Clémence s'affala à côté de moi. Contrairement à d'habitude, elle ne semblait pas en pleine gueule de bois ou fatiguée. Elle semblait juste blasée.
_ Ça ne va pas, demandais-je en lui caressant le dos ?
_ Je ne me sentais pas d'y aller sans toi. C'est grâce à toi que j'aime cette musique de sauvages…
Je souris malgré moi. De nous deux, Clémence avait toujours été la plus calme et la plus tranquille. Qu'elle aime le métal et le rock ne collait pas à son image de petite fille modèle asiatique. Sa mère, japonaise de naissance, était adorable, mais avait parfois imposé ce côté cliché à Clémence. Elle avait grandi avec l'impression qu'elle devait avoir 18 de moyenne et qu'elle devait faire des études en informatique… Encore un bon gros cliché ! C'est pour ça que ma meilleure amie s'était résignée à l'idée de faire des études dans ce domaine alors qu'elle rêvait d'être bibliothécaire depuis qu'elle était enfant. Après une année à batailler, ses parents avaient accepté son choix. Et maintenant, la licence information-communication lui permettait de s'orienter vers la documentation. Cette même formation avait de nombreux cours axés sur la communication, la société, le travail humanitaire, le milieu associatif… Et ce côté-là me plaisait bien plus.
Malheureusement pour moi, le vendredi matin, c'était cours d'archivage et cours de l'histoire de l'information. Et, franchement : burk. J'étais en train de me dire que, sans bourse, je sécherais volontiers, lorsque Quentin, un camarade de la promo, s'installa à côté de Clémence. Je le vis s'approcher d'elle et lui faire la bise tout en lui caressant l'épaule, et comme souvent, cette scène me rendit stoïque. Je n'avais jamais trop apprécié Quentin, sans trop de raison. Après tout, on ne pouvait pas apprécier tout le monde, ça arrivait. Clémence, elle, semblait apprécier le jeune barbu aux cheveux bruns. Du moins, elle avait un grand sourire chaleureux.
_ Hello Clemy, coucou Minipousse.
Je lançai un regard noir à Quentin. Je faisais 1m54, certes. Était-ce une raison pour me surnommer ainsi ? Non. Les seuls personnes à pouvoir me taquiner sur ma taille étaient ceux de ma famille et Clem. C'est tout.
_ Hm… Prêtes pour deux heures à apprendre comment utiliser un logiciel de gestion des livres et magazines ?
Cette fois, comprenant qu'il voulait changer de sujet, je fis la moue, en posant la tête sur la table. Bordel, qu'est-ce que je détestais le vendredi et le lundi, jours où nos cours étaient axés sur la partie "information" du parcours. En me voyant ainsi, Quentin s'esclaffa :
_ Franchement, Alix, je me demande ce que tu fais dans cette licence. Ça se voit que tu n'es pas à ta place…
À ma grande surprise, Clémence, bien que timide d'habitude, me défendit directement :
_ Ne dis pas ça, Quentin. Alix est trop forte dans toute la partie communication !
L'entendre parler de moi ainsi m'étira un sourire. Mais le jeune homme avait raison… Contrairement à Clémence qui souhaitait devenir bibliothèque ou documentaliste, ou Quentin qui voulait être journaliste sportif, ou cette fille là-bas qui rêvait d'être Community Manager d'une célèbre radio, ce garçon-là qui avait évoqué un jour la com dans la boîte familiale… Moi je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire. À 20 ans, de nos jours, il était vraiment difficile de trouver sa place… Où était la mienne ? Bonne question.
Le professeur arriva peu de temps après, interrompant Quentin qui s'excusait auprès de Clémence en déposant un baiser sur sa joue. La jeune fille lui sourit, et se mit à écouter le cours. N'écoutant pas réellement, je pris le temps d'observer ma meilleure amie.
J'avais toujours trouvé Clémence mignonne. Petite, je trouvais que ces yeux étaient marrants, car ils étaient à la fois plissés mais très grands aussi ! À l'adolescence, je la taquinais en disant qu'elle avait des yeux de manga. Mais maintenant qu'elle était adulte, on pouvait juste dire qu'elle était un charmant mélange asiatique et occidental. Ses yeux noirs étaient très légèrement plissés, et elle avait les cheveux châtains très foncés et très fins. Ils tombaient autour de son visage, avec une jolie frange, et franchement, j'en étais presque jalouse. Ma tignasse châtain clair était légèrement ondulée, et je mettais un temps dingue à les coiffer le matin. La seule chose qui dénotait par rapport à ses origines, c'était ses formes féminines qui ne collaient pas forcément aux clichés des corps asiatiques. Sa poitrine était plus grosse que la mienne - faut dire que j'avais un petit B tranquille - , et j'avais déjà vu un nombre incalculable de mecs fixer ses fesses.
Comme durant la plupart des cours, je gribouillais sur mon cahier, me concentrant sur la voix lointaine du prof. Est-ce que savoir que les trois premiers chiffres d'un ISBN, le fameux ADN d'un ouvrage, permettait de savoir quel type de document c'était, allait me servir plus tard ? En tout cas, Clémence avait l'air ravie. Sans un mot, je la vie prendre son crayon et noter sur mon cahier.
"C'est trop cool, on va pouvoir trouver plus facilement les livres à la BU !"
Je lui rendis son sourire, et en tournant la tête vers elle, remarquait Quentin qui me fixait bizarrement. Qu'est-ce qu'il avait, lui ? Mon téléphone vibra au même moment. Discrètement, je le sortis de ma poche.
Vic : Yo Lix, Mathilde est malade et je me retrouve seule ce soir. Tu serais dispo ?
Le vendredi soir, le café proposait une "nocturne". Il fermait à 20h, et les gens pouvaient venir écouter de la musique ou jouer du piano droit à disposition. Doucement, Clémence se pencha vers moi, et lu le texto sans aucune gêne. Il faut dire qu'on ne se cachait rien.
_ Tu veux venir, chuchotais-je ?
_ D'acc, mais je ne dois pas rentrer tard, les parents ne sont pas là, ce soir, et je dois m'occuper de Polochon.
En entendant ça, Quentin s'approcha de nous aussi.
_ Tu as un poisson ?
Je me mordis la lèvre pour m'empêcher de rire. Malgré moi, je ricanai :
_ Non, elle a juste de mauvais goûts.
Perplexe, le garçon interrogea Clémence du regard, qui devint toute rouge.
_ C'est le nom de mon vieux chat… J'avais 9 ans quand on l'a eu et j'étais fan de la petite sirène…
Quentin l'observa avec affection. Hm. C'était quoi, ce regard ? Enfin bon, ce n'était pas mes oignons. Je repris mon téléphone.
Moi : Je finis à 17h, je viens après.
Vic : Merci, t'es la meilleure, tu me sauves la vie ! Je t'aime, baby !
Comme d'habitude, Clémence lu ma réponse, mais cette fois, elle n'ajouta rien. Le professeur rappela au même moment qu'on devait ranger nos téléphones, alors je m'exécutai en silence, en faisant des calculs. Deux heures supplémentaires. J'allais peut-être pouvoir me rendre au Cornu avec Clem la semaine prochaine !
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Mon seule secret (histoire lesbienne)
RomanceElle, c'est Alix : 1m54, décalée et fière de l'être ! Elle, c'est Clémence : 1m70, réservée et en quête du grand amour ! Elles ont toujours été meilleures amies, et se connaissent par cœur. Mais se pourrait-il qu'Alix cache un énorme secret... ? ...