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GABRIELLA
Octobre 2022

Lorsque j'ouvre les yeux, une odeur de poussière et de moisi me prend la gorge et provoque une quinte de toux. Ma tête tourne, encore anesthésiée par le mouchoir imbibé de chloroforme qu'Agathe m'a fait renifler pour m'endormir.

Durant mon inconscience, nous avons changé d'endroit. Je ne suis plus ligotée sur la chaise de mon salon, mais sur une chaise en fer rouillée.

Les murs défraîchis autour de moi vont de pair avec le sol carrelé dont les pavés s'effritent et ma chaise dépassée. Il n'y a pas de lumière, l'électricité semble avoir été coupée il y a de ça des années. L'ambiance est terriblement glauque et un frisson remonte le long de mon épine dorsale, hérissant chaque poil sur son passage.

Boom boom. Boom boom. Boom boom.

Mon cœur tape trop fort contre ma poitrine, assimilant peu à peu l'idée selon laquelle Nate ne me trouvera jamais. Je vais mourir entre les mains d'Agatha. Celle que j'ai cru être mon amie.

Comme je suis naïve.

Que ce soit en amour ou en amitié, je n'accorde pas facilement ma confiance, mais une fois que c'est fait, c'est aveuglément, inconditionnellement. Agatha a été l'une des premières personnes que j'ai rencontré à NYU lorsque je suis arrivée à New-York et notre complicité a été immédiate, renforcée par nos schémas familiaux similaires à cause desquels nous souffrions terriblement. Lorsqu'elle était lucide, je l'aimais davantage.

Tout n'était que mensonge. Ma confiance a été traînée dans la boue, tout comme mon amitié.

– Tu as bien dormi Gabriella ?

La voix d'Agatha retentit dans la pièce et accentue mon mal de crâne. Je ne supporte plus d'entendre ses aigus qui se moquent allègrement de moi à chaque mot.

Je ne peux même pas répondre à cette question puisque je suis encore bâillonnée. Cela fait rire la brune qui se tient devant moi et dans les yeux de qui je ne reconnais plus la fille que j'ai connue désormais. Son regard me paraît inconnu.

– Ma petite Gabriella, tu ne comprends pas grand-chose visiblement, mais c'est une habitude chez toi. Si ce n'est pas Nate qui te l'explique, tu ne comprends rien par toi-même.

Je tente de durcir mon regard et de la foudroyer, mais cela n'a pour résultat que de la faire rire encore plus.

Putain, je la déteste.

Le changement de sentiment a été aussi brutal que la découverte de sa part d'ombre. Je suis passée de l'adoration à la haine profonde en un quart de seconde, oubliant instantanément nos années d'études passées à rire ensemble, balayant nos bons moments pour les remplacer par l'horreur ambiante dans laquelle elle m'a plongée.

– Je vais t'expliquer un peu la situation petite conne. Je suis L'Epine. Depuis toujours. Je connais Nate et ses activités depuis le premier jour où tu l'as rencontré. Je le connaissais bien avant toi. À deux, La Meute et L'Épine réunies, nous aurions pu faire des étincelles. Mais c'est là que tu entres en jeu, et que tu casses mes plans. Alors j'ai dû me rapprocher de toi pour me rapprocher de lui. Tu étais la seule chose qui lui importait. Il fallait qu'il cesse de te voir pour me voir. Pour m'aimer.

Elle s'arrête brièvement et remet ses cheveux noir corbeau en place. Après réflexion, cette couleur de cheveux la rend encore plus méchante et lui donne un air plus cruel.

Elle poursuit :

– Mon père était L'Épine avant moi et j'étais sa rose. Mais il est temps que je devienne L'Epine à mon tour. Je suis L'Epine. Et je vais tous vous piquer.

La MeuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant