Chapitre 99 - Vengeance ou patience ?

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ALTHEA

Alors que les flammes ravageaient impitoyablement le camp, une lueur infernale dansant sur chaque tente et chaque visage. Je m'acharnais contre les cordes qui mordaient impitoyablement mes poignets. Mes doigts, engourdis et éraflés, luttaient pour trouver prise sur le chanvre serré. Soudain, dans la cacophonie des cris et le crépitement du feu, une silhouette se découpa contre l'incandescence ambiante : le Ministre Jo-Gar. Son visage était grave, marqué par l'urgence de la situation.

Il s'approcha rapidement, son regard fixé sur mes liens, et sans prononcer un mot, sortit un couteau de sa ceinture. D'un geste sûr et précis, il trancha les cordes qui me retenaient, libérant mes poignets douloureux avec une efficacité chirurgicale. Dès que je fus libre, nous ne perdîmes pas un instant, courant à travers le campement chaotique vers la voiture où Léandre était emprisonné. Mon libérateur me demanda de rester en retrait pour ne pas éveiller les soupçons.

Arrivé à la voiture, un garde sévère semblait perdu ne sachant quoi faire, mais à la vue de Jo-Gar, ils s'écarta, permettant à ce dernier d'ouvrir la porte avec un trousseau de clés qu'il sortit de sa poche. Léandre était là, enchaîné, son visage portant les marques de la fatigue et de l'inquiétude. Jo-Gar défit ses chaînes. Sa Majesté, une fois libre, pris un air farouche et déterminé montrant sa résilience.

Alors que nous reprenions notre souffle, prêts à fuir, les flammes continuaient de lécher le ciel nocturne.

Sans perdre un instant, nous courûmes vers la tente de l'Empereur Aurélian, mon cœur battant la chamade, partagée entre la peur et la colère. À notre arrivée, mon regard se posa sur Aurélian, et sans réfléchir, les mots jaillirent de ma bouche comme un venin :

— Traître ! Comment as-tu pu ?!

Ivar surgit de l'ombre et s'interposa entre nous, l'expression grave.

— C'est lui qui nous a aidés à te libérer, Alden. Ce n'est pas le moment pour des disputes.

Ma rage bouillonnait à l'intérieur, mais les paroles d'Ivar me forcèrent à reconsidérer la situation. Néanmoins, je grondai, incapable de contenir mon mépris :

— Je reviendrai, et je me vengerai de chaque trahison !

Léandre posa sa main sur mon épaule, essayant de calmer l'orage en moi.

— Nous avons besoin de toute l'aide possible maintenant. Ne gâchons pas cette chance.

La tension dans la tente était palpable, chacun de nous mesurant les conséquences de nos actions passées et futures. Alors que les flammes continuaient de ravager le camp, nous savions que chaque décision pouvait signifier la différence entre la vie et la mort. Nous devions agir vite, unis, malgré les trahisons et les douleurs du passé. Alors je me résignait à me  fermer les yeux.

**********

La fuite hors du camps, à travers la nuit sombre était comme une échappée dans un tableau vivant, peint avec des nuances de désespoir et de bravoure. Chaque pas que nous franchissions à travers le tapis épais de feuilles mortes et de branches brisées semblait amplifier le son de notre rébellion. Le ciel, un dais d'encre parsemé d'étoiles, était un guide vers notre liberté.

À notre arrivée près du lieu de rendez-vous de l'équipe, le soulagement qui me submergea fut intense. Emeric, en me voyant saine et sauve, s'avança vers moi. Il s'agenouilla avec une gravité qui lui donnait l'air d'un chevalier d'une ancienne légende, prêt à prononcer un serment qui lierait son destin au mien pour l'éternité. Il se mit à genou et planta son épée au sol devant moi :

—   Votre grâce, je vous jure, sur mon honneur et mon existence, de rester à votre service, tant que le souffle de vie animera mon corps, prononça-t-il, sa voix vibrant d'une sincérité profonde qui résonnait dans le silence de la forêt.

—   Levez-vous, cela n'est pas nécessaire mon cher.

Son engagement, si solennel et fervent, toucha une corde sensible en moi. Je lui offris un sourire, celui d'une guerrière reconnaissante, émue par la loyauté indéfectible de cet homme.

Puis, consciente que je devais des explications à tous, je me tournai vers mes compagnons, exception faite d'Ivar et Emeric qui connaissait déjà la vérité. D'une voix claire, je commençai :

—   ­Je vous dois à tous des explications et, surtout, des excuses. Comme vous l'avez sans doute deviné, je suis une femme. La fille du Gouverneur Lorncrest et son unique héritière. Ma véritable identité a toujours été un secret nécessaire. Envoyée en tribut comme une simple monnaie d'échange par Valeria à Drevania, j'ai réussi à m'échapper. Mais ma mère n'a pas eu cette chance ; elle a été tuée par Lorcan. La loi punit de mort ceux qui osent se déguiser ou changer d'identité. Prise dans un engrenage de mensonges pour ma survie, je n'ai jamais trouvé le moment de révéler qui j'étais vraiment. Lorcan a découvert mon secret et a voulu faire de moi sa concubine. Ainsi, maintenant, vous savez tout...

Avant que je ne puisse poursuivre, Lykos, avec la gravité qui lui est propre, m'interrompit :

—   Votre Grâce, il n'est pas nécessaire de vous justifier davantage. Nous comprenons les tribulations qui vous ont contrainte à ce secret.

Son regard était empreint de respect et de compassion. Les autres acquiescèrent, renforçant un sentiment de camaraderie et de soutien qui me réchauffait le cœur malgré la froideur de la nuit. C'était dans ce cercle de confiance renouvelée que nous nous préparions à affronter ensemble les défis à venir.

Soudain, Tomas nous tira de ce moment de partage avec urgence nous rappelant notre situation précaire :

—   Emeric et moi avons trouvé une barque, annonça-t-il. Mais le temps presse. Ils découvriront bientôt votre absence.

Sous la conduite de Tomas, nous courûmes vers le rivage, où la barque, dissimulée parmi les joncs, attendait notre fuite silencieuse. Mais alors que nous commencions à embarquer, le bruit de sabots résonnant sur le sol compact de la forêt nous fit pivoter brusquement.

Deux gardes, éclaireurs de l'ennemi, s'étaient lancés à notre poursuite. L'un d'eux, avec une précision parfaite décocha une flèche qui siffla à travers l'air humide et se logea dans l'épaule de Léandre. Le bruit sourd de l'impact fut suivi par un cri de douleur étouffé, alors qu'il s'effondrait au sol.

Je me précipitai à ses côtés, les mains tremblantes tandis que je tentais de soutenir son poids. Les gardes approchaient rapidement, leurs intentions meurtrières clairement affichées par l'éclat de leurs lames à la lueur des torches.

—   Vite, aidez-moi à le mettre dans la barque ! criai-je désespérément, la peur teintant ma voix alors que je tentais de contenir l'hémorragie avec les moyens du bord.

Léandre, malgré la douleur, me regarda avec détermination, ses yeux implorant de ne pas abandonner, de continuer le combat pour notre liberté.

—   Je vous interdit d'avoir ce regard ! Où que nous finissions, Votre Majesté, survivez, murmurais-je. Pour tous ceux qui ne peuvent pas se battre, pour ceux qui ont perdu tout espoir.

Il acquiesça faiblement, ses yeux brillants d'une lueur de résistance, alors que nous le hissions dans la barque. Sous le couvert des arbres, nous nous éloignâmes du rivage, chaque coup de rame nous éloignant un peu plus du danger, mais rapprochant Léandre d'une incertaine survie.

Nous sortant de notre échange, Lykos, toujours prêt à défendre les siens, saisit son sceptre qui dissimulait une sarbacane. D'un geste précis et rapide, il visa les gardes avec deux aiguilles mortelles chargées d'un poison rapide. Les aiguilles sifflèrent à travers l'air sombre et frappèrent leurs cibles en plein torse. Les gardes s'effondrèrent aussitôt, raides morts, leurs corps tombant lourdement sur le sol de la forêt, permettant à notre groupe de poursuivre sa fuite sans être entravé.

Alors que le bruit de nos ennemis et du feu battaient encore dans le lointain, notre petit groupe se serrait les coudes, prêts à affronter tous les périls pour sauver notre Roi et notre amie, dans une fuite où chacun de nos battement de cœur résonnait avec urgence.

ASCENSION Tome 1 : Les voies du pouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant