Chapitre 49 - Les coeurs perdus.

119 19 114
                                    


ALTHEA (sous l'identité d'Alden)

Galopant aux côtés du prince Aurelian, je me sentais tiraillée par un tourbillon d'émotions. J'avais failli à ma mission, à ma promesse faite à Léandre. Je ne pouvais m'empêcher de me demander ce qu'il pensait de moi maintenant.

As-il perdu toute confiance en mes capacités ? Que va-il penser de moi maintenant ? Il doit être tellement en colère de mon erreur. Cela m'éloigne encore plus de lui, j'étais loin d'être digne de son amour, mais maintenant c'est pire...

L'idée de le décevoir me serrait le cœur, et je me sentais submergée par un sentiment de culpabilité et de honte. Alors que nous traversions les vastes étendues dorées de sable, une sensation étrange m'envahit soudain.

Une aura puissante, presque palpable, flottait dans l'air, éveillant en moi une curiosité mêlée d'inquiétude. Aurelian ne sentait rien visiblement. Je ne pouvais déterminer sa source, mais elle semblait vibrer avec une énergie mystérieuse. Une partie de moi, imprégnée des anciennes légendes Valériennes, ne pouvait s'empêcher d'être captivée par cette force mystérieuse et de se demander ce que cela pouvait être.

Une fois que je ne sentais plus cette aura mes pensées vagabondèrent ensuite vers mon père, le gouverneur Lorncrest. C'était lui... mon Père...La révélation de notre lien familial m'avait laissée désemparée. Il était là, à portée de main, et pourtant je n'osais pas me présenter à lui. Que se passerait-il s'il me rejetait ? S'il ne cherchait même pas à me connaître ? La peur de l'inconnu, de ce qui pourrait briser ce fragile espoir que j'avais nourri pendant des années, me retenait. Je préférais rester dans l'ombre, observant de loin cet homme qui était mon père, mais qui restait un étranger pour moi. Mon esprit était en proie à une lutte interne. D'un côté, le désir ardent de le connaître, de comprendre mon passé. De l'autre, la crainte d'une déception, d'une douleur plus grande que celle du mystère non résolu. J'avais tant rêvé de ce moment, et maintenant que la réalité me faisait face, je reculais, paralysée par l'incertitude.

Je réalisai soudain l'ampleur du poids que je portais. Non seulement la protection du prince Aurelian, mais aussi ma propre quête identitaire, mon désir de réconciliation avec un passé longtemps perdu. Tout cela me semblait trop lourd à porter, et pourtant, je savais que je ne pouvais me dérober à ces défis.

Alors que nous approchions du palais, je pris une profonde inspiration, décidant de me concentrer sur ma mission. Je devais protéger le prince, regagner la confiance de Léandre, et peut-être, un jour, trouver le courage de faire face à mon père. La route serait longue et semée d'obstacles, mais je ne pouvais plus fuir. J'étais déterminée à affronter les ombres de mon passé, et à embrasser pleinement le présent, quelle que soit la douleur que cela pourrait engendrer. Mais pas maintenant.

Une fois arrivés au palais, Sa Majesté avait congédié Son Altesse impériale dans son petit palais, sous la garde de Lykos et m'avait invité à dîner. Le dîner avec Léandre, dans la grande salle du palais de Valeria, s'avérait être un moment suspendu dans le temps, une parenthèse émotionnelle inattendue. J'étais là, en face de lui, sous les traits d'Alden, luttant contre les sentiments tumultueux qui m'agitaient. Je n'oserai jamais me présenter à lui tel que je l'était réellement, je ne pouvais pas. Et cela me brisait le cœur en mille morceaux.

Le clair de lune se frayait un chemin à travers les hautes fenêtres, baignant la salle d'un éclat argenté, créant une atmosphère presque irréelle. Léandre, dans toute sa splendeur royale, était une vision captivante. Sa présence, si imposante et pourtant si tendre, réveillait en moi un amour profond, un désir ardent que je m'efforçais désespérément de réprimer. J'étais consciente de chaque mouvement qu'il faisait, de chaque regard qu'il posait sur moi. Ses yeux, d'un vert profond et intense, semblaient sonder mon âme. J'aurais voulu lui révéler mon véritable moi, lui dire que sous ces atours d'homme se cachait Althea, la femme qui l'aimait en secret. Mais la peur de l'inconnu, de ce qu'une telle révélation pourrait engendrer, me retenait. Je me sentais indigne de son amour, un amour que je percevais comme inatteignable, un rêve trop beau pour être vrai.

Le repas se déroulait dans une atmosphère empreinte de mélancolie, ponctuée de silences lourds de non-dits. Léandre parlait peu, semblant perdu dans ses propres pensées. Je me demandais ce qu'il ressentait, ce qu'il pensait réellement de moi, d'Alden. Était-il conscient du tumulte qui bouillonnait en moi ? Pouvait-il sentir l'amour que je lui portais, même à travers ce déguisement ? À un moment donné, nos regards se croisèrent, et je crus y déceler une lueur de tristesse, une étincelle de quelque chose de plus profond, de plus personnel. C'était comme si, pendant un bref instant, il avait vu au-delà du masque, au-delà d'Alden, pour apercevoir l'éclat de la véritable Althea. Mais cela n'était qu'un rêve. Un rêve irréalisable. Je me sentais déchirée entre le désir de me dévoiler et la peur de détruire ce fragile équilibre que nous avions construit. Chaque mot échangé, chaque sourire partagé était à la fois une torture et un baume sur mon cœur meurtri.

Le dîner se poursuivait, et avec lui, cette danse délicate de sentiments inavoués et d'espoirs secrets. J'étais là, à ses côtés, et pourtant si loin. Mon amour pour Léandre était une flamme qui brûlait en moi, un feu intense qui ne demandait qu'à être révélé. Mais pour l'instant, je devais me contenter de cet amour silencieux, de cette proximité voilée, espérant qu'un jour, le masque tomberait et que la vérité éclaterait dans toute sa splendeur, sans conséquence pour moi. 

En pleine conversation avec Léandre, tout en me servant un verre, il brisa le silence avec une gravité qui contrastait avec l'atmosphère du dîner.

— L'assassin rôde probablement encore près d'ici. Sois toujours vigilant, m'instruisit-il avec sérieux.
— Bien sûr, Votre Majesté, répondis-je, tout en gardant mon rôle.

Il poursuivit, l'ombre d'une inquiétude dans le regard.

— Ne fais confiance à personne, ni parmi les hommes de la garde ni parmi les serviteurs. Même la garnison pourrait être compromise.

— Compris, Votre Majesté.

Ses yeux se tournèrent ensuite vers un sujet plus délicat, le prince héritier Aurelian.

— Ce prince... Il y a quelque chose d'étrange à son sujet. Quelque chose me dérange chez lui. J'ai du mal à lui faire confiance. Il pourrait nous trahir à tout moment. Il est si imprévisible, si capricieux... Je te plains, d'ailleurs comment se passe ton service auprès de lui ?

Je dus réprimer un sourire avant de répondre :

— C'est assez divertissant, en fait.

À ma surprise, je vis une étincelle de colère passer dans ses yeux verts. Je me demandais ce qui avait bien pu la provoquer, mais il répondit alors d'une voix qui semblait masquer ses véritables émotions :

— Je suis content pour toi, alors.

Emportée par l'ambiance, je me permis une requête :

— Votre Majesté, le prince héritier ne mange pas convenablement. Pourriez-vous y faire quelque chose s'il vous plaît ?

— D'accord, je vous enverrai quelqu'un des cuisines royales.

— Merci, Votre Majesté. Et ses vêtements souffrent aussi. Il n'a pas de couturière pour les réparer.

— Je vais m'occuper de cela également. Autre chose ?

— Non, c'est tout. Merci beaucoup, Votre Majesté, dis-je en lui offrant mon plus beau sourire.

Léandre était d'une générosité qui ne faisait qu'accentuer mon admiration et mon désir pour lui. Le prince héritier, malgré sa noblesse, semblait pâlir en comparaison. Je l'entendais se plaindre des conditions de vie ici, loin de son somptueux palais impérial. Et bien que je trouvais Aurelian attachant, il ne pouvait égaler la grandeur de Léandre. Si je pouvais, je l'aiderais à conquérir le monde, sans la moindre hésitation.

Le dîner se poursuivit, un mélange de rires discrets, de regards furtifs et de conversations chargées de sous-entendus. Malgré la légèreté apparente, je ne pouvais m'empêcher de ressentir une certaine mélancolie, consciente de l'abîme qui nous séparait, moi sous l'identité d'Alden, et lui, le roi majestueux de Valeria.

La tension dans la salle était palpable, un mélange de désir et de jeu. Léandre, avec une proximité troublante, me servit un verre, frôlant délibérément ma main. Son geste, empreint d'une tendresse déguisée, fit monter en moi un frisson inattendu. Son regard malachite intense, presque brûlant, semblait chercher à percer mon déguisement, à révéler mes véritables sentiments.

—   Je vais me retirer Votre Majesté.

ASCENSION Tome 1 : Les voies du pouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant