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GABRIELLA
Février 2023

Dans la salle, le silence est unanime et particulièrement pesant. Le procureur et son substitut espèrent la condamnation de La Meute et prient en silence pour ce faire. La Meute quant à elle prie pour être exemptée de condamnation.

Chaque partie implore en silence l'exécution de ses prétentions et rien ne permet de déterminer l'issue du procès.

Lorsque je croise le regard de Nate, j'y lis de l'espoir. J'y lis des promesses. Ou alors j'en interprète cela parce que j'en ai cruellement besoin.

J'ai besoin d'espoir, de lendemains heureux, de baisers enflammés et des mains de Nate sur mes hanches, sur mes fesses, sur mes reins, sur mes joues et de partout. La brûlure de son souffle chaud parcourant mon corps m'est vitale, il faut qu'il me revienne, il faut que nos matins soient communs et nos rêves doux comme du coton.

Nous nous levons encore une fois pour accueillir à nouveau les juges qui arborent une mine renfrognée. Rien ne transparaît de leurs pupilles qui semblent simplement fatiguées après une semaine intense de procès et des mois de travail acharné pour préparer ce lourd dossier.

Cinq jours après le début du procès de La Meute, le combat s'achève. Quoi qu'il advienne, Il Luppo a gagné : il est toujours inconnu au bataillon, et personne ne l'a dénoncé.

Même si La Meute perd, Il Luppo a gagné. Et c'est injuste, putain. C'est injuste et j'en crève.

Je n'arrive pas à déterminer si j'en veux encore à Nate ou si j'ai réussi à passer au-dessus de cette déception. Lundi encore, lorsque le juge Clayton a demandé à Nate de confirmer ou infirmer l'accord, son refus m'a fait mal, telle une flèche en plein cœur visée par un archer expérimenté.

J'aurais aimé le comprendre. J'aurais aimé lui dire que ce n'était pas grave. Peut-être était-ce le moment ?

Nos regards se croisent et je sais qu'il me comprend au sourire entendu qu'il me lance. Il saisit que je lui pardonne, que je l'aime, que ça va aller.

Une fois les juges installés, nous nous asseyons à notre tour, attendant impatiemment la sentence qui tarde à venir. Les juges chuchotent encore entre eux, comme s'ils n'avaient pas vraiment réussi à se mettre d'accord. Comme si eux non plus, ne savaient pas vraiment s'il y avait un réel coupable dans cette affaire.

Comme s'ils sentaient eux aussi l'injustice, comme s'ils pensaient que le véritable criminel n'était pas sur ce banc mais bien caché, ailleurs, à l'abri des regards indiscrets.

Le juge Clayton finit par passer sa main rugueuse sur son crâne, puis il remet en place son épaisse moustache presque blanche avant d'entamer le prononcé de la sentence.

– Mesdames et Messieurs, les juges et jurés ont pris leur décision. À la question La Meute est-elle coupable de tous les faits relatés au cours de ce procès, la cour a répondu coupable.

Premier coup dur.

Plusieurs membres de La Meute sont énoncés, tous affublés de la mention "coupable". Mon anxiété est à son paroxysme, amplifiant à mesure que le juge déroule la liste des Louveteaux qui se tiennent dans le box des accusés.

– A la question Paul Peterson est-il coupable, la cour a répondu coupable.

Deuxième coup dur.

– A la question Alicia Hoop est-elle coupable, la cour a répondu coupable.

Troisième coup dur.

– A la question Nathanaël Delfino est-il coupable, la cour a répondu coupable. La cour requiert une peine de dix ans de prison pour chacun des accusés impliqués dans l'organisation criminelle La Meute. La séance est levée, Mesdames et Messieurs.

Coup de grâce.

Le procureur et son substitut se lancent un regard satisfait avant de m'adresser un sourire inapproprié qui redouble les sentiments de nervosité qui m'assaillent de toute part.

Anéantie, je regarde devant moi s'effriter les lambeaux de mon cœur, s'étioler nos promesses de vie à deux, malmenées par le procureur et son substitut et moi, moi qui étais supposée défendre Nate, défendre notre vie à deux, je suis tétanisée. Toutes les preuves convergent à la culpabilité de Nate et La Meute et je suis impuissante, putain.

Je suis impuissante.

Poussée dans mes retranchements, je me contente d'être spectatrice du train Sharpey-Lynch qui passe et happe avec force mon amour et ses amis.

Tout est fini et j'en suis convaincue quand je croise le regard empreint de culpabilité de Nate. Ses yeux bleus me crient qu'il est désolé. Que dans quelques heures, il serait en prison. Que notre vie à deux ne serait jamais.

Avait-elle déjà été ?

Cette pensée finit de me déconnecter de la réalité. Mes oreilles bourdonnent et ma vue se brouille, les silhouettes des juges ne sont désormais plus que de vagues ombres qui pèsent sur ma vie.

Ma vie qui vient de voler en éclats. La chute est douloureuse, j'en ai le corps tuméfié.

Je viens de perdre le procès de l'Etat de New-York contre l'association de malfaiteurs La Meute.

Je viens de perdre Nate.

La MeuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant