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GABRIELLA
Février 2023

Je n'ai aucune idée du jour qu'il est, ni de l'heure qu'il est. Depuis le prononcé de la condamnation de La Meute, le temps s'est arrêté ou peut-être juste ralenti ou peut-être défile-t-il à la vitesse de l'éclair, je n'en sais foutrement rien.

Je me suis absentée du bureau toute la semaine. Pas en état. Pas envie. Pas la force.

Trop de larmes. Pas d'humeur, trop shootée à tout ce que j'ai pu trouver pour calmer les battements irréguliers de mon cœur qui blessaient ma poitrine.

Réduite à une léthargie complète, je ne bouge de mon canapé que pour rejoindre mon lit et inversement. L'appartement est plongé dans le noir, les volets sont fermés, les rideaux sont tirés.

Le jour n'a plus d'importance depuis que mon soleil est entre quatre murs.

La douleur qui creuse un trou béant dans ma poitrine ne cesse pas et plus les jours passent, plus ce creux est profond. J'ai presque l'impression que Nate est mort, que je suis en deuil.

C'est franchement tout comme.

Et moi je suis morte avec.

Matthew s'inquiète pour moi et passe régulièrement, tentant de me sortir de mon état d'apathie, en vain.

Je ne mange pas, si bien que je me demande comment ça se fait que je sois toujours en vie. Même les muffins à la myrtille ne franchissent pas la barrière de mes lèvres. Impossible d'ingérer quoi que ce soit de solide.

Les trois premiers jours, je me suis bourrée la gueule jusqu'à vomir. Frôlant presque le coma éthylique. Je voulais juste que la douleur s'atténue, je ne voulais plus ressentir que j'avais mal à en crever, je ne voulais juste plus rien ressentir du tout.

Penchée au-dessus de la cuvette, mes larmes ont commencé à couler et ne se sont plus arrêtées jusqu'au septième jour.

Au bout d'une semaine sans Nate, j'ai arrêté de pleurer. A la place, je me suis plongée dans un mutisme total, n'ouvrant la bouche que pour fumer. Mon appartement sent le cendrier en fin de soirée, comme ce connard de Finwick, ce flic immonde qui a participé à la chute de Nate.

Ça me dégoûte. Tout me dégoûte.

Je me dégoûte.

A compter du huitième jour, la tête me tourne quand je me lève, alors je reste allongée toute la journée. De toute manière je n'ai aucune raison de me lever.

Je n'arrive toujours pas à manger. Matthew a commencé à venir plus souvent pour me préparer des repas que je ne touche pas. Il me parle beaucoup et je ne prononce pas un mot en retour. Il me parle de tout, de rien, et je l'ignore allègrement. Parfois, je ne le regarde même pas de la journée, fixant le vide, ne pensant à rien. Pourtant, il revient toujours pour me tenir compagnie, comme si cette dernière était agréable.

Le dixième jour, j'atteins le point de non-retour.

– Gabi, tu sens mauvais, m'informe Matthew.

Je ne suis même plus sûre du dernier jour où j'ai pris la peine de me laver. Je m'en fiche. Février bat son plein et il fait bien trop froid pour transpirer. Je n'ai pas besoin de me laver.

– Gabi, je te parle, insiste Matthew.

Je reporte mon regard sur lui, un regard noir qui l'aurait tué sur place si mes yeux avaient été des mitraillettes. Il me dérange dans mon deuil et je n'ai qu'une envie : qu'il s'en aille.

Il attrape mon poignet et je n'ai même pas la force de me débattre. Il me traîne dans la salle de bain, faisant couler l'eau de la baignoire, m'ôte mon pyjama avant de me laisser seule dans la salle de bain.

La MeuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant