Chapitre 34 - Un mauvais pressentiment

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Prince Aurelian, héritier de l'empire de Drevania et fils de l'empereur actuel.

Assis dans ma somptueuse voiture, portée par douze serviteurs dévoués, je ne pouvais m'empêcher de ressentir une angoisse sourde. Dehors, la garde impériale et une centaine d'hommes en armure, formait un cortège impressionnant, mené par le général Caius Dravell et son fils Alexandre. Leur présence aurait dû me rassurer, mais un mauvais pressentiment faisait qu'alimenter mon inquiétude grandissante.

La voiture se mouvait avec une élégance et une précision remarquable, chaque pas des porteurs, synchronisé à la perfection. La lourdeur du silence à l'intérieur contrastait fortement avec les bruits étouffés de l'armée qui m'entourait. Le balancement doux de la voiture était hypnotique, et habituellement je m'endormais dedans, mais aujourd'hui, je ne pouvais me détendre. Un mauvais pressentiment me nouait l'estomac.

Je tentai de me concentrer sur les ornements dorés qui décoraient l'intérieur de la voiture, mais mes pensées dérivaient sans cesse vers les sombres présages qui hantaient mon esprit. Je transpirais littéralement de terreur.

Chaque frisson de la soie, chaque scintillement des gemmes incrustées dans les boiseries me rappelait la grandeur et le poids de mon héritage. Rappel qui accentuait ma peur.

A travers les voiles fins qui recouvraient les fenêtres de la voiture, j'apercevais les silhouettes imposantes de la garde impériale. Leurs armures luisantes sous le soleil. Leurs mouvements étaient à la fois majestueux et terrifiants. La sélection était très rude pour faire partie de cette garde et elle se faisait par le conseiller Raymond et son altesse impériale en personne après plusieurs jours d'épreuves éliminatoires.

Le général Caius Dravell, une figure imposante et austère, chevauchait à l'avant, son regard fixe et insondable. Je ne l'avais jamais vu sourire. Son fils Alexandre, un jeune homme à la mine sérieuse, semblait partager la concentration et le sérieux de son père.

Je connaissais les rumeurs, les murmures qui circulaient dans les couloirs de la cour impériale, mais également des complots, des trahisons, des jeux de pouvoir qui dépassaient l'entendement d'un jeune prince comme moi. La confiance que j'accordais à mon entourage s'amenuisait, érodée par la peur et le doute.

Je n'avais jamais voulu être prince, ni montré aucune ambition. Afin de me mettre en sécurité je me faisais passer pour un prince bête et manipulable.

Ma destination, Valeria, m'avait été imposé par le conseiller de mon père et mon père.

« Cela serait une bonne chose que vous alliez faire vos hommages au nouveau roi Léandre IV » m'avait-il dit. En temps normal, j'aurais pris cette nouvelle avec plaisir car cet endroit était pour moi, quoi qu'on en dise, un refuge, un lieu de paix et de réflexion, loin des intrigues de la cour. Valeria et sa province de Lylh Serine étaient des cités magnifiques. Colorés, vivantes, accueillantes et majestueuses. Mais à mesure que nous avancions, le sentiment d'être entraîné vers un destin tragique et inconnu ne faisait que s'intensifier.

Les battements de mon cœur résonnaient à l'unisson avec les pas des porteurs. Chaque virage, chaque arrêt, chaque reprise me donnait l'impression de m'éloigner d'avantage de la sécurité et de me rapprocher vers l'inconnu. Ce pressentiment, cette intuition sourde, me disait que ce voyage serait tout sauf ordinaire.

Dans cette voiture impériale, je suis à la fois protégé et prisonnier, un héritier en exil, entouré de protecteurs dont la loyauté reste une énigme. Il faut que je trouve un moyen de m'échapper car je sens que l'on va essayer de m'assassiner.

***

Tandis que la voiture impériale continuait son avancée solennelle vers Lylh Serine, mon esprit travaillait fébrilement. Chaque minute qui passait renforçait mon désir de fuir, de me libérer de cette procession qui me menait vers un avenir incertain. Je devais agir, et vite.

Je scrutais les environs à travers les voilages fins, cherchant une opportunité, un moment de distraction qui pourrait me servir. Les gardes impériaux, bien que vigilants, étaient focalisés sur la route devant eux, leurs yeux ne rencontrant jamais les miens. C'était ma chance.

Avec une discrétion soigneusement calculée, je me glissai vers le fond de la voiture, où un petit coffre renfermait mes effets personnels. A l'intérieur, je trouvai une armure, un casque dissimulant le visage et une tenue similaire à celle de la garde impériale que j'avais préalablement préparé pour une telle éventualité. Je les enfilai rapidement, me transformant en une ombre parmi d'autres.

J'attendis le moment propice, lorsque la voiture s'arrêta dans une forêt pour faire une pause. Les porteurs, concentrés sur leur pause, ne remarquèrent pas ma sortie. Avec une agilité surprenante et que je ne me reconnaissais pas, je soulevai légèrement le voile lourd de la porte fenêtre et sautai discrètement sur le sol.

Une fois dehors, je me fondis dans la végétation bordant la route. Mon cœur battait la chamade, mais l'adrénaline me donnait l'énergie nécessaire pour m'éloigner rapidement.

Quelques minutes plus tard, je pouvais entendre les bruits de la procession qui avait repris son chemin, inconsciente de ma disparition. Je ne pus m'empêcher de rire à l'idée qu'ils avaient repris leur chemin alors que je n'étais plus dans la voiture.

Je me faufilai à travers les buissons, m'éloignant de plus en plus de la route. Le soleil filtrant à travers les branches créait un jeu d'ombres et de lumière aidant à masquer ma fuite. J'évitai soigneusement les zones dégagées, me concentrant sur les endroits où la végétation était la plus dense.

Après plusieurs minutes de course éreintante, je m'arrêtai pour reprendre mon souffle. Je me trouvais à présent loin de la route, dans un lieu isolé où le silence n'était troublé que par le chant des oiseaux et le bruissement des feuilles.

Je me laissai tomber au pied d'un arbre, le dos contre son tronc rassurant. Mon cœur battait toujours rapidement, mais une sensation de liberté m'envahissait. J'avais réussi. J'étais libre, du moins pour le moment.

Mais où aller maintenant ? Lylh Serine était toujours ma destination, mais j'y arriverais à ma manière, libre de toute escorte et de tout protocole. Là-bas, peut-être trouverais-je des réponses, des alliés, ou du moins un refuge temporaire.

Je me relevai, déterminé à poursuivre mon chemin, mais cette fois, selon mes propres termes. Aurelian, le prince héritier de Drevania, avait disparu, mais un autre voyageur, anonyme et insaisissable, faisait maintenant son chemin vers un avenir inconnu.

ASCENSION Tome 1 : Les voies du pouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant