Chapitre 79 - L'île de Neswije

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LEANDRE

J'avais été destitué.

Ma couronne usurpée.

Et mon exil était désormais inévitable.

Ma destitution, vue de l'extérieur, pouvait sembler surréaliste, voire lâche. Pourquoi un Roi resterait-il passif face à une telle injustice ?

Mais la vérité de ma situation était bien plus complexe, teintée d'ombre et de menaces bien réelles. L'Empire Drevanien, avec ses technologies avancées et ses armes alimentées par des pierres précieuses aux pouvoirs dévastateurs, était un colosse contre lequel il était suicidaire de se dresser seul. Le Grand Conseiller, par l'intermédiaire de mon propre oncle, avait ourdi une toile d'espions et de traîtres qui imprégnait toute la cour et l'armée Valérienne.

La bataille de Lylh Serine avait été le coup de grâce, anéantissant les derniers bastions de loyauté envers ma couronne. Les rares soldats qui me restaient fidèles furent décimés ou dispersés. Et dans le silence assourdissant qui suivit la débâcle, Darius n'eut besoin que d'un murmure de Raymund pour dissoudre la garde royale Valérienne, la remplaçant par des rangs obéissants à Drevania.

Face à une telle machination, ma résistance directe aurait été non seulement futile mais aurait précipité une destruction totale immédiate.

« La vraie sagesse n'est pas de s'engager avec fougue dans une bataille perdue d'avance, mais de guetter, patient et perspicace, l'instant propice pour frapper. »

Ce proverbe, aussi vieux que les montagnes de Valeria, résonnait comme un mantra dans mon esprit tourmenté. Mon heure viendrait, pas en héros impétueux, mais en stratège. Attendre l'opportunité pour restaurer ce qui nous a été usurpé.

Ces faits, bien que d'une gravité insoutenable, pesaient peu dans ma balance personnelle. Ce qui m'importait par-dessus tout, c'était le bien-être de mon peuple, d'Alden, et de mes compagnons fidèles.

Alden, en particulier, avait déjà enduré tant d'épreuves à cause de moi et de ma lignée, que l'idée de l'entraîner dans mon exil m'était insupportable. Il était essentiel que Lykos, Tomas, et Ivar concoctent un stratagème pour le libérer de cette geôle.

Quant à moi, je devais partir sans un dernier regard. Sans une ultime étreinte, car je connaissais trop bien la résolution d'Alden ; il aurait insisté pour partager mon sort. Mais je refusais catégoriquement de l'enchaîner à cette vie d'errance et de dépossession. Sa place n'était pas dans l'ombre froide de mon infortune.

Il me manquerait, cela ne faisait aucun doute. Chaque fibre de mon être criait à l'injustice de notre séparation. Cependant, ma décision était ancrée dans une volonté inébranlable de le protéger, même à mon détriment. Je tiendrais bon, fortifié par l'espoir et la détermination, planifiant seul mon évasion dès mon arrivée sur l'île de Neswije.

Une dernière tâche demeurait cependant avant de m'engager sur cette voie de solitude forcée. Une démarche cruciale, un dernier acte de régence à accomplir, pour semer les graines de la future restauration. Il était temps de donner mon dernier ordre en tant que Roi avant mon exil.

Alors, dans la gravité de l'instant, je portai mon regard – pour faire passer mon dernier message – sur Lykos, Tomas et Ivar, mes fidèles alliés dans les épreuves et les péripéties de ma vie. Ces fidèles compagnons qui avaient traversé avec moi les tumultes des jours sombres. Ces hommes, qui plus que de simples compagnons, étaient les piliers sur lesquels j'avais bâti ma confiance et mon espoir. À travers les jours les plus sombres et les éclats des moments de gloire, ils s'étaient révélés inflexiblement loyaux, prêts à sacrifier leur vie pour une cause qui, souvent, semblait au-delà de ce que je méritais. Dans leur présence indéfectible, je trouvais non seulement un soutien, mais aussi une profondeur de dévouement qui transcendait l'ordinaire, marquant l'essence même de notre fraternité forgée durant toutes ces années.

ASCENSION Tome 1 : Les voies du pouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant