Chapitre 58 - L'ultime sacrifice

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Gouverneur Lorncrest (Père d'Althea et Gouverneur de Lylh Serine)

Perché sur les remparts de la forteresse, le cœur lourd, je scrutais l'obscurité qui engloutissait le champ de bataille. Je me trouvais déchiré par les choix que j'avais dû faire, par les ordres que j'avais dû donner. Fermer le tunnel... c'était condamner ceux qui étaient encore à l'extérieur. Les exposer à un danger mortel. Et parmi eux, Alden... ma fille. Ma fille que je venais de retrouver et dont l'existence même m'avait été cachée sous ce déguisement. Elle venait de rentrer dans ma vie, portant avec elle toutes les promesses d'un avenir glorieux, qui menaçait d'être englouti d'un instant à l'autre. Chaque battement de mon cœur portait son nom, et avec lui, un espoir ardent qu'elle s'en sorte. Je savais, avec une certitude qui transcendait la logique, qu'elle réussirait à escalader ce mur. Et pourtant, l'angoisse ne me quittait pas. Un spectre qui me murmurait des doutes et des peurs.

« Avais-je fait le bon choix en fermant le tunnel ? Avais-je condamné ma propre fille à un sort tragique, tout cela pour protéger le prince Aurelian et le royaume ? »

La balance des responsabilités d'un gouverneur, d'un père, n'avait jamais été aussi difficile à équilibrer. Je me rappelais le moment où nos regards s'étaient croisés, où la vérité de son identité m'avait frappé avec la force d'un coup de tonnerre. Toute la douleur de ces années de séparation, tout le regret d'avoir manqué sa croissance, sa vie, affluaient en moi, se mêlant à la peur présente de la perdre à nouveau.

—   Althea, ma fille, tu dois réussir, murmurais-je dans le vent.

Comme si mes paroles pouvaient traverser les ténèbres et l'atteindre. Lui donner la force de surmonter cet obstacle. Je savais qu'elle était courageuse, bien plus que je ne l'avais jamais été. Sa bravoure, son esprit indomptable, étaient mon seul réconfort dans cette attente torturante. Si par malheur il lui arrivait quelque chose, la décision de fermer le tunnel me hanterait, je le savais. Mais dans cet instant suspendu entre désespoir et espoir, je me raccrochais à la conviction que Althea, avec sa force et son courage, trouverait un chemin vers la sécurité. Et quand ce moment viendrait, peu importe les épreuves, peu importe les batailles à venir, je serais là pour elle, comme je n'avais pas su l'être par le passé.

Dans le silence de la nuit, mon regard ne quittait pas le sombre horizon, cherchant désespérément le signe de son ascension.

« Althea ton père t'attend, le cœur empli d'espoir et d'amour... »

            Soudain, comme émergeant des ténèbres elles-mêmes, Althea apparut sur les remparts, défiant toute attente, triomphante face à l'adversité. Le prince Aurelian, submergé par une joie sans borne, s'élança vers elle et la serra dans ses bras avec une ferveur qui dépassait de loin les conventions sociales.

« Un prince enlaçant son serviteur avec une telle intensité ? »

Un spectacle pour le moins inhabituel, et pourtant, en cet instant, la hiérarchie et les protocoles semblaient dérisoires face à l'ampleur de leurs retrouvailles. Je ne pouvais qu'observer la scène, un mélange complexe d'émotions tourbillonnant en moi. La surprise, l'étonnement, mais plus que tout, un soulagement profond. Althea, ma fille, avait survécu. Elle avait surmonté l'impossible, prouvant une fois de plus sa force et sa bravoure exceptionnelles.

Le comportement du prince m'interpellait, certes. Une telle effusion d'affection entre un prince et celui qu'il considérait comme un simple serviteur ne manquait pas d'éveiller des questions. Mais, à cet instant précis, ces considérations me semblaient bien futiles. Je n'avais ni le temps, ni l'envie de m'attarder sur ces détails. La réalité devant moi était bien plus pressante, bien plus vitale. Pour l'heure, les enjeux étaient ailleurs. La menace n'était pas écartée, loin s'en faut. Les sombres desseins qui nous avaient conduits à cette situation périlleuse étaient encore bien présents. Mais voir Althea ici, sur ces remparts, à mes côtés, ravivait en moi une flamme d'espoir et de détermination. Il y aurait du temps, plus tard, pour démêler l'écheveau complexe de leurs relations, pour comprendre ce lien qui les unissait. Pour l'instant, l'urgence commandait de rassembler nos forces et de fuir.

ASCENSION Tome 1 : Les voies du pouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant