvrit son sac pour en sortir ses affaires et les poser sur le bureau. Nikolaï ne s'était pas trompé. C'était bien lui son nouveau professeur.
Sur tous les étudiants qui faisaient du tutorat et qui étaient en doctorat, pourquoi avait-il fallu que ça soit lui qui remplace son professeur ? Ça ne pouvait être un vieux professeur rabougri, informe et sans aucune qualité physique ? Non, il avait fallu que ça soit l'homme le plus séduisant que Nikolaï n'ait jamais vu, et qu'en plus de cela, il fallait qu'il soit particulièrement beau aujourd'hui ! Sur toutes les années qu'il avait passées ici, Nikolaï n'avait participé qu'à quelques cours de tutorat, et c'était seulement pour voir une personne en particulier ! Les tutorats étaient des séances de soutien pour les étudiants en difficulté, ou juste pour ceux qui avaient des questions. Ils étaient dirigés par des étudiants en master ou en doctorat, la plupart du temps. Nikolaï n'y allait presque jamais, il se débrouillait bien alors il n'en avait pas besoin, mais il avait tout de même essayé une fois. Et suite à la séance qu'il avait faite, il y était retourné plusieurs fois car... L'un des étudiants qui organisaient le tutorat lui avait beaucoup plu. Et voilà que cet homme en question allait être son professeur.
Pourquoi fallait-il que son professeur soit Fyodor, alias l'homme de sa vie et l'objet de tous ses fantasmes ?! Bon... Au moins il était sûr d'apprécier son professeur...
Le jeune homme regarda avec perplexité son professeur. Il faisait environ sa taille, et comme à chaque fois qu'il l'avait vu, il était habillé très élégamment. Sous le long manteau noir qu'il avait, il était vêtu d'une ample chemise verte amande, avec un col ouvert qui révélait ses clavicules et le début de sa poitrine. Il portait un tailleur noir qui tombait sur ses chaussures parfaitement cirées, qui serrait sa taille fine, et qui mettait si bien en valeur ses... Non. Non, c'était son professeur, Nikolaï ne pouvait plus regarder ses fesses enfin ! Oui mais il était majeur et Fyodor n'avait que quelques années de plus que lui. Nikolaï en avait vingt-deux et lui il en avait quoi... vingt-cinq ? Vingt-six ? Ce n'était rien du tout ! Oui mais c'était son professeur maintenant. Un peu de respect. Oui mais il aimait tellement regarder ses fesses... Lui aussi regardait les siennes... Non ! C'était son professeur, il devait se retenir ! Oui mais...
— C'est l'homme le plus sexy que j'ai jamais vu, murmura une jeune fille près de Nikolaï.
Nikolaï la fusilla du regard pour la faire taire, avant de se tourner vers son meilleur ami avec panique.
— Alors Sigma, tu vas rire mais je crush sur lui depuis le début de l'année.
Sigma le regarda en haussant les sourcils, avant de plaquer sa main sur sa bouche et de retenir un éclat de rire. Il y avait de quoi rire en même temps, cette situation était particulièrement cocasse...
— Mais tu le connais, demanda Sigma en riant silencieusement.
— J'allais à ses cours de tutorat parce que je le trouvais sexy, murmura le jeune homme en enfouissant son visage dans ses mains.
— Sérieux ?! Et lui il te connaît ?
— Ben oui ! Sigma je suis vraiment dans la merde.
— Mais non, t'inquiète pas ça va aller, et puis il va pas rester longtemps comme prof. Si ça se trouve il se souvient pas de toi.
— Non mais tu comprends... Je... Tu vas me tuer.
— Qu'est-ce que t'as fait, demanda Sigma, d'un ton qui laissait déjà entendre son désespoir.
Nikolaï regarda autour de lui, vérifiant que les autres étudiants ne faisaient pas attention à eux, et se décala vers son meilleur ami.
En fait j'ai un peu beaucoup flirté avec lui au tutorat, murmura-t-il en changeant de langue, pour ne pas être compris des étudiants autour de lui.
C'est-à-dire ?
Ok alors quand j'ai vu que cette bombe faisait du tutorat, j'ai décidé d'aller à toutes ses séances pour pouvoir le draguer. Sauf que lui il s'occupe surtout des petits, donc j'ai regardé les horaires de licence deux, et je suis allé à ces cours-là en me faisant passer pour un L2. Mais comme j'ai pas l'âge d'un L2, et que j'avais pas envie d'avoir l'air d'un redoublant nul, j'ai fait croire qu'en fait j'avais fait plein d'autres fac avant. Donc là il croit que je suis un L2 de vingt-deux ans, et il pense que j'ai fait une fac d'art, et de musique juste avant ça.
Niko...
Mais le pire c'est que j'ai flirté avec lui, j'ai vraiment flirté avec lui, dans le sens où je lui ai fait comprendre que je voulais bien passer sous son bureau ! Et il avait pas du tout l'air contre, au contraire ! On a jamais eu l'occasion de coucher ensemble, et puis on voulait d'abord se chauffer avant, mais on se frôle dès que possible... Je lui ai déjà fait du pied, et une fois il a genre... Bon, il était assis en face de moi et il a mis son pied entre mes cuisses... Et comme il pensait que j'étais nul en cours, et qu'il voulait me motiver à travailler, il m'a dit que si j'avais douze au partiel il m'enverrait une photo de lui nu, que si j'avais quatorze j'aurais le droit à une branlette, et que si j'avais seize je pourrais avoir une pipe !
Et t'as eu combien, murmura Sigma en haussant les sourcils.
J'ai eu dix-huit, donc là j'ai carrément le droit de le démonter sur son bureau. Bon évidemment je lui ai pas dit, parce qu'il m'aurait demandé ma copie de partiel et il aurait vu que je suis en M1... Putain Sigma je fantasme sur lui depuis deux ans, ça peut pas être mon prof, s'exclama Nikolai en se prenant la tête entre les mains.
T'es grave Niko, oublie-le, on a dit qu'on aimait pas les doctorants chargés de TD !
Mais lui je l'aime !
Tu l'aimes pas, tu veux juste coucher avec lui, nuance.
Nikolaï ne répondit pas et se tut, tout comme les autres élèves, qui s'étaient mis à fixer leur nouveau professeur. Il les avait seulement salués en entrant dans la classe, mais depuis il n'avait pas reparlé, et il installait tranquillement ses affaires. Il avait noué ses longs cheveux noirs en un chignon maintenu par une pince, et il avait placé des lunettes sur le sommet de sa tête. Sa frange triangulaire tombait soigneusement autour de ses yeux rouges... Nikolaï avait presque oublié à quel point ils étaient beaux à voir...
Leur professeur finit par lever ses jolis yeux vers eux et s'éclaircit la voix.
— Bien, je pense que nous pouvons commencer à présent, dit-il d'une voix posée. Comme vous le savez, votre ancien professeur a dû prendre congé pour des raisons personnelles et ne pourra plus assurer ses cours. Je vais donc le remplacer jusqu'à la fin du semestre. Pour ceux qui ne me connaissent pas je suis M. Dostoyevsky. Certains doivent savoir que je faisais du tutorat et que je suis actuellement doctorant, mais je vous rassure, je suis totalement qualifié pour vous faire cours.
— Même s'il était pas qualifié moi je le veux quand même comme prof, murmura la fille près de Nikolaï.
Lui aussi il le voulait bien comme professeur, même s'il était complètement incompétent...
— Pour ce qui est des modalités du cours, je procéderais de la même manière que votre ancien professeur, je vous donnerais des textes à préparer et les dates des DST prévues restent les mêmes. Je vais vous faire passer une feuille, marquez dessus le mail que vous utilisez le plus, ainsi que les informations que je dois connaître. Écrivez votre nom, le prénom par lequel vous voulez être appelé, pronoms et si vous avez un travail, marquez votre nombre d'heures. Et écrivez-le de manière lisible. S'il y a des étudiants qui font partie d'échange, qui sont dans des programmes comme ERASMUS, ou qui ont un handicap, précisez-le également.
Il se leva et donna une feuille blanche au premier rang, puis il se tourna vers le tableau et écrivit rapidement son propre mail. Nikolaï le lut avec avidité, bien qu'il le connaissait déjà, avant de dévisager de nouveau son professeur. Son écriture était toujours aussi belle et soignée. Et son prénom, Fyodor, lui allait si bien... Non. Nikolaï devait se calmer, il fallait vraiment qu'il arrête de le fixer comme un obsédé, et surtout qu'il arrête de fantasmer sur lui. Il fantasmerait sur lui après ses partiels, mais en attendant, il ferait mieux de se retenir...
Est-ce qu'il avait le droit de draguer son professeur ? Légalement oui, Fyodor, enfin M. Dostoyevsky, était à peine plus âgé que lui, donc il n'y avait pas de problème. Mais si c'était son professeur, est-ce qu'ils avaient le droit d'avoir une relation ensemble ? Il y avait des risques de favoritisme non ? Peu importe, Nikolaï ne devait pas commencer à se faire des films non plus, il ne risquait pas de sortir avec Fyo- M. Dostoyevsky. Pour l'instant ils ne faisaient que flirter, rien ne s'était passé entre eux. Tant que leur désir n'était pas réellement éveillé, tout irait bien ! Nikolaï n'avait qu'à se retenir pour ce semestre, il pouvait le faire !
— Je préfère vous prévenir, reprit leur professeur en se tournant vers eux, je ne fais pas l'appel. J'estime que vous êtes assez matures pour comprendre l'importance de vos cours et de vous y rendre, alors je ne perdrais pas de temps à savoir qui est là ou non. Néanmoins, j'ai une très bonne mémoire visuelle et je verrai vite qui n'est pas présent, et je peux très bien vous pénaliser pour cela sans vous prévenir. Si vous avez des dispenses d'assiduité, n'oubliez pas de me les envoyer avant le cours. De même, si vous avez une quelconque question ou que vous voulez m'envoyer des travaux que vous avez fait, n'hésitez pas à m'envoyer un mail, j'y réponds tous les soirs donc je vous répondrais relativement vite. Je vous encourage à le faire, vous avez très peu de temps jusqu'à vos partiels, plus vous travaillerez chez vous, plus vous aurez de chances de réussir. Avez-vous des questions ?
Une main se leva et leur professeur acquiesça.
— Est-ce que vous mettez des corrections de devoirs sur l'ENT, ou juste des compléments de cours, questionna un étudiant.
— Alors, concernant l'ENT, je vous déposerais régulièrement plusieurs textes et compléments de cours à lire. Ça sera facultatif bien sûr, ce sera seulement pour approfondir vos connaissances. Néanmoins vous êtes en master recherche, donc il vaudrait mieux pour vous que vous lisiez ce que je mets en ligne. Je déposerais aussi les textes en langue originale de vos œuvres, ainsi que des plans de cours que vous pourrez travailler. Par contre, je ne mettrais aucune correction de devoir, ni aucun cours rédigé. Aussi, je vous demande de ne pas partager vos notes de cours avec des personnes qui ne sont pas dans ce cours, et je ne veux pas non plus que vous enregistriez mes cours. Je ne veux pas que mon travail se retrouve sur internet, et je vous rappelle que l'appropriation intellectuelle est interdite selon les articles 122 et 335 de la loi. Pour information, je suis assez qualifié droit donc je vous conseille de ne pas m'énerver sur ce sujet, dit tranquillement M. Dostoyevsky, en se rasseyant à son bureau avec un petit sourire.
Et en plus il s'y connaissait en droit. Donc en plus d'être un homme incroyable physiquement, il était incroyable intellectuellement. Et Nikolaï savait déjà qu'il était incroyable mentalement... C'était définitivement l'homme de sa vie.
Arrête de le regarder comme ça, tu fais peur, murmura Sigma en se penchant vers lui.
J'ai rien compris de ce qu'il a dit mais je veux l'épouser, dit Nikolaï sans détourner les yeux de son professeur. Sigma c'est l'homme de ma vie. C'était déjà l'homme de mon lit et de mes rêves, mais là c'est vraiment l'homme de ma vie !
Sigma ouvrit la bouche pour répondre, mais il dut se dire que la cause d'Nikolaï était perdue, et garda le silence.
— Bien, dit leur professeur en mettant ses lunettes sur son nez. Où en êtes-vous dans vos cours magistraux ?
Un jeune homme assit derrière Nikolaï dut lever la main, car leur professeur hocha la tête vers lui et il prit la parole pour lui répondre. Nikolaï n'écoute pas un mot de sa réponse, trop occupé à dévisager Fyo- M. Dostoyevsky. Et lorsque son professeur se tourna pour écrire au tableau des noms de critiques célèbres, les yeux de Nikolaï ne purent s'empêcher de descendre d'un coup sur les fesses de son professeur. Il les connaissait déjà par cœur, pour les avoir regardées un bon nombre de fois, mais il ne se lasserait jamais de les regarder. Elles étaient rebondies et fermes, elles devaient même parfaitement tenir au creux des mains de Nikolaï. Il le soulèverait par là, en resserrant ses doigts sur lui, avant de le plaquer contre ce tableau... Non ! Sur son bureau ! Oui, il le plaquerait là après l'avoir déshabillé, il l'allongerait au milieu de ses livres et de ses copies, et lui ferait l'amour tant de fois que les pages autour de lui se couvriraient de sueur...
Ses pensées devenaient beaucoup trop érotiques, il s'excitait tout seul. Il avait besoin de se calmer, et de se concentrer sur son cours. Et de ne plus fantasmer sur son professeur. Il devait passer pour un pervers à le fixer ainsi, heureusement que personne n'avait remarqué qu'il regardait délibérément ses fesses. Le problème, c'était que maintenant Nikolaï s'imaginait le prendre sur son bureau, il était incapable de penser à autre chose... Et le pire, c'était qu'il en avait pour quatre heures avec lui...
Par chance, trois coups retentirent dans la salle, et deux jeunes hommes, ainsi qu'une jeune femme, passèrent la tête derrière la porte. Nikolaï sortit enfin de ses pensées, trop curieux pour continuer ses fantasmes, et tourna la tête vers les trois intrus.
— Bonjour, est-ce qu'on peut vous prendre deux minutes, demanda l'un des deux jeunes hommes.
— Ça dépend, vous me les rendrez après, demanda Fyo... M. Dostoyevsky en se tournant vers eux.
Le jeune homme qui avait parlé sembla déstabilisé, et regarda ses amis sans comprendre.
— Ce n'était pas une question sérieuse, dit alors M. Dostoyevsky avec un sourire amusé. Que voulez-vous ?
— On vient pour parler des manifestations étudiantes.
— Vous avez cinq minutes.
M. Dostoyevsky s'écarta pour laisser place aux étudiants, et les trois intrus s'avancèrent devant le tableau. Nikolaï les reconnaissait, les deux premiers étaient dans la même promotion que lui. Ils étaient tous les trois très grands, si bien qu'ils dépassaient M. Dostoyevsky, qui semblait bien menu près d'eux. L'étudiant qui avait pris la parole était brun, il avait de magnifiques yeux verts, un long manteau en laine noire, et ses cheveux étaient partiellement ramenés en une couette à l'arrière de sa tête. Il était le président du syndicat des étudiants, autrement dit, ils étaient là pour veiller sur la vie étudiante de ce campus, et pour organiser des manifestations « lorsque la cause était juste ».
Pour être honnête, Nikolaï n'avait jamais compris l'utilité des manifestations et du syndicat. Il voyait plus les manifestants comme des personnes qui ne voulaient pas travailler, alors il ne les prenait pas au sérieux. Dans son pays, personne n'aurait eu l'idée de faire une quelconque manifestation ! Et puis tout cela ne le concernait pas. Il n'avait aucun problème à l'université, ses notes étaient bonnes, et puis la France n'était pas son pays alors il ne voyait pas pourquoi il s'impliquerait dans des manifestations ici. De toute façon, il n'aimait pas les étudiants qui organisaient tout cela, et plus il se tenait loin d'eux, mieux il se portait. Le président de l'association s'appelait Eren, s'il se souvenait bien, et la jeune femme près de lui était Mikasa, sa petite amie. Eren passait son temps à crier et à scander des slogans politiques, ce qui était insupportable et vraiment ennuyant. Mikasa était plus calme au moins, et elle devait se rendre aux manifestations seulement pour empêcher son petit ami de finir au poste de police.
Mais le deuxième jeune homme, celui qui se tenait à la droite d'Eren, était le pire. Nikolaï passa ses yeux avec dédain sur les bandages qui entouraient le cou et les bras du jeune homme, et croisa son regard joueur. Dazai. Alias le pire étudiant de toute l'université. Nikolaï ne faisait pas partie de sa promotion, car Dazai était plus âgé. C'était un doctorant, il avait le même âge que Fyodor, d'ailleurs ils étaient tous deux d'excellents étudiants, qui se disputaient souvent les meilleures notes lors des partiels. Mais bien que Dazai soit très doué en cours et en recherche, il était aussi considéré comme le pire étudiant, et tout le monde le savait. Pourquoi ? Parce qu'il ne venait jamais aux cours magistraux, il dormait lors des travaux dirigés, il ne révisait presque jamais, la seule raison pour laquelle il venait sur les campus était les cookies distribués à la cantine et les cafés noisette, et il n'avait jamais mis les pieds dans la bibliothèque ! Mais le pire, c'était qu'il s'était inscrit aux syndicats des étudiants pour faire des manifestations avec eux, tout simplement parce que c'était « drôle » ! Il ne devait même pas savoir pour quoi se battaient les étudiants, il était juste là pour s'amuser ! Nikolaï le connaissait parce que Dazai passait son temps à traîner dans la cafétéria et à embêter tous les étudiants qu'il croisait, et il n'arrivait jamais à lui échapper. Dazai était déjà venu lui raconter sa vie plein de fois, il était insupportable. Nikolaï ne savait vraiment pas comment il faisait pour avoir d'aussi bonnes notes...
Dazai se plaça devant le tableau et s'y adossa, en posant volontairement son dos sur ce qu'avait marqué Fyodor, enfin M. Dostoyevsky. Il n'était pas croyable.
— Chers Camarades, commença Eren, sans faire attention à Dazai. Comme vous le savez, nous sommes en temps de conflits avec notre faculté. Avec tous les changements politiques que connaît notre pays, beaucoup de grèves ont vu le jour, et en tant que citoyen et victimes de ces changements, nous nous devons de nous insurger à notre tour. Allons-nous rester oppressés ? Allons-nous accepter de travailler jusqu'à avoir la peau sur les os ? Non, nous devons nous battre, nous devons faire entendre notre voix, et nous devons protéger notre liberté ! Les manifestations sont importantes, nous avons besoin de vous ! Nos ennemis sont le gouvernement et la fac, car elle nuit à notre liberté de manifester. En effet, notre faculté refuse de tolérer nos absences lorsque nous exerçons nos droits de citoyens, cela est intolérable ! Notre faculté nuit à notre liberté, mais aussi à notre travail de recherche, à notre formation, à notre apprentissage, à notre parcours ! Nous sommes étudiants et jeunes adultes, il est de notre devoir de manifester ! C'est pourquoi, ce soir, nous organisons une réunion dans le Jardin du Luxembourg, afin de discuter des mesures à prendre contre la fac et contre la répression. Venez nombreux.
— Et ramenez à manger, ajouta Dazai avec sérieux.
— Ramenez tout ce que vous estimez nécessaire, dit Eren en faisant passer des prospectus dans les rangs. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à passer au syndicat, au troisième étage. Nous avons fini, merci pour votre écoute et votre temps.
— Merci pour ce discours élogieux, dit Fyodor, M. Dostoyevsky, en tentant discrètement de pousser Dazai de son tableau.
— On est aussi venu pour vous prévenir que des stands sont installés dans la cour, annonça Mikasa. Ils vendent de la nourriture, des sacs et des pulls, et l'argent récolté ira aux étudiants boursiers, donc n'hésitez pas à participer.
— Moi j'ai aussi quelque chose à dire, intervint Dazai. Si jamais l'une de vous, mesdames, souhaite faire un suici-
— Merci Osamu mais je pense qu'on va se passer de ton intervention, coupa M. Dostoyevsky en ouvrant la porte de la salle. Si ça ne vous dérange pas, j'ai un cours à reprendre et vous avez dépassé les cinq minutes accordées.
— Bien sûr, dit Eren en hochant la tête. Merci pour le temps accordé.
Il fit volte-face et sortit de la salle, suivit de Mikasa. Dazai s'attarda, il glissa les mains dans sa poche et offrit un sourire amusé aux étudiants devant lui.
— Je vous souhaite bon courage pour supporter votre nouveau professeur, on a tous dû le supporter un jour ou l'autre. Si jamais vous ressentez le besoin de parler, sachez que je ne serais pas là pour vous, mais d'autres le seront sûrement, s'exclama joyeusement Dazai avant de partir. À plus Fyodor !
— Merci Osamu, dit Fyodor, avant de claquer la porte derrière lui. Je tiens à préciser qu'une manifestation contre la faculté n'oblige pas une manifestation contre le gouvernement, vous vous battez pour la cause que vous voulez. Je rappelle aussi que manifester est un droit, et non un devoir, personne ne vous en voudra si vous préférez vous concentrer sur votre recherche que sur des manifestations durant la semaine. Bien ! Reprenons. Qui avait la parole ?
Une jeune femme leva la main, et reprit le commentaire qu'elle faisait avant l'interruption du cours. M. Dostoyevsky se retourna vers le tableau pour réécrire ce qu'avait effacé le dos de Dazai, et une fois de plus, Nikolaï posa ses yeux sur le bas de son corps. Il se demandait si lui aussi allait aux manifestations. Il n'avait pas tout compris au discours d'Eren car il ne s'intéressait pas à l'actualité politique, mais il savait que Fyodor était assez engagé, alors peut-être que lui aussi manifestait ? Si le faisait, Nikolaï voulait bien l'accompagner, même si cela ne l'intéressait pas ! Il lui demanderait tout à l'heure, une fois que le cours serait fini. Il avait hâte de pouvoir discuter avec son nouveau professeur...

Recueil Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant