Chapitre 27

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Le train le vendredi soir était toujours désagréable. La plupart des étudiants retournait voir leurs familles, alors c'était bondé, et on n'était même pas assuré d’avoir une place assise. Justement, Clémence et moi, nous étions assises par terre, à côté des toilettes. J'étais en train d'observer ma nouvelle bague au pouce, très belle mais un peu trop simple à mon goût - c'était un simple anneau en bois que j’avais trouvé dans une friperie en centre-ville - lorsque j'entendis un livre se fermer brutalement. Je tournai la tête vers ma meilleure amie, qui faisait la moue en rangeant son bouquin.

_ Ça va ?

_ Ce livre est nul.

Qu’est-ce que j’aimais quand elle faisait l'enfant ainsi. J'attrapais alors le livre en question, et lu à voix haute la quatrième de couverture :

_ “Un mélange d’After et de Gossip Girl enfin réussi.” ? Ça ne l’est finalement pas ?

_ Non, ce n’est pas réussi. C'est juste un livre pour ado qui prône une relation malsaine et qui apprend aux jeunes filles que la toxicité en couple, c'est normal.

_ C'est pas dans Gossip Girl qu'un des personnages préférés essaye de violer une gamine dans le tout premier épisode quasiment ?

_ Si…

Je lui rendis le livre, en haussant les épaules.

_ Alors ça ne m'étonne pas trop.

_ Tu as raison… et After c’est méga toxique aussi, comment peut-on croire qu'une relation où on se blesse et où on passe son temps à se mentir, c’est normal et sain ?

Je ne pu m'empêcher de sourire. J'adorais la Clémence militante qui parlait franchement de ce qu’elle aimait ou non. Avec la plupart des gens, elle gardait son opinion pour elle, et jamais elle n'aurait osé dire du mal d’une œuvre comme maintenant. Voulant la taquiner, je demandai :

_ Qu'est-ce que tu fais avec ça dans les mains, si tu n'aimes pas ?

_ Des filles en parlaient sur les réseaux sociaux et j'avais envie d’essayer… Mais décidément, je n'ai pas la même vision de l’amour qu’elles.

_ Et qu'est-ce que c’est, ta vision de l'amour ?

Ma meilleure amie bougea un peu pour se mettre en tailleur, tapant sans faire exprès dans le sac d’une autre passagère. Elle lui fit un signe de la main et devant sûrement réaliser d’un coup que d'autres personnes pouvaient nous entendre, se rapprocha de moi. Elle répondit, plus doucement, les yeux fixés sur son propre sac.

_ Je ne sais pas trop… Quelque chose de sain, de doux. Une relation sans mensonge et sans a priori ; où on accepte tout de l’autre, autant ses défauts que son passé, ses doutes, ses complexes, … ; une relation où il peut arriver de se disputer, certes, mais dans laquelle on se sent à sa place, où on sait qu’on peut tout dire et qu’on ne sera jamais jugé ; une relation où le physique et le sexe sont un peu importants, mais aussi où on peut parler de tout, où on peut rigoler de tout, où on se fait confiance et où il y a une réelle complicité. Pour moi, l’amour, c’est vouloir vieillir avec une personne et…

Elle s'arrêta soudainement, et leva vers moi deux magnifiques yeux qui brillaient. Pourquoi brillaient-ils ainsi ? Les miens glissèrent sur ses lèvres, et j’eus tous les maux du monde à ne pas m'approcher d’elle pour les cueillir. Elle avale sa salive, et conclu finalement :

_ … et savoir qu’on peut être 100% soit même avec cette personne.

“C’est exactement ce que je ressens pour toi, Clémence.”

_ C’est beau. Tu as une belle vision de l'amour, Clem. Je te souhaite de trouver ça, un jour.

_ Merci. Et toi, quelle est ta vision de l’amour ?

“Toi.”

Sachant très bien que je ne pouvais pas répondre ça, et voulant la taquiner malgré moi, je soupirai.

_ A peu près pareil que toi. Mais avec le sexe un peu plus important. C’est important, le sexe.

_ Tu dis ça, mais t’es vierge…

_ Je t’emmerde…

Elle me tira la langue, et je tournai la tête de l'autre côté, espérant que personne n’ait entendu. Quelle idée de dire ça à voix haute devant tout ces gens ! Heureusement, tout le monde portait des écouteurs ou des casques, et je ne crois pas que quelqu'un nous avait entendu. Toutefois, Clémence s’approcha encore de moi, et dit :

_ Enfin, tu l’es, non ? Tu l’as déjà fait avec une fille et tu ne me l'as jamais dit ?

_ Hein ? Bien sûr que non. Tu serais la première informée si ça arrivait.

_ D’accord. J'ai hâte, alors…

Merde, c’est moi ou elle avait dit ça d'une voix charmeuse ? J'allais réagir lorsque la voix toute grésillante du chef de bord annonce notre gare. Difficilement, on se leva en évitant de marcher sur des gens. Sérieux, dès que je travaille, je prends une voiture. À quoi bon avoir le permis si c’est pour me taper quand même ce calvaire ??

Comme à chaque fois qu’on descendait à Albi, je regardais sur la gauche pour voir de loin la cathédrale Sainte-Cécile. Trop grande, trop luxueuse, trop imposante. Mais je l'aimais quand même. Le train repartait déjà quand une voix sur le côté hurla :

_ Ma fifille chérie !!!

Mon seule secret (histoire lesbienne) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant