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NATE
Mars 2023

La voix de Gabriella succède à celle robotisée qui m'annonce qu'elle accepte l'appel et je suis enchanté par cette nouvelle. Un simple "allô" déclenche en moi une envolée de papillons qui visitent mon corps en long, en large et en travers.

Amore mio, je murmure. Je ne pensais pas que tu décrocherais.

– Je n'étais pas sûre que ce soit toi, avoue Gabriella.

– Sinon tu n'aurais pas décroché...

– J'aurais quand même décroché. Mais ma voix aurait été plus enjouée et je ne me serais pas contentée d'un "allô" impersonnel.

– J'ai raté un épisode ? je rétorque.

Interloqué, je l'entends rire dans le combiné et suite à ce doux son venu tout droit du paradis, le poids aussi lourd qu'une enclume qui pesait sur ma tête s'allège un peu.

– J'ai été voir Sharpey, m'annonce-t-elle.

– Ceci explique donc pourquoi il a demandé à être ajouté à la liste des visiteurs.

– Je l'ai convaincu de réitérer son accord.

Dans sa voix, je décèle une pointe de fierté qui contraste avec son humilité naturelle. Toutefois, je suis moi-même très fier d'elle et du combat qu'elle a mené comme une vraie guerrière. S'en prendre à Elton Sharpey n'est pas de tout repos, cet homme est un vrai requin et ne s'arrête jamais avant d'avoir complètement détruit sa proie. Je découvre une nouvelle facette de Gabriella qui me plaît et une force de caractère que je croyais enfouie sous les récents évènements qui auraient pu grandement altérer sa résistance. Mais il n'en est rien. Elle demeure fière et forte, rigide comme un rocher au milieu d'une tempête qui ne parviendrait pas à le déraciner.

– Il vient me voir demain.

– Tu... tu comptes toujours dénoncer Il Luppo, n'est-ce pas ?

Sa voix est hésitante et je ne peux pas lui en vouloir de poser cette question qui trahit ses doutes à propos de mes intentions. A la fois vexé et compréhensif, je ne peux pas la blâmer de poser cette interrogation qui pourtant me foudroie.

Comment pourrait-elle me faire aveuglément confiance alors que je l'ai éhontément trahie à plusieurs reprises ?

– Oui amore mio. C'est bientôt fini.

Elle raccroche après quelques mots d'amour supplémentaires remplis d'espoir et je suis rassasié pour la nuit. J'ai eu mon quota de tendresse, bien qu'un contact physique aurait été bien plus rassurant que des mots sulfureux, mais il faut que je m'en contente pour l'instant. Nous approchons presque de la fin, il faut tenir.

Aucune cellule ne m'a été attribuée pour le moment. Je ne suis pas là depuis assez longtemps. Je rebrousse donc chemin jusqu'aux cellules provisoires où se succèdent les gardés à vue et lorsque j'atteins ma magnifique demeure, je m'assois sur le banc en béton taillé dans le mur gris. La fraîcheur du matériau me glace l'échine et des frissons se forment sur ma peau, ne me rappelant que trop bien la sensation désagréable ressentie lorsque j'ai fait face pour la première fois à la prison de Rikers Island.

Autour de moi, trois hommes d'à peu près mon âge sont disséminés aux quatre coins de la pièce et ne me prêtent aucune attention. Ils ont l'air fatigués, usés par la vie et malgré mes activités discutables et mes allers et venues en prison, j'ai nettement meilleure mine qu'eux. Les rides qui parsèment leurs visages attestent des épreuves qu'ils ont rencontrées et qui ont durci leurs traits autrefois enfantins, mais ils n'ont plus rien d'un adolescent et tous les soucis d'un homme se répercutent sur leur faciès.

La MeuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant