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DERRIÈRE LA PLUME D'UN GÉNIE

 
Soirée finale

────── ҉ ───────

  — Ranpo arrête de manger, c'est pas pour toi, s'exclama Edgar en attrapant l'assiette de jambon pour l'éloigner de son petit ami.
   — Et si c'est pas pour moi c'est pour qui ?
   — Pour les invités !
   — Mais je suis l'hôte, j'ai le droit de manger !
   — Non, arrête il n'y aura plus rien après !
   — Bon alors je mange des olives, déclara Ranpo avec mécontentement.
   — Ah non, pas touche aux olives, dit aussitôt Edgar en attrapant le bol d'olives pour le protéger.
   — Mais j'ai faim, gronda Ranpo.
   — Tu mangeras tout à l'heure, pendant le repas, déclara Edgar.
   Il attrapa un morceau de pain italien, qu'il tartina de sauce tomate à la va-vite, puis il le tendit à son petit ami pour l'aider à calmer sa faim. C'était ça ou Ranpo dévorerait tout ce qui se trouvait sur la table, et il n'y aurait plus rien à manger pour leur repas. Et dire que c'était lui qui avait eu l'idée de ce repas...
   Il avait eu l'idée d'organiser une soirée pizzas pour fêter la fin des vacances, et pour réunir tous ses amis. Enfin, c'était plutôt pour réunir les amis d'Edgar, cela faisait un moment qu'il n'avait pas passé une soirée avec eux à cause du travail, et cela l'avait rendu maussade ces derniers jours. Ses meilleurs amis étaient comme sa famille, et étant l'aîné de son groupe, il considérait que Fyodor était son petit frère, et par extension, Chûya l'était aussi. Ne pas les voir l'attristait, il n'aimait pas cela, surtout qu'il savait que Fyodor allait mal, alors il n'aimait pas rester sans nouvelles de lui. Ranpo avait bien vu que ses frères de cœur lui manquaient, alors il avait proposé d'organiser une petite soirée entre eux samedi soir. Ils n'avaient tous qu'une semaine de vacances, donc c'était leur unique week-end de tranquillité avant la reprise du travail, et c'était donc le moment parfait pour se rassembler.
   Le dîner avait lieu chez Edgar, il avait été convenu que ce serait leur quartier général. C'était Ranpo qui avait tout organisé... Enfin, il avait donné toutes les directives, et Edgar les avait exécutées. Il ne fallait pas que Ranpo se fatigue trop après tout, il devait garder de l'énergie pour manger et s'amuser ! Comme Ranpo n'aimait pas cuisiner, c'était aux invités de le faire. Il avait proposé de faire un repas italien, et que chaque invité se prépare sa pizza, en prétextant que ce serait plus simple et que tout le monde serait content ainsi. « C'est pas de la flemme, c'est juste plus pratique » avait-il précisé lorsqu'Edgar était parti faire les courses.
   Chûya et Fyodor étaient déjà arrivés, ils aidaient Edgar à préparer les ingrédients à mettre sur les pizzas. Et Ranpo les aidait en mangeant ce qu'il y avait en trop. Excepté lui, ils avaient tous un couteau en main, un tablier autour de la taille, et ils étaient occupés à découper différents légumes et morceaux de viandes. Des champignons étaient éparpillés au bout de la table, des tranches de jambon et des cubes de poulets reposaient sur une assiette, il y avait plusieurs pots de sauce tomate et de crèmes fraîches. Il y avait aussi des olives, des herbes, des bols de mozzarella râpée, de parmesans et d'emmental, des aubergines à couper en rondelles, des conserves de maïs, des oignons, et des morceaux de fromage. Chûya s'occupait de découper en lamelles des poivrons rouges et jaunes, Fyodor faisait des rondelles de mozzarella, et Edgar répartissait les tranches de fromages sur leur plateau.
   — Pourquoi est-ce qu'il y a un ananas sur la table, demanda Fyodor au bout d'un moment.
   — Ben pour les pizzas, dit Ranpo.
   — Pour les pizzas ?
   — Ranpo mange des pizzas à l'ananas, expliqua Edgar avec dépit.
   — Quoi, s'exclama Chûya avec horreur. Mais c'est sacrilège de faire ça !
   — Pourquoi ? C'est trop bon !
   — C'est trop quoi ?!
   — Ranpo adore ça, c'est sa pizza préférée, dit Edgar.
   — C'est... Surprenant, dit Fyodor d'un air peu convaincu.
   — C'est juteux et sucré, c'est délicieux, dit Ranpo en attrapant l'ananas pour le couper.
   — Pas du tout ! Tu sais que j'ai des gènes italiens, demanda Chûya.
   — Ah bon ?!
   — Ma grand-mère était sicilienne, je peux pas te laisser faire ça, c'est contre mes principes.
   — C'est juste de l'ananas !
   — Mais non ! Mon dieu... Entre toi qui mange de l'ananas avec ta pizza, Fyodor qui boit du vin rouge en mangeant une omelette, Osamu qui met du Nutella dans ses croissants et qui n'aime pas le pain, et Edgar qui achète ses fromages au Auchan... Quittez l'Europe et la France, vraiment, dit Chûya avec désespoir.
   — Ils sont très bons mes fromages...
   — Où est le problème dans le fait de boire du vin rouge en mangeant de l'omelette, demanda Fyodor sans comprendre.
   — Ça se fait pas, le vin rouge se boit pas avec n'importe quoi ! Et non, les vrais fromages c'est au marché, pas à Auchan !
   — Mais y'a pas de Kiri au marché, dit Ranpo.
   Les yeux de Chûya s'écarquillèrent comme des soucoupes, et Ranpo se cacha machinalement derrière Edgar.
   — Le Kiri c'est pas un vrai fromage, s'écria-t-il.
   — Me crie pas dessus, tu me fais peur !
   — C'est son côté français-italien grincheux qui ressort, dit Fyodor. N'y fais pas attention.
   — Il est fou...
   — Vous n'avez aucun respect pour la cuisine française et italienne, soupira Chûya. Il ne manquerait plus que vous mangiez vos sushis avec des fourchettes.
   — Je le fais, dit Fyodor. Je ne sais pas utiliser des baguettes.
   — Oui mais toi tu es une exception, tu as le droit.
   Fyodor lui répondit par un sourire, et Chûya reprit avec dépit son découpage de poivrons. Le pauvre, il en voyait de toutes les couleurs avec eux. Edgar était américain et Fyodor était russe, alors ils avaient leur propre façon de manger, et ça ne plaisait pas toujours à Chûya. Il était très attaché aux traditions de ses pays d'origine, alors il devenait fou lorsqu'il voyait que quelqu'un « bafouait l'art culinaire de la France ou de l'Italie ». Mais c'était amusant à voir, Edgar aimait bien le voir s'énerver sans raison et se mettre à crier en agitant ses mains dans tous les sens.
   — Pourquoi vous vous êtes tous bien habillés d'ailleurs, reprit Ranpo. Je croyais que c'était juste un dîner entre amis ?
   — On est juste naturellement beau, répondit Chûya.
   — Moi je suis presque en pyjama.
   — Il y avait pas besoin de se faire beau t'inquiète pas, dit Edgar avec un sourire. Et puis tu es très bien comme ça.
   — T'inquiète pas, Fyodor aussi est en pyjama, lança Chûya.
   — Quoi ? Non, je ne suis pas en pyjama, dit Fyodor en levant la tête vers eux.
   — ... Ah non ?! Ils sortent d'où ces vêtements ?
   — Ils sont à Nikolaï. Poe m'a dit que c'était juste un dîner, donc je n'ai pas fait d'effort vestimentaire, dit Fyodor sans comprendre. Mes vêtements ne sont pas biens ?
   — Tu es très bien comme ça, dit Edgar pour le rassurer.
   — De toute façon toi t'es toujours beau, même comme ça, ajouta Chûya.
   Fyodor lui sourit de nouveau, puis il reporta son attention sur le champignon qu'il était en train de couper, visiblement peu intéressé par le sujet de leur discussion. C'était un repas simple, alors Edgar avait dit à ses invités de venir sans se prendre la tête. Et évidemment, Chûya et lui s'étaient mis sur leur trente-et-un. Ils étaient toujours habillés avec soin et élégance, même pour de simples dîners. Edgar avait l'habitude de soigner sa tenue et en réalité, pour lui mettre une chemise et un pantalon de costume correspondait à une tenue simple. C'était son style, et il comprenait que certains puissent se sentir un peu négligés à côté de lui, car tout le monde ne mettait pas de chemise pour passer la soirée avec ses amis.
   Ranpo portait un yukata (qu'il utilisait généralement pour dormir...), avec un jogging, ce qui était un... Un étrange assortiment. Leur style vestimentaire était complètement opposé, Ranpo ne faisait jamais d'effort pour s'habiller, le plus important pour lui était d'être confortable et au chaud, ce qui le conduisait parfois à assembler d'étranges pièces ensemble. Mais Edgar le trouvait joli ainsi, c'était mignon à voir. Au moins il montrait que chacun pouvait venir comme il en avait envie ! C'était le seul à avoir fait si peu d'efforts vestimentaires. Fyodor n'avait pas pris la peine de se changer, mais il n'était pas en pyjama au moins. Il portait un large pull qui appartenait à Nikolaï, et il avait même ses lunettes sur son nez, ce qui était rare.
   C'était amusant de le voir ainsi, d'habitude lui aussi se mettait toujours sur son trente-et-un. Fyodor avait raconté à Edgar que son grand frère riait souvent en le voyant, et qu'il disait qu'il partait faire les courses « comme s'il allait défiler ». C'était un peu vrai, même pour la fac, Fyodor faisait plus d'efforts que nécessaire. Mais il était fatigué en ce moment, c'était les vacances, et Nikolai n'était pas là, alors il n'avait pas dû avoir envie de se préparer.
   — Est-ce que tu as eu des nouvelles de Nikolaï, demanda Edgar à l'adresse de Fyodor.
   — Oui, on s'est appelé hier soir. Il va bien, répondit simplement Fyodor.
   — C'est nul, vous deviez venir avec vos partenaires, on voulait les rencontrer officiellement en tant que chef de la fratrie, dit Ranpo en volant une tranche d'ananas pour la manger. Dommage que Nikolaï et Osamu soient pas là.
   — Nikolaï est en vacances chez sa famille en Ukraine, il ne pouvait pas venir, répondit Fyodor.
   — Et Osamu n'est pas mon partenaire, rappela Chûya en haussant un sourcil.
   — J'aurais bien aimé vous voir ensemble, soupira Edgar.
   — C'est pas plus mal qu'ils soient pas là, dit Ranpo. Chûya s'entend pas avec Nikolaï, et Fyodor s'entend pas avec Dazai. Et puis Fyodor tu veux pas nous présenter Nikolaï.
   — Je veux bien vous le présenter, je ne veux juste pas que vous l'harceliez de question, dit Fyodor.
   — T'inquiète pas, c'est normal que tu veuilles garder ton chéri pour toi, dit Ranpo avec un sourire. Moi aussi au début je voulais pas présenter Edgar à mes amis pour le garder pour moi ! Donc il est parti en Ukraine ? C'est pas un peu risqué avec la guerre ?
   — Il est prêt de la frontière polonaise, apparemment ça va par là, dit Fyodor, d'un air qui ne semblait pas rassuré pour autant. Il voulait rentrer chez lui parce que l'une de ses sœurs est malade donc il voulait la voir...
   — Je suis sûr que tout ira bien, dit Chûya pour le rassurer.
   — Et Osamu alors, questionna Edgar pour changer de sujet. Il ne voulait pas venir ?
   — Mais on est pas ensemble !
   — Vous passez de plus en plus de temps ensemble, dit remarquer Edgar.
   — Tu parles de lui autant que de Fyodor, c'est pas rien, dit Ranpo.
   — Et tu rougis dès qu'on dit son nom, dit Fyodor.
   — Tu as l'air de beaucoup l'aimer, termina Edgar avec un sourire.
   — Je ne l'aime pas ! Ok on... On passe du temps ensemble...
   — Vous couchez ensemble, rectifia Ranpo. Et vous adorez ça.
   — Bon, oui on couche ensemble, mais c'est purement sexuel ! C'est du sexe ok ? Rien d'autre ! Je l'aime pas, je l'aimerais jamais et c'est pas du tout mon style, s'exclama Chûya, les joues rouges.
   — Oh arrête, on sait très bien que c'est ton style, répondit Ranpo.
   — Pas du tout, et je vois pas pourquoi tu dis ça.
   Ranpo lui lança un regard entendu, mais Chûya fut soudain absorbé par son découpage de poivrons, tandis que Fyodor évitait soigneusement de croiser le regard de quelqu'un. Tout le monde ici savait que Chûya avait des sentiments pour lui, et tout le monde savait que Fyodor était exactement comme Osamu. Donc Osamu ne pouvait qu'être le style de Chûya, et puis il n'y avait qu'à voir Chûya lorsqu'il parlait de Osamu pour comprendre qu'il ne lui était pas indifférent.
   Il passait de plus en plus de temps avec lui, il ne se contentait plus de passer la nuit à ses côtés et de repartir le matin, avant son réveil. Il restait avec lui une bonne partie de la journée, parfois il restait même tout le week-end, et il était toujours heureux après avoir passé du temps avec lui. Il rougissait à chaque fois que quelqu'un lui parlait de Osamu et il s'énervait, il avait déjà ce genre de réactions lorsque Edgar lui disait qu'il aimait Fyodor. Edgar était rassuré de voir Chûya ainsi. Il était certain que son cœur penchait pour Osamu, et c'était une bonne chose pour lui. Il était grand temps qu'il oublie Fyodor, et qu'il trouve quelqu'un qui l'aimait en retour, car il le méritait.
   C'était dommage qu'il n'ait pas osé proposer à Osamu de l'accompagner ce soir.
   — Bon, il nous manque deux gendres pour ce soir, tant pis, on les verra une prochaine fois, dit Ranpo. Je vais mettre la table dans la salle.
   — Je t'accompagne, je suis sûr que tu vas en profiter pour manger les biscuits apéritifs, dit Chûya en se levant.
   Ranpo grimaça de mécontentement, et il n'eut pas d'autre choix que de partir avec Chûya dans la salle. Edgar les regarda faire en souriant. Ranpo avait décidé qu'il était le chef de leur famille spirituelle, et en tant que tel, il aimait embêter les petits amis de ses protégés. Il les appelait aussi pièces rapportées, ou extension de la famille, ce qui amusait beaucoup Edgar.
   Edgar resta seul avec Fyodor pour préparer les derniers ingrédients à mettre sur les pizzas, il décida alors de sortir la pâte à pizza, qu'il avait préparée dans la journée, et commença à la découper en morceaux. Le plus simple était de se faire des mini-pizzas, comme ça chacun pourrait en avoir plusieurs et essayer plusieurs goûts. Ensuite il suffirait de les enfourner et de les laisser cuire le temps de l'apéro, ça devrait être rapide puisque les portions étaient plus petites.
   Ce repas était une bonne idée, il était simple à préparer, il plaisait à tout le monde, et c'était convivial. Cela arrangeait Edgar, il aimait bien cuisiner, mais seulement pour son petit ami, sinon cela le stressait. Il avait toujours peur de préparer quelque chose que ses invités n'aimaient pas, ou bien d'en faire trop pour un simple repas. Le simple fait d'accueillir des invités chez lui le stressait, il avait toujours peur de ne pas être un bon hôte et d'être ennuyant. Heureusement que Ranpo était là, il avait toujours des choses à raconter, et il savait comment rendre une soirée plaisante. Sa présence rassurait Edgar, sans lui il était un peu perdu. Mais pour le moment tout se passait bien, et puis c'était un repas avec ses amis, il ne pouvait que bien se dérouler.
   Edgar jeta un regard à Fyodor, qui s'était rapproché de lui pour l'aider à diviser sa pâte en plusieurs morceaux. Il avait l'air fatigué, son visage était encore cerné. Nikolai l'avait prévenu qu'il traversait une période compliquée et qu'il l'aidait de son mieux, apparemment il retournait chez la psychologue. Edgar n'avait pas eu beaucoup de détails, il savait seulement que Fyodor essayait de se détacher de son passé, et qu'il guérissait doucement. C'était inquiétant à voir en tout cas, même si c'était pour son bien, c'était horrible de le voir rechuter pour aller mieux. Edgar l'avait déjà vu dans de pires états, mais tout de même, il n'aimait pas le voir ainsi.
   — Comment va ta blessure au pied, demanda-t-il en baissant la voix, pour ne pas prendre le risque de se faire entendre par le reste de ses invités.
   — Elle guérit doucement.
   — Je vois... Et toi ? Ça va ?
   — Oui pourquoi ?
   — Je sais que c'est difficile pour toi en ce moment et que tu essayes de t'en sortir. On a pas trop eu le temps de se voir ces derniers jours alors... Ça va ?
   — Ça va, dit Fyodor en haussant les épaules. J'essaye de m'en sortir alors c'est difficile par moment... Mais ça va.
   — Ça se passe bien avec ta psy ?
   — Je pleure à toutes les séances mais... Oui. Elle est gentille. Mon psychiatre m'a donné des nouveaux médicaments, et quand je les prends je suis obligé de dormir, donc je n'ai pas fait grand-chose ces derniers jours, expliqua Fyodor, le regard fuyant.
   — Je comprends, c'est souvent comme ça avec les antidépresseurs.
   — Je n'aime pas ça, je me sens inutile.
  — Tu l'es pas, c'est pas grave si tu mets un peu ton travail de côté. Le plus important c'est que tu prennes soin de toi.
   — Je sais...
   — On est là pour toi tu sais ?
   — Je sais, répondit de nouveau Fyodor avec un petit sourire. 
   Edgar lui rendit son sourire et se risqua à poser brièvement sa main sur son épaule. Il aimerait lui poser davantage de questions, savoir de quoi il parlait avec sa psychologue, s'il parlait avec Nikolaï de ce qu'il ressentait, ou même s'il avait des nouvelles de son ancien petit ami. Mais il n'osait pas. C'était une barrière qu'il n'avait jamais été capable de dépasser, il n'osait pas poser trop de questions. Il avait peur de dire quelque chose de déplacé, peur de prendre trop de place, et peur de perdre la confiance de Fyodor. Sa timidité ne l'aidait pas, il était presque aussi bloqué que Fyodor, et il s'en voulait de ne pas réussir à communiquer avec lui, il avait l'impression de ne pas suffisamment le soutenir. Et puis il ne savait même pas réellement ce qu'il avait vécu. Chûya l'avait prévenu de certaines choses, car il avait demandé d'accueillir Fyodor chez lui quelque temps pour qu'il s'assure que son ancien petit ami ne vienne plus le voir, alors il avait dû lui donner quelques explications.
   Ça avait été une situation vraiment étrange. Edgar avait bien tenté d'en savoir plus, mais Fyodor n'avait répondu à aucune question et il s'était isolé, il y avait même des nuits où il avait disparu pour rester seul, et aujourd'hui encore, Edgar ne savait pas où il était parti. Chûya lui avait dit que son ancien petit ami était violent, mais Edgar se doutait bien que ce n'était que la moitié de l'histoire. Au fond, il avait compris, il se doutait suffisamment fort de ce qu'il s'était passé pour comprendre l'état de Fyodor. Mais il n'arrivait pas à lui en parler directement, il n'osait pas prononcer les mots, alors leur communication était silencieuse, et ça leur suffisait. C'était leur moyen de se parler, les mots n'étaient pas toujours nécessaires pour parler.
   — Et toi ? Tout va bien avec Ranpo, demanda soudain Fyodor.
   — Pourquoi ça n'irait pas ?
   — Je voulais dire... Tu as pu... Écrire la scène érotique que tu voulais, demanda Fyodor d'un air entendu.
   — Oh..., dit Edgar en rougissant aussitôt. O-oui, on l'a fait...
   — C'était bien ? Vous l'avez fait plusieurs fois ?
   — O-Oui, c'était très bien... Enfin j'étais un peu maladroit au début, mais Ranpo m'a montré comment faire, e-et je pense que je me suis bien débrouillé ? Enfin il a l'air content quand on le fait..., expliqua Edgar, au comble de l'embarras.
   — Je vois, tout va bien alors, dit Fyodor en souriant.
   — J'espère en tout cas... Je pense que j'ai quand même une marge de progression.
   — Je suis sûr que tu te débrouilles très bien, et puis ne t'inquiète pas, c'est normal de ne pas être très à l'aise au départ.
   — Je sais, mais c'est embarrassant... Et je sais jamais quoi faire une fois que c'est fini...
   — Après avoir joui ?
   — Le dis pas aussi fort, s'exclama Edgar en vérifiant que personne ne se trouvait près de la porte.
   — Tu sais que plus personne n'est vierge dans la maison ?
   — Non, je veux pas savoir, coupa Edgar en secouant la tête. En tout cas... Une fois qu'on est... Séparés... Qu'est-ce que je dois faire ? Tu fais quoi toi ? Enfin si c'est pas indiscret !
   — Ça dépend. Soit je reste dans les bras de Nikolaï, soit je m'endors directement, ça arrive souvent. Ou bien je me rhabille et je m'en vais.
   — Tu t'en vas ? Directement après ? C'est un peu... Brutal, non ?
   — Non, parfois on le fait quand ce n'est pas le moment, juste avant de partir faire quelque chose et dans des endroits pas très appropriés, alors je pars juste après avoir joui et lui aussi...
   Fyodor se tut en réalisant qu'il en avait trop dit et rougit violemment.
   — Enfin on ne le fait presque jamais, dit-il avec gêne.
   — Mais quand tu dis dans un endroit pas très approprié...
   — Oublie ça !
   — Fyodor, rassure-moi, tu sais que c'est interdit d'avoir une relation sexuelle en public, demanda Edgar en écarquillant les yeux.
   — Je ne le fais pas en public, je ne suis pas exhibitionniste enfin !
   — Mais alors comment ça dans des endroits inappropriés ?!
   — Mais c'est juste dans les toilettes, dans des cabines où je ne sais pas, des salles de classe vides... Je ne le fais pas dans la rue non plus, gémit Fyodor en prenant son visage entre ses mains.
   — Dans les toilettes ? Tu l'as fait au travail ?!
   — Arrête, j'ai l'impression que tu me juges !
   — Oh non pas du tout ! C'est juste que je suis surpris je... Je pensais que tu étais plus sage...
   — Tu es déçu de moi, demanda Fyodor d'un air blessé.
   — Pas du tout ! Je suis pas déçu, tu fais ce que tu veux, s'empressa de dire Edgar. Désolé ! Je pensais juste que tu n'avais jamais fait ça, mais tu as le droit ! Enfin je sais pas si tu as vraiment le droit mais... Tant que tu en as envie, tout va bien !
   — Tu ne me trouves pas normal alors... ?
   — Mais si ! C'est juste que je m'attendais pas à ça, c'est tout ! C-C'est juste que moi je suis un peu timide et j'y connais rien alors ça me surprend toujours quand j'apprends des choses sur... Sur ça, dit Edgar en perdant ses moyens. Le prends pas mal Fyodor...
   Fyodor ne lui répondit que par un sourire, et Edgar lui jeta un regard embarrassé. Il n'avait pas voulu le blesser ni le faire se sentir mal, il était seulement surpris. Il pensait que ça n'arrivait que dans les films ce genre de chose, il ne pensait pas qu'il y avait vraiment des personnes qui avaient des relations sexuelles dans des endroits publics. Maintenant qu'il y réfléchissait, c'était idiot comme pensée. Et puis Fyodor ne devait pas être le seul à s'amuser dans les toilettes de leur école...
   Une sonnerie retentit soudain dans l'appartement, mettant fin au moment de gêne qui s'était installé entre Edgar et Fyodor, et Edgar fronça les sourcils. Tous leurs invités étaient arrivés, ils n'attendaient plus personne. Qui ça pouvait être ? Ranpo passa en courant devant la porte, il ouvrit la porte, et quelques secondes plus tard, une tornade blanche fonça sur Fyodor.
   — Nikolaï, demanda Fyodor avec surprise, alors que Nikolaï le serrait dans ses bras.
   — Mon amour tu m'as trop manqué, s'écria Nikolaï avec joie en prenant les mains de Fyodor. Comment tu vas ?! Tu te sens bien ? T'as passé une bonne semaine ? C'est trop mignon t'as mes vêtements !
   — Mais qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'étais pas censé être chez toi, en Ukraine, demanda Fyodor d'un air déconcerté.
   — Je suis rentré un jour plutôt pour te faire la surprise, et puis mes sœurs en avaient marre de moi ! Tu m'as trop manqué, j'avais tout le temps envie de t'appeler mais j'essayais de me retenir parce que je savais que tu devais te reposer donc je voulais pas te déranger, expliqua Nikolaï à toute vitesse, en prenant le visage de Fyodor entre ses mains. J'ai pas arrêté de penser à toi, et j'ai parlé de toi à mes sœurs, je voulais leur montrer des photos de toi mais je me suis rendu compte que j'en avais aucune, les seules photos que j'ai de toi c'est des nudes ! Je pouvais pas leur montrer du coup, donc je leur ai fait un dessin, sauf que je suis pas très doué pour dessiner, du coup il faut qu'on fasse plein de photos normales ensemble pour que je les montre à ma famille ! Mais elles ont dit que t'avais l'air génial et il y en a qui aimeraient bien te rencontrer ! En tout cas j'avais trop hâte de te revoir pour te raconter tout ce que j'ai fait, et pour te parler, et pour que tu me racontes ce que t'as fait, et pour qu'on refasse plein de choses ensemble ! Une semaine sans te voir c'était super long !
   Nikolaï conclut son monologue en déposant une dizaine de petits baisers sur les lèvres de Fyodor, avant de l'embrasser de plus en plus longuement, et de finir par échanger un vrai baiser avec lui. Eh bien ! Son passage en Ukraine n'avait pas l'air de l'avoir plus inquiété que cela, il avait toujours une énergie débordante et un grand sourire. Edgar détourna le regard, gêné de les regarder s'embrasser, et remarqua alors qu'Osamu était aussi entré dans la cuisine, tout comme Chûya et Ranpo. Il avait dû arriver en même temps que Nikolaï. Mais comment avaient-ils fait pour venir ? Edgar ne leur avait jamais donné son adresse, il ne les avait même pas prévenus qu'il organisait un repas chez lui !
   — Je croyais que tu n'avais pas invité Osamu ce soir, dit-il à l'adresse de Chûya.
   — Je l'ai pas invité, qu'est-ce que tu fais là, demanda Chûya à Osamu en guise de bonjour.
   — C'est moi qui leur ai dit de venir, expliqua fièrement Ranpo. J'étais sûr que Chûya oserait pas inviter Osamu, donc je l'ai fait moi-même, et je savais que Nikolaï rentrait aujourd'hui donc je lui ai dit de venir !
   — Comment tu savais qu'il rentrait aujourd'hui, demanda Edgar avec surprise.
   — Parce que je sais tout mon chéri !
   — Je suis à peine descendu de l'avion que j'ai reçu un message de Ranpo avec ton adresse, qui me disait de venir ici ce soir et de ramener des « gourmandises italiennes », dit Nikolaï en s'écartant de Fyodor. Je savais pas trop quoi prendre, donc j'ai fait un tiramisu, je sais pas si ça vous va ?
   — C'est parfait, répondit Ranpo, qui tenait un sac qu'avait dû lui donner Nikolaï.
   — Oh mon dieu t'es en mode poisson, s'écria Osamu en voyant Fyodor.
   — En mode poisson, demanda Chûya sans comprendre.
   — C'est quand il a ses lunettes, regarde ça lui fait des yeux énormes c'est affreux !
   — Mais ça va pas, s'exclama Chûya en le frappant.
   — Aïe ! Mais c'est vrai regarde !
   — Il est super joli, dit Nikolaï en fronçant les sourcils.
   — Ne vous inquiétez pas, ça ne me dérange pas qu'il me dise ça, dit Fyodor avec calme, en s'asseyant sur une chaise pour reposer son pied blessé. Je vois que je ne suis pas le seul à ne pas avoir fait d'efforts vestimentaires Osamu.
   — J'ai essayé de pas trop bien m'habiller pour pas vous éclipser par ma beauté !
   — Il n'y avait aucun risque mais merci de prendre ces précautions.
   — Très bien arrêtez de vous chamailler et faites les pizzas parce que j'ai faim, ordonna Ranpo.
   — Ranpo tu dois nous aider aussi, rappela Edgar.
   — Oui oui...
   Ranpo se laissa tomber sur une chaise sans conviction, et attrapa un morceau de pâte pour commencer à l'étaler maladroitement. Edgar le regarda faire en souriant, et se rapprocha de lui pour cuisiner à ses côtés. Pendant ce temps, Osamu et Nikolaï se lavèrent les mains, tandis que le reste des invités s'installaient autour de la table pour faire les pizzas. Osamu vint ensuite s'asseoir entre Chûya et Fyodor, tandis que Nikolaï venait derrière son petit ami.
   — Comment s'est passé ton voyage Nikolaï, demanda Ranpo, en faisant glisser sa pâte vers Edgar pour qu'il lui fasse sa pizza.
   — Très bien, enfin le trajet en lui-même était compliqué parce qu'on arrêtait pas de se faire fouiller, mais tout s'est bien passé ! Et vous ? Qu'est-ce que vous avez fait pendant les vacances ?
   — On a rien fait, Edgar passait son temps à corriger des copies, alors je me suis ennuyé...
   — Je n'ai pas fait que ça, se défendit Edgar avec gêne.
   — Eh bien moi j'ai fait plein de choses, lança Osamu d'une voix enjouée. Lundi je suis descendu sur les voies du métro Deux, mais y'avait pas de métro donc il m'est rien arrivé malheureusement, mais bon, j'ai quand même bloqué la gare pendant un moment. Ensuite, j'ai écrit plein de choses et j'ai vu Gojo pour parler du livre que j'écris. Après, tous les jours j'allais un peu embêter Fyodor le matin, ensuite j'allais embêter Chuchu, et j'ai lu plein de livres, mais quand j'étais seul je m'ennuyais.
   — Ta vie se résume à embêter les autres ou quoi, demanda Chûya d'un ton sec.
   — Pas toi ? J'adore embêter des gens ! Embêter Fyodor c'est mon passe-temps favori depuis huit ans, et là j'en ai profité puisque c'est les vacances. J'adore aussi embêter Chûya, mais c'est plus coquin avec lui !
   — Mais tais-toi, s'exclama Chûya en rougissant violemment.
   — Comment ça t'es venu embêter Fyodor tous les jours, demanda Nikolaï en fronçant les sourcils. Je t'avais dit de veiller sur lui, pas de l'embêter !
   — Il m'a persécuté toute la semaine, dénonça Fyodor, qui s'était assis sur une chaise. Il venait tous les matins à huit heures pour me sortir du lit et m'obliger à sortir dehors, il est malade. Et le pire c'est que Chûya le laissait faire, il lui ouvrait même la porte.
   — C'est pour ton bien, répliqua Chûya. Tu as besoin de sortir un peu et puis c'est toi qui m'as dit de laisser Osamu entrer.
   — En plus j'adore débarquer dans sa chambre et ouvrir d'un coup les volets en le tirant du lit, dit fièrement Osamu.
   — Tout le monde me persécute de toute façon, personne ne m'aime, répondit Fyodor.
   — Le culot à l'état pur. Je te signale que t'es le plus aimé ici !
   — Pas du tout ?
   — Bien sûr que si, tout le monde t'aime ! T'es le chouchou de tout le monde ici !
   — Ça c'est vrai, intervint Ranpo, tout le monde sait que t'es le préféré du groupe.
   — Pourquoi vous dites ça, demanda Fyodor en fronçant les sourcils.
   — Parce que c'est vrai, répondit Osamu en s'asseyant sur une chaise, près de lui. Nikolaï t'es son mec donc forcément t'es son préféré. T'es clairement le chouchou de Poe, Ranpo t'aime beaucoup, et Chûya j'en parle même pas. Si ça se trouve tout le monde a déjà eu un crush sur toi au départ.  
   — N'importe quoi, répondit Fyodor en étalant sa pâte à pizza, avant de mettre de la sauce tomate dessus.
   — Il a un peu raison, tu es toujours le chouchou de tout le monde. dit Edgar avec un sourire.
   — Vous voulez tous me le voler, dit Nikolaï d'un air mécontent, en entourant son petit ami de ses bras, comme pour le protéger.
   — Même moi j'ai eu un crush sur toi, avoua Osamu.
   — Quoi, s'égosillèrent Nikolaï et Chûya, alors que Fyodor faisait mine de vomir.
   — Je vous avais dit que j'avais un passé sombre...
   — Attends mais tu rigoles ? T'étais amoureux de lui, dit Chûya en écarquillant les yeux.
   — C'est pas vrai, c'est pour ça que tu le colles, dit Nikolaï avec horreur.
   — J'adore les disputes, c'est super drôle, commenta Ranpo en mettant une olive dans sa bouche.
   — Euh alors je le colle pas, c'est lui qui me colle, dit Osamu d'un air indigné. Et j'étais pas amoureux de lui, j'avais envie de coucher avec lui, nuance.
   — C'était quand, demanda Fyodor d'un air pensif.
   — Première année. Vous voulez que je vous raconte ?!
   — Non, dit sèchement Chûya.
   — Je veux pas savoir, ajouta Nikolaï.
   — Je le fais quand même ! Je venais d'arriver en France, et Fyorusse aussi. Et on était presque tout le temps dans la même classe, c'était horrible ! J'avais pas d'amis et lui non plus, logique vu son caractère, et on se croisait tout le temps dans les couloirs, et je voyais qu'il était toujours tout seul. Et en cours, c'était l'un des seuls à participer, à huit heures du matin on était là, tout le monde dormait, et lui c'était un Monsieur-je-sais-tout, il passait son temps à lever la main, en plus il avait que des bonnes réponses. C'était le chouchou des profs, et il avait déjà des références que personne n'avait. Je m'en souviens, on avait cours de phonétique le matin, à huit heures, personne comprenait rien, et lui il analysait sans problème tous les mots qu'on avait, il connaissait l'alphabet par cœur au bout d'une semaine, et il était insupportable !
   — Excuse-moi d'être bon élève, répondit Fyodor avec agacement.
   — Je t'excuse pas, parce que figure toi que moi j'ai mis un semestre avant d'arrêter de confondre le « u » avec le « ou » ! Bon bref, c'était le premier de la classe, je suis sûr que tu dormais à la bibli tellement tu passais de temps là-bas.
   — N'importe quoi.
   — On avait cours de fiction ensemble, c'était avec Geto, et il avait toujours plus de dix-huit avec lui. Alors que Geto met des six à tout le monde, raconta Osamu d'un air épuisé, comme si cette anecdote l'avait traumatisé.
   — Il m'a mis dix-sept et demi une fois...
   — Oui ben moi il me mettait des cinq !
   — Mais donc tu l'aimais pas, dit Edgar d'un air perdu.
   — J'ai pas fini l'histoire ! Mais oui, je le détestais au début, mais un jour, en cours de mythologie, tout a changé. Au milieu du semestre on a changé de prof, et là Gojo, le héros de mon année, est arrivé, et je suis devenu super fort ! Je suis pas très travailleur de base, mais je suis super calé en mythologie parce que j'adore ça, alors que Fyoinculte y connaissait rien, donc il devait travailler alors que moi non ! Donc j'avais de super bonnes notes sans rien faire, alors que lui il devait passer son temps à réviser, et c'était vraiment grisant. Bref, je suis devenu addicte aux bonnes notes et je me suis mis à vraiment travailler, donc avec Fyorival on est devenu les meilleurs élèves de nos classes.
   — De la promotion même, corrigea Fyodor.
   — Chut laisse-moi raconter ! Comme on était les deux meilleurs, on est très vite entré en concurrence, et on s'est rapproché. On avait pas d'amis donc on s'est mis à rester ensemble pendant nos heures de trous, et un jour, Fyoanémique est tombé malade, vraiment malade, et il venait plus en cours. Sauf que sans rival je m'ennuyais, et c'était moins drôle de se donner à fond en cours. Donc j'ai pris les choses en mains, l'homme généreux que je suis est parti chez Fyomalade, et j'ai commencé à lui refaire tous les cours qu'il avait loupé. C'était pour qu'il reste à niveau et que notre concurrence ait un sens, parce que s'il loupe des cours ça compte pas si j'ai une meilleure note que lui, et puis ça me faisait réviser. Bon ! Et du coup je suis allé chez lui quand il était malade, et il ressemblait à rien, enfin tu ressembles jamais à grand chose mais là c'était un autre niveau. Et je sais pas pourquoi, je t'ai trouvé sexy, ta voix était encore plus cassé que d'habitude et pour une fois t'étais habillé normalement, donc je sais pas, c'était sexy, et j'ai développé un crush sur toi. Voilà, conclut Osamu à toute vitesse.
   Il mit fin à son monologue et reprit son souffle, alors que tout le monde le regardait avec des yeux ronds. Il avait parlé si vite qu'Edgar avait eu du mal à suivre son récit, et maintenant qu'il avait terminé, il se rendait compte qu'il n'avait presque rien compris. La facilité qu'avait Osamu à inventer des surnoms pour Fyodor était surprenante, s'en devenait même naturel de les entendre. Et comment pouvait-il passer de « je le déteste » à « je veux coucher avec lui » ? Edgar avait du mal à comprendre la transition entre ces deux phases...
   — Mais... Ton histoire n'a aucun sens, osa-t-il dire au bout d'un moment de blanc.
   — C'est ce que j'étais en train de me dire, avoua Ranpo en éclatant de dire.
   — Pourquoi t'as pas juste dit que tu le trouvais beau et que ça t'avait attiré, demanda Edgar d'une voix perdue.
   — Mais parce qu'il fallait tout le contexte, et il fallait que vous sachiez que c'est un Monsieur-je-sais-tout ! Et puis je l'ai pas trouvé beau, c'est juste que j'ai bien aimé qu'il me supplie de lui donner mes cours.
   — Attends donc il était en train de mourir dans son lit, et toi tu t'es dit, « je coucherais bien avec lui quand même », s'exclama Nikolaï avec incrédulité. Mais c'est horrible !
   — Oui mais... C'est pas de ma faute...
   — Non mais attends, t'as oublié des détails dans ton histoire, intervint Fyodor. Déjà tu n'es pas venu de toi-même chez moi, tu es venu parce que Geto t'avait dit de me passer tes cours, et que comme tu ne prenais que des notes manuscrites, c'était plus simple de me les montrer en vrai. Et puis depuis quand est-ce que tu travailles pour tes cours ? Tu n'as jamais mis les pieds à la bibliothèque.
   — Parce que je suis pas un rat de bibliothèque comme toi, mais oui, je travaille ! Et puis je comptais t'amener mes cours dans tous les cas. 
   — Pourquoi ne pas lui avoir demandé de sortir avec toi, questionna Edgar.
   — Je l'aimais pas à ce point, faut pas rêver ! Et puis j'avais fait une tentative d'approche, une fois on était à la bibliothèque, je m'étais penché vers lui pour l'embrasser, mais il l'avait même pas remarqué, il m'a littéralement pas vu alors que j'étais devant lui, et il était parti voir un livre dans une étagère. C'était le moment le plus humiliant de toute ma vie, je me suis jamais pris un aussi gros râteau, en plus toute la bibliothèque l'a vu, même nos profs l'ont vu... Gojo est même venu me voir pour me consoler, c'était la honte...
   — Vraiment ? Je ne m'en souviens pas...
   — Évidemment que tu t'en souviens pas, tu m'avais même pas regardé ! Et puis t'avais une copine en Russie.
— C'est fou comme Gojo et Geto sont investis dans vos vies sentimentales, dit Chûya.
   — C'est parce qu'ils ont pas le droit de se mêler de la vie amoureuse de leurs enfants donc ils compensent avec nous parce qu'on est leurs chouchous, expliqua Osamu. En plus depuis qu'on est en doctorat ils nous guident vraiment et c'est plus trop nos profs, donc ils sont au courant de tout dans notre vie. On parle des relations amoureuses de Fyorusse ensemble et on juge ses mecs. D'ailleurs ils te trouvent très cool Nikolaï.
   — Oh ça me fait plaisir !
   — En fait tu m'aimes trop Osamu, dit Fyodor avec un sourire en coin.
   — Pas du tout.
— Je te plaisais, tu parles de moi avec nos professeurs, tu passes ton temps à me coller, tu m'aides toujours alors que je ne te demande jamais rien, tu es venu me voir tous les jours de la semaine parce que tu sais que je ne vais pas bien, tu m'as accompagné à l'hôpital et t'as attendu des heures avec moi, et en plus tu m'as dit que j'étais ton meilleur ami. Tu m'adores.
   — Pas du tout, j'avais juste pitié !
   — Oh c'est trop mignon vous êtes devenus amis, dit Chûya d'un air attendri.
   — On est pas ami, je le déteste ! C'est juste qu'il fait pitié, il a que des problèmes !
   — Bien sûr, dit Fyodor.
   — Attends mais t'avais une copine Fyodor, réalisa soudain Nikolaï. Mais t'aimes les femmes ?!
   — J'aime les deux, répondit Fyodor en haussant les épaules.
   — J'ai connu toutes les histoires d'amour de Fyolover, il a eu une copine en L1 mais il l'a quittée parce qu'il voulait plus retourner en Russie et en plus elle était un peu toxique sur les bords, ensuite il a eu un copain en L3, il l'a trompé mais Fyobête est resté avec lui jusqu'à se faire quitter et après il a pleuré tous les jours pendant un mois, Geto avait tellement de peine qu'il lui avait offert un livre pour le réconforter. Et ensuite il a eu le connard en M2, d'ailleurs t'as failli louper ton master à cause de lui, et c'était ta plus longue relation. Et maintenant il a Nikolaï, raconta Osamu en s'accoudant à la table. Donc je me suis quand même pris plusieurs râteaux indirects, mais quand j'ai rencontré Chuchu je t'ai complètement oublié !
   — T'es tombé que sur des mauvaises personnes, dit tristement Nikolaï, en baissant la tête vers son petit ami.
   — Je t'ai toi maintenant, donc tout va bien, répondit Fyodor en levant la tête vers lui.
   — J'arrive pas à y croire, je pensais que vous vous détestiez..., dit Chûya.
   — Ça te rend jaloux, questionna joyeusement Osamu.
   — Pas du tout. C'est juste que je m'attendais pas à ça...
   — Je suis sûr que t'es jaloux ! T'inquiète pas Chuchu, maintenant je n'ai d'yeux que pour toi !
   — Vous avez eu beaucoup de relations dis donc, moi j'en ai eu que deux, dit Ranpo en s'accoudant à la table.
   — J'en ai eu qu'une seule, dit Edgar avec gêne.
   — Après il y a des personnes qui ont qu'une seule relation de toute leur vie et ils savent qu'ils ont trouvé le bon, dit Chûya.
   — Parfois c'est mieux de rester seul, dit Osamu.
   — Oui c'est vrai, moi je suis très bien comme ça en vrai, dit Ranpo.
   — Moi aussi, je pense que je suis pas fait pour avoir beaucoup de relation, dit Edgar d'une voix pensive.
   — Vous qu'est-ce qui vous fait immédiatement craquer pour quelqu'un, questionna curieusement Ranpo. Un détail qui vous séduit direct.
   — Moi du coup j'ai un petit faible pour les mecs malades, dit Osamu avec sérieux. Et pour les petits roux très colériques.
   — Reste loin de lui, dit Nikolaï d'un air menaçant.
   — Je suis pas colérique, fit remarquer Chûya.
   — Moi j'ai l'impression que c'est pas quelque chose en particulier qui m'a fait tomber amoureux d'Edgar. J'ai l'impression que j'ai d'abord ressenti quelque chose en moi en le voyant, mais c'était indescriptible, et ensuite j'ai commencé à me dire qu'il était mignon, qu'il avait l'air gentil et cætera. Mais ça a d'abord commencé par une sensation qui est venue partout en moi, comme si mon corps était tombé amoureux avant ma tête, raconta Ranpo.
   — Vraiment, demanda Edgar d'une voix touchée.
   — Oui ! C'était un coup de foudre je pense !
   — Je savais pas que tu étais tout de suite tombé amoureux de moi...
   — En même temps t'es génial, je pouvais qu'avoir un coup de foudre pour toi !
   — C'est vrai ? Je pensais pas que quelqu'un me dirait ça un jour, je me suis toujours dit que j'étais pas assez remarquable pour que quelqu'un tombe amoureux de moi, encore moins de cette façon, dit Edgar en baissant les yeux.
   — Vraiment ? Mais t'es génial, t'es l'homme le plus incroyable, après moi, que je connaisse !
   — Pourquoi tu penses ça ? T'es plutôt bel homme, tu dois plaire non, dit Nikolaï avec surprise.
   — C'est gentil, mais les gens ne font pas attention à moi en général, je suis trop discret alors personne ne m'a jamais aimé...
   — Peut-être que des personnes t'ont aimé sans te le dire. Tu sais on les remarque les personnes timides, même si on ne va pas forcément vers elles !
   — Les personnes timides sont attirantes, acquiesça Ranpo.
   — Vraiment ? Vous êtes les premiers à dire ça, dit Edgar d'un ton perplexe.
   — Désolé mais je trouve ça super ennuyant les personnes timides, c'est mieux ceux qui ont un caractère explosif, dit Osamu en faisant un clin d'œil à Chûya.
— Je te trouve pas vraiment timide Poe, dit Chûya en donnant une petite tape à Dazai. Tu es réservé, mais t'hésite pas à parler quand il faut.
— C'est vrai, mais j'ose pas trop parler, j'ai l'impression de ne pas être très légitime pour donner mon avis, dit Edgar.
— Il faut que tu prennes plus confiance en toi, s'exclama Ranpo en lui saisissant les épaules pour le secouer.
— Mais c'est facile à dire pour toi, gémit Edgar.
— T'es génial, il faut que tu oses t'imposer et que tu montres qui tu es, déclara Ranpo en passant sa main sur son front pour remonter sa frange. En plus t'as de super beaux yeux, tu devrais les montrer plus souvent !
— A-Ah... Oui peut-être...
— Qu'est-ce qui t'as fait tomber amoureux de moi, demanda curieusement Ranpo.
— Tout... Tu as une personnalité pétillante, et quand je t'ai rencontré, et j'ai directement tout aimé chez toi, dit Edgar avec embarras.
— Je le savais, mais je voulais te l'entendre dire, dit Ranpo avant de se hisser sur la pointe pour l'embrasser.
— Je veux pas gâcher l'ambiance mais ça fait des années que l'homme de ma vie me repousse donc merci de ne pas vous embrasser devant moi, intervint Osamu d'un ton amer. Et vous deux arrêtez de vous câliner aussi.
— Oh Chûya sors avec lui pour qu'il nous laisse tranquilles, lança Nikolaï, en resserrant ses bras autour de Fyodor.
— Je te repousse plus comme avant quand même, se défendit Chûya. On est beaucoup plus proche qu'avant maintenant...
— Oui c'est vrai, dit Osamu en posant son bras sur le dossier de Chûya. On est très proche maintenant. D'ailleurs c'est quoi ce qui te fait craquer chez quelqu'un ?
   — Son intelligence. Et sa taille.
   — Ça tombe bien, je suis super intelligent et je suis grand ! En plus les petits roux sont totalement mon style, tous mes ex étaient comme ça !
   — Parce que tu as des ex ?
   — Mentalement, oui.
   — T'es grave, dit Chûya en riant. Fais ta pizza au lieu de me draguer.
   — Bien sûr ! Et toi Fyodor, c'est quoi ton style ? Tu dis plus rien.
   — Je n'aime pas parler d'amour, répondit Fyodor en détourant le regard. Ce que j'aime ne m'a toujours apporté que des problèmes.
   — Sauf moi, dit Nikolaï en déposant un baiser sur sa tête.
   — Tu es une exception Nikolaï, répondit Fyodor avec un sourire.
   — On peut changer de sujet si tu n'es pas à l'aise, proposa Edgar.
   — Non ne vous embêtez pas pour moi, ça ne me dérange pas que vous parliez d'amour et de vos couples, dit aussitôt Fyodor. Ce n'est pas grave.
   — L'amour c'est nul, moi non plus je veux pas en parler, dit finalement Osamu.
   — Je suis d'accord, on peut trouver de meilleurs sujets de conversations, dit Chûya.
— L'amour c'est pas nul, c'est merveilleux, mais quand il est avec les bonnes personnes, dit Ranpo d'un air solennel.
— Je sais, mais jusque là, les amours que j'ai vécues n'étaient pas très merveilleuses, dit Fyodor avec un maigre sourire. Je suppose qu'il ne faut pas toujours croire au premier amour...
— Mais maintenant tu es bien entouré, tu vas voir que l'amour c'est vraiment génial, dit Chûya pour le réconforter.
— On va te donner plein de raison de retrouver goût à l'amour, dit Nikolaï en se penchant sur lui pour embrasser son visage.
— Au moins, tout ce que t'as traversé te sert de source d'inspiration, dit Osamu. Sans tout ça t'aurais pas fait les livres que t'as fait aujourd'hui.
— Il aurait quand même pu se passer de certaines choses, il y a pas besoin de vivre des choses horribles pour écrire des choses horribles, dit Chûya en croisant les bras sur sa poitrine.
— Non mais ça ajoute quelque chose. Fyogivré pourrait pas écrire des personnages aussi fous s'il était pas lui-même complètement à côté de la plaque.
— Je ne suis ni à côté de la plaque, ni fou, ni givré, dit Fyodor.
— C'est ce qu'un psychopathe répondrait. Désolé mais vu ce que t'écris, tu dois pas être tout seul dans ta tête mon grand.
— Si moi je suis fou, je me demande bien ce qu'est Poe, répliqua Fyodor.
— Moi ? Pourquoi moi, demanda Edgar avec surprise.
— Tu écris des choses un peu... Particulières...
— C'est vrai, je me suis souvent dit que tu devais avoir plusieurs personnes dans ta tête, dit Ranpo en acquiesçant.
— Quoi ?! Mais non, je suis sain d'esprit !
— Tu sais chéri, tu peux m'en parler, je t'aimerais toujours autant...
— Mais je suis sain d'esprit, répéta Edgar d'un air incrédule. Vraiment !
— Oui, Fyociopathe pense aussi qu'il est sain d'esprit, soupira Osamu.
— Moi je pense que les auteurs sont fous en général, finit par dire Ranpo. Mais c'est comme ça qu'on les aime ! Les plus givrés et les plus tristes sont les meilleurs !
— C'est vrai, Osamu aussi est comme ça, il a écrit plein de choses tristes, déclara soudain Chûya en donnant une tape sur la cuisse d'Osamu.
— Mais je ne suis ni givré, ni triste, s'indigna Osamu.
— Moi non plus, je suis très heureux et stable, ajouta Fyodor d'un air têtu.
— Moi aussi, je vais très bien, assura Edgar.
— Mais oui, nos auteurs préférés vont très bien, dit Ranpo en riant.
Il entoura Edgar de ses bras et déposa un baiser sur ses lèvres, alors que Fyodor et Osamu croisaient les bras sur leur poitrine d'un air agacé et se renfrognaient sur eux-mêmes. Nikolaï rit et se pencha une nouvelle fois sur Fyodor, cette fois-ci pour embrasser le creux de son cou, tandis que Chûya explosait de rire en observant Osamu. Ils formaient une drôle de bande tous ensemble, mais Edgar était loin d'être le plus fou d'entre eux. Il écrivait des choses étranges, certes, ses écrits étaient macabres, complexes, et dignes d'un auteur torturé. Mais il était vraiment sain d'esprit, il n'éprouvait aucune tristesse profonde, et il se sentait bien dans sa vie. Honnêtement, Ranpo était bien plus fou que lui. Tout comme Chûya et Nikolaï devaient être pires qu'Osamu et Fyodor, c'était seulement qu'ils le cachaient bien. Ils devaient tous êtres un peu fous à leur manière, c'était ce qui faisait qui ils étaient et ce qui constituait la force de leurs œuvres.
— Vous inquiétez pas, on vous aime comme vous êtes, dit Chûya en tapotant l'épaule d'Osamu pour le consoler.
— Pff, de toute façon si on respirait la joie de vivre on écrirait des romances à l'eau de rose, bougonna Osamu.
— Il faut de tout pour faire un auteur, dit Fyodor.
— Je suis d'accord. De la joie, de la tristesse, des peurs, des rêves, et beaucoup d'amour, dit Nikolaï, alors qu'il baissait les yeux vers Fyodor. Quoiqu'il en soit... Il y a toujours beaucoup de secrets derrière la plume d'un génie.

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Pour ceux qui voulaient savoir ce que faisaient les personnages figurants de cette histoire, j'ai fait une petite liste !

Jujutsu Kaisen :

Satoru : professeur agrégé et chercheur sur la fantaisie et les mythes antiques littéraires (+ prévoit de passer le concours pour être maître de conférence). Son travail porte notamment sur le mythe d'Achille et de Patrocle, et sur la métaphore du talon d'Achille qui influence les héros d'aujourd'hui. Il est aussi le mentor de Dazai en tant que romancier.

Suguru : professeur agrégé et chercheur sur la politique en littérature. Son travail porte sur la science-fiction comme dénonciatrice des régimes politiques, et sur la rhétorique employée à des fins de manipulation. Il est aussi le mentor de Fyodor en tant que romancier, et c'est lui qui l'aide dans ses relations avec ses éditeurs.

Shoko : professeure et chercheuse sur la question du genre en littérature. son travail porte sur l'écriture inclusive, sur la représentation de la psychologie féminine et masculine, et sur la présence du sexe dans les romances hétéronormées. Elle est aussi particulièrement présente dans le parcours de Chûya en l'aidant dans ses recherches personnelles, et elle lui a proposé d'intégrer l'un de ses groupes de recherche.

Megumi, Yuji, Ryômen, Nobara et Yuko : étudiants en master 1 de Lettres modernes. Megumi veut devenir éditeur (corriger des manuscrits et faire les préfaces), Yuji veut devenir professeur de français au lycée, Nobara veut devenir journaliste pour des magazines de mode, et Yuko veut être autrice de chanson. Ryômen est juste là pour rester avec Megumi, mais à côté il travaille déjà et il est cuisinier dans un restaurant (il est aussi là parce qu'être étudiant lui permet d'avoir plein de trucs à prix réduits et il veut pas que Yuji ait un diplôme et pas lui).

Maki : doctorante 1 en philosophie (sa thèse porte sur la perception et la manipulation de la musique.). Elle aimerait bien être politique, députée ou ministre lui conviendrait très bien.

Yuta : doctorant 1 en archéologie et histoire de l'art (sa thèse porte sur l'évolution des techniques de bronze dans le moyen orient). Il aimerait être professeur en archéologie.

Toge : doctorant 1 en littérature comparée (sa thèse porte sur la représentation de la nature contre l'industrialisation en littérature.). Il ne sait pas ce qu'il veut faire après, mais il adore les études et travailler, donc il veut en faire le plus longtemps possible.

L'attaque des titans :

Eren : doctorant 1 en philosophie, président du syndicat des élèves.

Mikasa : doctorante 1 en philosophie, sous-présidente du syndicat des élèves.

Armin : doctorant 1 en science de l'océan, secrétaire du syndicat des élèves.

Jean : doctorant 1 en management et innovation. Il n'est pas membre du syndicat des élèves mais il passe beaucoup de temps dans le bureau de leur secrétaire.

Recueil Bungo Stray DogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant