Ça n’allait pas du tout. J'avais rarement eu autant de monde un jeudi après-midi. Des gens faisaient la queue dehors pour rentrer, en attendant que des places se libèrent. J'étais exténuée alors qu’il n'était que 15h. En écoutant une conversation, j’avais compris pourquoi tous ces étudiants étaient là : un influenceur sur une appli avait fait l'éloge des pâtisseries de Jean-Baptiste Delor, et avait visiblement dit dans la vidéo que pour goûter ses cookies, muffins et autres “petits plaisirs” qui n'étaient pas vendu au LGB Thé, il fallait venir au Café Boisé. C'était une superbe pub et j'étais contente pour l'établissement et pour JB, mais ce n'était pas facile. Heureusement que je connaissais bien mon métier de barista et que les clients étaient, de manière générale, patients.
Durant un moment de calme, j'attrapai mon téléphone de ma poche et envoyai à ma meilleure amie un message racontant mon périple. Sa réponse ne se fit pas attendre.
Clem : Vic n’est pas là ?
Moi : Nop, elle est en congé. Et Mathilde a dû partir plus tôt.
Clem : Demande de l'aide à ta boss, non ?
Moi : Heu, non, pas besoin, j'y retourne, bisous
Tout en préparant un café caramel, je repensais au dernier message de Clémence. C'est vrai qu’appeler ma chef pour lui dire que j'avais besoin d'un coup de main était certainement la meilleure idée. Comme on le dit souvent : accepter sa défaite et demander de l’aide permettait parfois de limiter la casse. Mais je détestais ça, demander de l’aide. J’avais cette foutue image que ça me rendait vulnérable et redevable. Quand, adolescente, j’avais raté mon bus pour rentrer chez mes parents après les cours, j'avais préféré marcher pendant deux heures plutôt que demander à mes parents de venir en ville me récupérer. Une mauvaise habitude, sûrement…
Après une petite heure de calme, les gens recommencèrent à s’agglutiner devant la vitrine. En France, on avait une vision bien ancrée du “goûter à 16h30”, et il y avait donc plus d’affluence de manière générale. Je me demandais d'ailleurs d’où venait ce concept de pause goûter à 16h30 pétante. Je remontais du garde-manger au sous-sol avec un stock de lait quand je remarquai une personne qui venait d’entrer en doublant ceux qui voulaient une boisson à emporter. En réalisant que c'était Clémence, je souris et m’approchai d’elle :
_ Tu es ma sauveuse ! Tu es venue m’aider ?
_ Nop, je suis là pour un chocolat chaud aux épices.
Je la fixai, habituée à ses taquineries, et fit demi-tour.
_ Alors va faire la queue comme tout le monde.
Elle éclata de rire et retira sa veste qu'elle glissa derrière le comptoir.
_ Je plaisante. Tu veux que je m'occupe de quoi ?
Je souris, savourant la chance d'avoir une meilleure amie aussi géniale.
_ Tu veux bien t'occuper des clients qui veulent à emporter, s’il te plaît ?
Elle hocha la tête et commença à prendre une commande.
***
Toutes les deux affalées sur le lit de Clémence, je fixai le plafond, exténuée. Après un gros exam et une grosse après-midi de travail, nous avions dû supporter le métro toulousain et son manque de place. Au bout de quelques minutes de silence, je tendis mon bras vers ma meilleure amie et lui caressai le bras tout doucement.
_ Merci, Clem.
_ Pas de quoi, c’est normal. Et puis c'était amusant, de voir autant de monde au café Boisé.
_ Ouais, c'était cool.
Je me plaçai sur le côté pour la regarder, et la vis faire de même en essayant de calmer les battements frénétiques de mon cœur. Qu'est-ce qu’elle était belle. À seulement quelques centimètres de son visage, je pouvais contempler chaque spécificité sur sa peau, ses grains de beauté, la légère marque sur son menton - dernier reste d'une mauvaise chute en vélo quand nous étions enfants, la petite blessure à sa lèvre inférieure qu’elle se faisait à chaque examen à force de la mordiller lorsqu’elle réfléchissait…. J'étais clairement amoureuse de chaque détail chez elle.
_ Pourquoi es-tu venu m'aider ?
_ Je voulais que tu aies une dette envers moi.
Je souris à sa vanne, et recommençai à lui faire des papouilles sur le bras.
_ Et pour de vrai ?
_ Je te connais par cœur, je sais que t'étais en train de devenir folle mais que tu n’allais jamais demander à ton équipe de venir te soutenir. Alors je suis venu. Parce que je suis toujours là pour toi Al-...
Je la coupai en comblant le peu d’espace entre nous et en la serrant fort dans mes bras. J’avais failli l'embrasser, mais au dernier moment, j’avais réussi à transformer cet élan d’amour en câlin amical.
_ Merci.
Pendant un instant, ni elle ni moi ne bougions. Depuis toujours, nous étions très proches et tactiles. Se prendre dans les bras de la sorte n'était pas rare ou dérangeant. Mais, au fond de moi, j’aspirais à autre chose. Quelque chose de plus intime. De plus profond. Alors que je la serrais plus fort contre moi, ma joue effleura sa poitrine. Malgré le tissu, je sentis sa chaleur, et je sentis une violente douleur dans mon bas-ventre. Je désirais tellement Clémence… Ne pouvant pas me contrôler dans cette position, je me relevai d’un coup.
_ Bon ! Je vais te laisser, tes parents ne vont pas tarder à rentrer.
Clem se redressa et me demanda, surprise :
_ Tu ne veux pas rester manger ? Tu pourrais même dormir, je…
_ Nop !
Zut, c'était un peu trop violent comme non. Je me retournai pour faire face à ma meilleure, et son visage peiné me brisa le cœur. Mince… Putain de sentiments… Je m’approchai alors d’elle, appuyai mon genou sur le lit en lui saisissant les joues, et déposai un baiser sur son front.
_ Il faut que je rentre. Je suis exténuée.
Et surtout, je suis sur le point de t'embrasser. Mais ça, bien sûr, je ne pouvais pas le dire.
Sans attendre de réponse de sa part, j'attrapai ma veste et m'en allai le plus vite possible. En marchant jusqu’au métro, mon cœur battait la chamade. Bordel… Jamais je n’avais ressenti autant d’amour et de désir en moi. Il fallait que je trouve une solution pour que ce genre de sentiments disparaissent, ce n'était plus possible. Je ne voulais pas perdre ma meilleure amie…
____
Alix semble décider à faire taire ses sentiments ... Mais quelle(s) solution(s) va-t-elle trouver pour ?
C'est très amusant d'écrire ce que ressent Alix :P
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Mon seule secret (histoire lesbienne)
RomanceElle, c'est Alix : 1m54, décalée et fière de l'être ! Elle, c'est Clémence : 1m70, réservée et en quête du grand amour ! Elles ont toujours été meilleures amies, et se connaissent par cœur. Mais se pourrait-il qu'Alix cache un énorme secret... ? ...