Chapitre 2.1 : Les cendres du passé

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Léandre

La pâle lueur des bougies vacillait faiblement sur les murs de la salle du trône, me rappelant que la grandeur de notre royaume n'était qu'une illusion fragile et qu'il n'était plus aussi grandiose qu'autrefois. Mon père assis sur le trône, portait sur son visage les rides du temps et les cicatrices des compromis. Sa voix, autrefois forte et claire, était désormais teintée d'un murmure las :

« Léandre, » avait-il commencé, mon nom retentissant avec une gravité sombre.

« Il te faudra accompagner nos tributs à Drevania. »

Un rire amer me monta aux lèvres.

« C'est ainsi que nous honorons notre lignée ? En offrant notre propre peuple comme des moutons à l'abattoir ? »

Son regard, bien que toujours pénétrant, portait une tristesse insondable.

« Il s'agit de survie, mon fils. Nous n'avons pas les moyens de défier Drevania. Nous devons nous plier et leur envoyer des tributs. Pour sauver notre peuple.

Je le dévisageai avec dégoût.

« Alors nous sommes réduits à cela ? Des lâches qui envoient des femmes et des enfants en tribut pour apaiser les monstres ? »

Mon père se leva, la douleur palpable dans chacun de ses mouvements.

« Le destin nous a placés dans des circonstances difficile Léandre. J'espère que tu ne connaîtras jamais la torture de prendre de telles décisions. Même si je pense qu'en tant que prince héritier et futur roi de la nation, tu auras sûrement à le faire. Vous partirez demain matin à l'aube.»

Je n'eus pas le choix que d'accepter la tâche, bien que chaque fibre de mon être aurait voulu se rebeller. Peut-être qu'après tout, je pourrai trouver un moyen de les sauver, de redonner un peu d'honneur à notre royaume déchu. Valeria avait autrefois rayonné de mille feux, une étoile brillante dans le vaste ciel des nations. Mais comme toutes les étoiles, elle avait fini par perdre de sa luminosité, se ternissant lentement sous le poids des ans et des erreurs humaines. Mon grand-père était autrefois le roi de cette terre jadis grandiose. Il n'avait rien à voir avec mon père. Mais pour l'heure il est inutile de ressasser le passé. Il fallait retrouver sa liberté d'antan. Et ça commençait par accompagner les tributs à Drevania et s'infiltrer parmi eux.
                                   ***

Le lendemain matin, la cour résonnait de chuchotements incessants. De soldats qui se préparaient à prendre la route et de serviteurs qui s'affairaient à leurs différentes tâches matinales. J'entendis même le murmure du froissement des ailes d'un oiseau pris au piège. Je me surpris de remarquer autant de détails. Mon père, m'avait fait venir à ses côtés, ses yeux creusés, trahissant les nuits d'insomnies et les soucis qui le rongeaient. Il avait décidé, dans sa sagesse affaiblie par la peur, de céder aux demandes de l'empire Drevania.

« Tu dois les accompagner, » avait-il chuchoté, une note presque suppliante dans sa voix, comme si le simple fait de prononcer ces mots l'abaissait davantage. Il était venu s'assurer que je n'avais pas changé d'avis la nuit. Cela m'écœurait. Il s'agissait de notre peuple. Des femmes et des enfants de notre royaume, arrachés à leurs maisons pour apaiser les appétits de l'empire. Ils seront sûrement condamnés à la servitude toute leur misérable vie. Les femmes réduites à l'esclavages. Les plus jeûnes d'entre elles, dans la fleur de l'âge et les plus jolies auront peut-être la chance de jouer le rôle de concubine en devenant des jouets pour les mains impériales. Quant aux garçons, un destin tout aussi cruel les attendait : une vie d'eunuques, leur virilité et leurs rêves volés avant même d'avoir fleuri. La rage bouillonnait en moi à cette pensée, chaque mot de mon père alourdissant le poids dans ma poitrine.

Sous l'influence de ces sombres pensées, le fracas retentissant des sabots sur les pavés me tira de ma rêverie. Les soldats Drevaniens avaient envahi la cour. En tête il y avait Lorcan, le meilleur archer des huit royaumes. Sa présence était imposante, témoignant de sa renommée. A ses côtés, Eryndor, son frère, dont la prestance semblait presque rivale, mais moins effrayante que celle son frère. Leurs yeux froids balayaient les lieux. Les deux fils du puissant premier conseiller de l'empire Drevania, bras droit et main de l'actuel empereur, étaient de redoutables messagers de l'autorité impériale.

« Fini de te prélasser, prince de pacotille, » siffla Lorcan avec un sourire narquois, ses yeux perçants fixés sur moi. « Fait préparer ta monture, nous partons dès qu'elle sera prête. »

Eryndor ajouta avec un rire moqueur, « Nous espérons que tu n'as pas hérité de la lâcheté de ton père, et que tu seras un accompagnant de voyage vaillant. Ne nous fait pas attendre »

Puis, avec un ton plus sombre, Lorcan ordonna : « Assure toi que tous les tributs soient présents. Si un seul manque à l'appel, cela sera sur ta tête. » Chaque mot, chaque regard, portait la marque d'un empire supérieur qui n'acceptait aucune rébellion. Les deux frères, puissants et craints profitait de leur statut pour dominer les gens. Ce n'était pas seulement leur héritage qui les rendait redoutables, mais la formation et l'endoctrinement qu'ils avaient reçus depuis leur plus jeune âge.

Mon père ne disait rien, comme à son habitude. Le peu de dignité qui lui restait, envolé. Tandis que moi, je serrais les poings, ma fierté piquée au vif. La tâche s'annonçait plus ardue que je ne l'imaginais.

Dès cet instant, avec une ferveur silencieuse, je m'en fis le serment solennel : un jour, je redorerai le blason de notre royaume, lui rendrai son éclat d'antan. L'indépendance dont il jouissait auparavant serai notre chant d'espoir, et je restaurerai la fierté bafouée de mon peuple et ma dignité en tant que prince héritier, futur roi de Valeria. Soudain, prenant conscience de mes promesses, un frisson d'inquiétude me parcourut. La voie de la rébellion s'annonçait semée d'embûches et jonchée d'obstacles. Serai-je à la hauteur des espoirs de mon peuple ? Serai-je capable de porter un tel fardeau ? Pourtant, dans cette cruelle réalité, face à l'adversité, je capitulais et me résignais à accompagner les tributs.

ASCENSION Tome 1 : Les voies du pouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant