Chapitre 80 - Les Échos d'une ancienne trahison

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GRAND CONSEILLER RAYMUND MORINTH

Assis dans la pénombre de mon bureau, l'atmosphère alourdie par les récents événements, j'attendais Lorcan avec une impatience teintée d'irritation. Quand la porte s'ouvrit enfin, révélant la silhouette haute et mal à l'aise de mon fils, je ressentis un mélange de déception et de colère.

—   Lorcan, approchez, imbécile, dis-je d'une voix où perçait à peine mon mécontentement. Nous avons des affaires pressantes à discuter.

Lorcan s'avança, sa démarche trahissant une nervosité mal dissimulée. Je pouvais voir dans ses yeux l'ombre de la peur, anticipant la nature de notre entretien.

—   Grand Conseiller, Mon père, je... commença-t-il.

Je levai une main pour le couper, mon regard fixé sur lui avec intensité.

—   Épargnez-moi vos préludes. Il semblerait que vous ayez omis de m'informer d'un détail crucial concernant l'escarmouche récente où un dragon est venu au secours d'Alden et du Prince. Pourquoi ne m'en avez-vous pas parlé ?

Lorcan déglutit, cherchant ses mots, mais avant qu'il ne puisse répondre, je me levai brusquement et lui assénai une gifle retentissante. Le bruit claqua dans l'air comme un avertissement.

—   Ne pensez-vous pas que c'était important ? grondai-je.

Lorcan, se tenant la joue, hoqueta de surprise et de douleur.

—   Père, je... je ne pensais pas que cela était de première importance, bégaya-t-il.

—   Tout ce qui concerne les Valeriens et leurs capacités est de la plus haute importance, Lorcan ! rétorquai-je, ma voix s'élevant en un crescendo d'exaspération. Nous sommes au seuil d'une grande conquête, et chaque morceau de connaissance que nous pouvons glaner sur leur puissance, mystique ou autre, est crucial.

Je fis quelques pas, mon regard se perdant un instant par la fenêtre, observant les contours lointains de Valeria, baignés dans les lueurs du crépuscule.

—   Nous devons les asservir maintenant, tant que nous en avons l'opportunité. Les Valeriens possèdent des pouvoirs que nous ne comprenons pas entièrement, des pouvoirs qui pourraient renverser le cours de notre domination si nous ne les contrôlons pas avec fermeté.

Je me tournai à nouveau vers Lorcan, mes yeux plongés dans les siens.

—   Ne sous-estimez jamais l'importance de ces informations. La prochaine fois que vous apprenez quelque chose, n'importe quoi d'aussi vital, je m'attends à ce que vous m'en informiez immédiatement. Est-ce clair ?

Lorcan hocha la tête, ses yeux toujours fixés au sol, marmonnant un oui timide.

—   Bien, concluais-je, la sévérité de mon ton légèrement atténuée. Maintenant, allez-vous préparer. Nous avons encore beaucoup à faire pour sécuriser notre règne sur ce royaume rebelle.

Lorcan, encore secoué par la réprimande mais soulagé de n'avoir pas subi un châtiment plus sévère, prit une profonde inspiration et questionna sur la suite des opérations.

—   Que dois-je faire maintenant, Père ?

Après un moment de réflexion je répondit avec une autorité tranquille :

—   Vous, Lorcan, ainsi qu'Eryndor, accompagnerez les tributs que Darel aura rassemblés à Lylh Serrine. Le Prince Darius souhaite vous accompagner à Drevania, sûrement pour s'assurer une fois à la capitale qu'il sera nommé Roi de Valeria. Laissons-le faire. L'Empereur Aurelian n'a pas voulu faire le testament de succession pour Darius cet après-midi comme je le lui avait promis mais je le forcerai à le faire une fois là-bas. Une fois à Lylh Serrine, le général Dravell prendra le relais afin d'escorter les esclaves dont Alden et le Prince à Drevania. Ensuite, vous devrez mener le roi Léandre à l'île de Neswije.

Je marquai une pause, durcissant légèrement mon expression et repris.

—   Et écoutez-moi bien, je veux que Léandre soit traité comme un Roi, avec tout le respect dû à son rang. Transportez-le en tant que tel.

—   Mais Père, le Roi de Valeria ne mérite rien d'autre que la mort !

—   Depuis quand discutes-tu mes ordres ?

—   Je suis désolé Père. Cependant, puis-je vous demander pourquoi vous le protégez ?

—   J'ai rencontré des guerriers courageux dans de nombreuses batailles lors de ma longue vie, mais aucun avec un cœur aussi ardent. Faire face à la mort sans sourciller avec une tel assurance, uniquement pour protéger son peuple et les gens qu'il aime... Quel dommage de l'avoir comme ennemi et non pas comme allié. Si vous pouviez être aussi fort et intelligent que lui ! Mais à la place je me coltine deux imbéciles en tant que fils.

Prenant une pause pour soupirer j'ordonnai :

—   Il ne doit subir aucun mal. J'admire énormément cet homme, et j'espère, dans un avenir peut-être pas si lointain, pouvoir collaborer avec lui. Si quelque mal lui arrive, ou au Prince Aurélian, peu importe que vous soyez mes fils, je prendrai les mesures nécessaires. Suis-je parfaitement clair ?

Lorcan acquiesça, sentant le poids de chaque mot.

—   Oui, Père. Nous veillerons à ce que tout se passe comme prévu. Vous n'aurez pas à intervenir.

Satisfait de sa réponse, je conclut la conversation avec une dernière directive pleine de sous-entendus.

—   Bien. Assurez-vous que toutes les parties de ce plan se déroulent sans accroc. Ne me décevez pas.

**********

DARIUS

La colère que je nourrissais envers Alden depuis sa trahison bouillonnait en moi comme un volcan prêt à entrer en éruption. J'avais décidé de lui rendre visite à la prison, non pas par un quelconque sentiment de compassion, mais pour savourer sa chute.

En arrivant devant sa cellule, j'observai sa silhouette défaite, la tête baissée, évitant mon regard. Mon mépris pour lui atteignait des sommets. Je me tournai vers Silas, mon fidèle subordonné, et lui ordonnai d'une voix tranchante :

—   Mettez-le sur la liste des Puris Castralis à envoyer au palais de Drevania.

—   Oui, Votre Majesté, acquiesça Silas avec obéissance.

Je fixai ensuite Alden, mes yeux brûlant d'une rage froide. Le mépris suintait de chaque mot que je prononçai :

—   Sois un esclave et sois traité moins bien qu'un chien ou un cochon. Tu comprendras alors pleinement les conséquences de m'avoir trahi.

Après lui avoir craché cette sentence, je fis un signe de tête à Silas pour qu'il referme la cellule. Profitant de l'occasion pour exercer sa propre forme de brutalité, Silas asséna un violent coup de poing au visage d'Alden, accompagnant son geste d'un rire narquois.

—   Le voyage vers la dynastie de Drevania sera un voyage vers l'enfer pour toi, ricana-t-il.

Alden, dans un élan de révolte brisé, cracha à la figure de Silas, ce qui lui valut une pluie de coups de poings et de pieds, chacun accompagné d'éclats de rire cruels de la part de Silas.

Tandis que les coups pleuvaient, je restais là, observant la scène avec une satisfaction glacée, me délectant de chaque moment de sa douleur.

C'était une petite revanche pour la trahison qu'il avait commise, une trahison qui avait failli me coûter plus que je ne pouvais supporter. Le voir ainsi, réduit à moins que rien, confirmait dans mon esprit que la justice, aussi cruelle soit-elle, avait été rendue.

ASCENSION Tome 1 : Les voies du pouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant