Chapitre 47 - Cooper

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Lena et moi sommes installés en terrasse d'un restaurant à deux pas du bureau dans lequel j'ai mes habitudes. Elle est très élégante avec sa petite robe à fleurs et ses sandales assorties.

Dans le paysage où j'évolue, les gens se jugent malheureusement beaucoup sur l'apparence. Mais nul doute que Lena a fait forte impression, sortant un peu des clichés associés au monde de la justice.

— Alors, c'est le grand patron que j'ai rencontré ?

— L'un des deux, oui. Et tu as le troisième devant toi, enfin bientôt, quand tout ça sera officiel.

Lena me sourit. Elle a l'air ravie d'être ici et profite du soleil tout en picorant dans sa salade.

— C'est quand même la classe d'être associé d'un grand cabinet à trente ans.

— Ouais m'dame. Mais tu sais ce qui est encore plus classe ? Me promener avec une jolie fille comme toi à mon bras.

— Est-ce que c'est comme ça que tu draguais les filles ces dernières années ? dit-elle en pouffant de rire.

— Je n'en avais pas besoin, je veux dire... tu m'as vu ?

Elle éclate de rire et lève les yeux au ciel.

— Modestie, quand tu nous tiens !

Je passe vraiment un bon moment et je crois qu'il en est autant pour Lena. Nous vivons ces quelques jours ensemble comme une chance de nous retrouver et de mieux nous connaître.

— Dit, Coop. Maintenant que les choses sont plus... officielles entre nous, est-ce qu'il faut qu'on l'annonce à tes frères ?

Je crois qu'il est temps de lui dire qu'ils sont déjà au courant.

— En fait... Ce ne sera pas utile. Sofia n'a rien dit à Carter, mais il a compris ce qui s'était passé quand on est venu leur dire au revoir avant le voyage. Quant à Connor... Et bien, disons juste qu'il a l'œil, tu le connais.

— Est-ce que tu essaies de me dire qu'on a complètement manqué de discrétion au cours de ces quelques jours ?

Je ris en saisissant sa main posée sur la table.

— Je le crains, oui.

— Je peux te demander ce qu'ils en pensent ?

— Ils savent que ça fait dix ans que je suis fou de toi, et ils t'adorent alors autant dire qu'on a leur bénédiction. Et en cas de problème, ils m'ont déjà averti qu'ils prendraient ton parti et pas le mien, ajouté-je en plaisantant.

Je réalise tout à coup que je viens de laisser échapper une information importante.

Parce que oui, durant ces dix dernières années, j'ai eu beau continuer ma vie loin d'elle, elle a obsédé mon esprit. Son sourire s'élargit et j'aperçois même une larme qui perle au coin de son œil. Cette révélation inattendue renforce le lien que nous sommes en train de créer.

Mais cette parenthèse de bonheur est sur le point d'éclater avec l'arrivée d'un invité inattendu.

— Vous venez célébrer votre défaite au restaurant ?

Je me raidis instantanément, reconnaissant la voix de Mark Miller, le client dont l'audience avait lieu ce matin, et qui, comme je le craignais, s'est mal passé.

— Monsieur Miller.

Il est en colère. Parce que pour une fois, l'argent de papa ne lui a pas suffi à éviter les ennuis. Pas totalement du moins. Et s'il a évité la prison, il se trouve néanmoins redevable d'une coquette somme et de travaux d'intérêt général. À titre personnel, j'aurais aimé qu'il y fasse un petit séjour, histoire de lui remettre les idées en place. Mais je sais que je n'ai rien à me reprocher. J'ai fait mon travail et je l'ai fait correctement, même si la décision du juge n'a pas été totalement en sa faveur.

— Vous êtes toujours bien entouré, dites-moi.

La façon dont il pose les yeux sur Lena me dégoûte et j'ai tout à coup très envie de lui mettre mon poing dans la figure. Lena, elle, tente de rester impassible, mais je vois qu'elle est mal à l'aise et qu'elle ne comprend pas tout ce qui se passe.

— C'est exact. Maintenant si vous voulez bien m'excuser, je suis en plein déjeuner et j'aimerais pouvoir en profiter.

Mais Mark Miller n'en a pas fini, et la bombe qu'il s'apprête à lâcher, je ne la vois pas venir.

— Elle aussi vous vous la tapez ?

Je peine tout à coup à garder mon sang-froid.

— Monsieur Miller, je peux comprendre que le résultat obtenu ce matin ne vous convienne pas, mais nous pourrons en discuter au bureau. En attendant, je vous prierais de ne pas manquer de respect à Mademoiselle Kelley.

Il affiche un air hautain avant de se tourner vers Lena.

— Il y a un mois, votre petit copain ici présent se tapait une collègue avocate dans les toilettes du tribunal, pour info.

Je me lève de ma chaise plus vite que je ne l'aurais voulu, mais cette fois c'en est trop. Je vois au visage de Lena qu'elle est en train d'assimiler ce qu'il vient de lui dire. Et il y a un mois, j'étais tout juste de retour d'Hillsborough.

Je sais qu'il ne s'est rien passé avec Lise parce que je l'ai repoussé. Mais Lena, elle, ne le sait pas.

Et les pièces qui sont en train de s'assembler dans sa tête lui donnent une vision erronée de la situation.

— Maintenant, ça suffit. Pour qui est ce que vous vous prenez au juste ? Vous êtes adulte, Mark, ne vous en déplaise, et vous devriez en conséquence, apprendre à vous comporter comme tel en assumant vos conneries.

La seule chose qui m'empêche de lui fracturer le nez est que je suis certain qu'il s'en servirait pour se retourner contre le cabinet. Or Keith et Jack m'ont bien trop donné pour que je leur fasse un coup pareil.

Face à moi, il semble choqué, mais tente de ne rien laisser paraître. Il doit penser que je ne veux pas me battre avec lui parce que j'ai la trouille. Mais je m'en contrefous.

Je le mettrais à terre en un rien de temps, sans l'ombre d'un doute.

Pour l'instant, ce qui occupe mon esprit, c'est d'expliquer à Lena ce qui s'est passé, et de la rassurer à ce sujet.

Sauf qu'à l'instant où je me retourne, elle a quitté les lieux.

Et je n'ai pas la moindre idée d'où elle se trouve.

Ça a toujours été toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant