Chapitre 30

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En me réveillant, la première image qui s'imposa dans mon esprit fut mon baiser la veille avec Clémence. Était-ce un rêve ? Pourtant, je sentais encore la chaleur de ses lèvres sur les miennes. Et puis, je n’avais jamais embrassé quelqu’un, donc je ne pouvais imaginer aussi bien ce ressenti. C'était sûr. Doucement, sachant très bien que le plancher grinçait facilement, je pris mes habits pour me changer dans les escaliers. En regardant mon téléphone, je fis la moue. 10h30. Mon père devait déjà être au travail… Par contre, ma mère était peut-être dans les parages.

Ne trouvant ni humains ni chiens dans la maison, je me rendis dehors. Il faisait super beau, pour un mois d'octobre. Justement, ma mère était en train d'étendre le linge sur la corde accrochée sur la terrasse. Je m'approchai alors d’elle, posai ma tête contre son épaule quelques secondes pour la saluer, et commençai à l’aider.

_ Tu as bien dormi, ma chérie ?

_ Oui ! J’aurais quand même préféré dormir dans ma chambre à moi…

Ma mère pouffa en haussant les épaules. Dès mon départ de la maison, mes parents avaient transformé mon ancienne chambre en buanderie. Ma mère y faisait le repassage et y étendait le linge l’hiver, plutôt que de devoir tout mettre dans le salon. Je plaisantais beaucoup sur ce sujet, mais en réalité, je comprenais.

_ Dire que Rémy a toujours sa chambre…

_ Ton frère travaille à l'étranger, il a besoin d’un pied à terre quand il rentre en France…

Je fis semblant d'être vexée, même s’il n’en était rien. J'étais fière de savoir que mon frère travaillait pour une ONG en Afrique, et je comprenais très bien qu'il avait besoin d'être au calme quelque part quand il rentrait au bercail. Ce qui était rare, d'ailleurs. Je ne l'avais pas revu depuis plus d’un an, avant que j’entre à la fac.

J'étais en train d’accrocher une énième chaussette en laine de mon père, repensant à sa phrase de la veille, quand j'osai enfin demander :

_ Est-ce que papa s’est trompé, hier ?

_ À propos ?

Je devins un peu rougie, gênée de parler de ça.

_ Quand il a dit… qu’il me fallait une femme…

Ma mère tourna la tête vers moi, l'air surprise.

_ Non, il ne s'est pas trompé. Ce n’est pas le cas ?

_ Hein ? Si, bien sûr que si ! Juste….  Je n’ai jamais… enfin je veux dire… je vous l'ai jamais dit…

Cette fois, ma mère eu un magnifique sourire très doux, et expliqua :

_ Mon bébé, tu nous l’as dit des dizaines de fois quand tu étais plus jeune… Tu n'arrêtais pas de dire que Zia devait te choisir toi car tu étais mieux qu’Esteban, ou que tu allais épouser Meg dans Hercule…

_ Oh…

_ Et puis tu draguais ta prof de français au lycée.

_ Madame Bordes ?? Mais non…

_ Mais oui…

Elle éclata de rire, et je fis de même. Je me sentais vraiment chanceuse d'avoir des parents aussi compréhensifs.

_ Merci, finis-je par souffler.

Ma mère sourit, et plaça le dernier vêtement sur la corde.

_ Tu veux des oeufs en guise de petit déjeuner ?

_ Ceux du poulailler ?

_ Bien sûr !

Je la suivis dans la cuisine, heureuse d’aller manger de vrais bons oeufs bien bios. Mais, me coupant dans mon élan, mon téléphone sonna. Je m'excusai, et allai répondre un peu plus loin. Hein ? Victoria ? Pourquoi m’appelait-elle un samedi matin où je ne travaille pas ?

_ Pitié, dis-je directement en décrochant, ne me dis pas que tu as finalement besoin de moi demain.

_ Hein ? Pas du tout. Salut Alix ! Je t'appelle pour te prévenir que jeudi prochain, le café est fermé. On va avoir une grosse réunion d'équipe. Il va y avoir pas mal de changements.

_ Ah ? Ok. C'est tout ?

Je l'entendis rire.

_ J'avais oublié que tu détestes le téléphone. Je voulais te proposer qu’on aille boire un coup après la réunion. Ça te dis ?

Je souris. Cela faisait longtemps qu’on n'était pas sortis entre collègues. J’acceptai puis raccrochai, avant de me rendre de nouveau dans la cuisine. Mais alors que ma mère me parlait, je n'écoutais pas vraiment. Mon esprit s'était envolé vers Clémence et notre baiser. J’avais tellement envie de recommencer. Mais il était vraiment temps que je fasse taire à jamais mon seul secret, à savoir que j'étais folle amoureuse d’elle. Car, de toute évidence, Clémence était hétéro et j'étais seulement sa meilleure amie. Elle m’avait embrassé car, à ses yeux, il était normal de le faire avec une amie si c'était pour tester. Je devais m'y faire…

Mon seule secret (histoire lesbienne) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant