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NATE
Mars 2023

– Delfino, tu as de la visite. Plutôt pas mal, je vais finir par commettre des crimes si ça permet d'avoir une avocate si bonne.

L'œil lubrique du gardien me met en rogne. Il parle de Gabriella et ça me dégoûte. Si je n'étais pas dans une position de faiblesse, je lui éclaterais probablement la tête contre le carrelage sale de ma cellule.

Je le suis sans un mot. Gabriella n'est plus venue me voir depuis ma révélation. Je n'ai pas su tenir ma langue davantage. J'étais fatigué de lui cacher ce secret trop lourd à porter pour mes épaules affaiblies par la prison. Je ne pouvais plus continuer à lui mentir, ça me démangeait, c'était épidermique, il fallait que ces mots sortent et quel soulagement j'ai ressenti lorsque j'ai lâché la bombe.

Le choc a été rude. Elle est partie sans un mot, sans un regard, l'air hagard et désorientée. Elle ne marchait plus droit et j'ai prié très fort pour qu'elle regagne son domicile sans encombre.

Mais j'ai été soulagé. En dépit du bouleversement déclenché chez Gabriella, j'ai été putain de soulagé de lui révéler ce lourd secret que je cachais depuis des années et je sais au fond de moi que c'était la chose à faire. Le moment était venu.

Le cœur léger, j'attends Gabriella dans le parloir. Toujours la même pièce et toujours interdiction de la serrer dans mes bras, mais au moins d'ici quelques minutes, son visage sera réel et plus seulement dans ma tête.

Elle a mauvaise mine lorsqu'elle pénètre dans la pièce. En dépit de son air renfrogné, une lueur apparaît dans ses yeux dès que nos regards se croisent et ça me réchauffe le cœur de penser qu'elle luit un peu grâce à moi.

Gabriella ne sourit pas quand elle s'assied face à moi, croisant les bras sur sa poitrine qui remonte alors. Terriblement sexy. J'en bande presque tant je suis en manque de son corps, en manque de nos ébats, en manque de ses soupirs et de ses gémissements dans le creux de mon oreille.

– Il faut qu'on fasse appel. Je veux que tu le dénonces.

– Gabriella, amore mio, j'étais content de te voir jusqu'à présent. Ne me fais pas regretter ta présence.

– Tu dis m'aimer. Alors fais-le. Je te le demande. Fais-le putain.

– Je ne ferai pas ça. Je t'aime de tout mon être, sois-en persuadée. Mais il n'est pas question de cela ici et je ne dénoncerai pas ton père.

Des larmes perlent au coin de ses yeux et je suis tenté de les essuyer de la pulpe de mon pouce. Personne n'a le droit de rester dans la pièce en raison de la confidentialité des échanges entre un avocat et son client, en revanche, derrière la vitre, le maton me fusille du regard pour m'intimer de garder mes distances lorsque ma main entre en contact avec la joue de Gabriella.

Ce simple contact m'électrise et réanime un sentiment que j'avais enfoui depuis mon arrivée en prison : la joie. Mon cœur reçoit une telle dose de bonheur qu'il n'est pas loin d'exploser, comme un ballon de baudruche un peu trop gonflé.

– Tu me fais confiance amore mio ?

– Je ne sais plus, répond-elle.

Sa réponse me brise le cœur, même si je la comprends.

– J'ai appris beaucoup de choses sur toi, sur nous. Notre rencontre, ton départ, rien n'était vrai, tout était instrumentalisé par mon père et tu n'as été qu'un pantin dans tout cela. Peut-être même que tu ne m'aimes pas. Peut-être que tu croies m'aimer, mais c'est juste une idée insufflée dans ton esprit par mon père.

– Tu divagues Gabriella. Toi et moi, c'est évident, c'est réel. C'est le destin.

Elle me fixe, impassible. Seules les larmes qui coulent en silence sur ses joues témoignent de sa tristesse. Dans son regard, je ne vois que mon reflet. Il n'y a plus rien en elle, le vide s'illustre dans le brun de ses pupilles et je m'en sens cruellement coupable.

La MeuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant