Chapitre 5 - Enjeux

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Dans le dos de Malfoy, les Serpentards attendaient une explication et à ses yeux qui s'arrêtaient sur différents points derrière elle, ils n'étaient pas les seuls. Sauf que sa panique rendait son esprit si chaotique qu'elle arrivait à peine à respirer. Suivant l'exemple de Ron, les autres élèves commençaient petit à petit à se détourner du cours pour les observer et la question de si Draco Malfoy venait vraiment de protéger Hermione Granger parcourait déjà dans les rangs.

Elle fut la première à réagir.

« Ce n'est pourtant pas compliqué ! Prends ton air arrogant habituel et dis que maintenant j'ai une dette envers toi et que je peux aller demander à mon petit copain Hagrid de ranger ses créatures de malheur. »

Malfoy s'anima enfin.

— Eh bien Granger, tu attends quoi pour demander à ton copain géant de se débarrasser de ses horreurs sur pattes ? Que je te sauve une deuxième fois ?

Sa voix avait retrouvé son flegme habituel, mais elle sentait encore le chaos derrière sa façade. Crabbe et Goyle ponctuèrent sa phrase d'un rire stupide, mais Pansy et Zabini demeuraient sceptiques. Cette observation renforça le mal-être qu'elle ressentait de lui.

— Je peux savoir ce qui te prend ? lança-t-elle d'un ton sec.

Dans la myriade de mots qu'il lui envoyait, elle distingua : « pas parler du lien ».

« Je sais ! On ne va pas leur dire ! Maintenant traite-moi de Sang de bourbe s'il le faut, mais par pitié DÉPÊCHE-TOI. »

Sa priorité était de calmer les déferlantes d'angoisses qui l'empêchaient de réfléchir. Elle ne parvenait même plus à discerner quelles émotions lui appartenaient. Les sourcils froncés, Malfoy finit par lancer d'un ton glacial :

— Écoute Granger, quand il s'agit d'avoir une dette envers moi, je ne suis pas regardant sur qui la contracte, même si c'est une Sang de bourbe.

— Retire ça tout de suite, Malfoy ! s'exclama la voix de Ron.

Il venait vers eux en éteignant un bout de manche brûlé, le visage rosi de colère. Hagrid s'était aussi retourné, alerté par l'agitation. Le grand sourire qu'il avait à la contemplation des Scroutts en train de « s'amuser » était retombé.

— Tu vas t'excuser, gronda-t-il. Je ne veux pas de ces idiotes histoires de sang ici.

Hermione leva les mains dans un geste apaisant et les laissa aussitôt retomber ; elles tremblaient.

— Il n'en vaut pas la peine, dit-elle avec un regard implorant pour Hagrid.

Dans son dos, Malfoy se tourna vers les autres Serpentards qui pouffèrent et une vague de soulagement l'envahit. Elle revint vers les Scroutts sans un mot. Ce soulagement, ce n'était pas le sien, ça elle en était sûre.

Tout le reste du cours, elle s'efforça de garder l'esprit occupé. De toute évidence, éviter les dards et les explosions constituait une activité parfaite pour ça. 

Une fois en pause dans la Grande Salle, elle ouvrit son manuel d'arithmancie contre une des cruches, cruche que Ron faillit renverser en tirant un plat de pommes de terre en sauce.

— Fais un peu attention.

— En parlant de faire attention, enchaîna aussitôt Harry, il s'est passé quoi avec Malfoy tout à l'heure ?

Hermione se tourna vers la table des Serpentards où Malfoy était en grande conversation avec Pansy et Blaise. Quand il parlait à haute voix, elle ne s'entendait plus penser. Si elle révélait tout à Harry et Ron maintenant, Malfoy n'en saurait jamais rien. Mais lui demander de respecter leur pacte ne vaudrait rien si elle en trahissait sa part.

— Il a dû se dire qu'Hagrid se débarrasserait des Scroutts si je le lui demandais.

— Dans ce cas, ça aurait été plus logique de te laisser sur sa trajectoire, répondit Ron, pas que je m'en plaigne. Je ne sais pas ce qu'il a en tête, mais j'aime pas ça.

Hermione acquiesça.

« Malfoy ! La prochaine fois qu'on révise en même temps, il suffit de lire à voix haute pour ne pas se gêner.  »

De l'autre côté de la Grande Salle, un regard gris verrouilla le sien. Il haussa légèrement les épaules et retourna à sa conversation. Hermione fronça les sourcils. Le mal-être à la surface de sa peau depuis le cours de soin aux créatures magiques ne s'estompait pas. Malfoy reposa sa fourchette à côté de son assiette intacte et quitta la table. Crabbe et Goyle le suivirent du regard, contemplèrent le plat de frites et décidèrent de rester.

Pour une fois, Malfoy n'interféra que très peu dans le reste de sa journée et jamais pour lui adresser directement la parole. En revanche le mal-être était encore vif lorsqu'elle tira les rideaux de son baldaquin. Elle s'allongea, les yeux grands ouverts.

D'habitude quand elle voulait lire avant de se coucher, elle attendait que l'esprit de Malfoy s'éteigne pour ne pas que son dialogue intérieur l'empêche de s'endormir, mais cette fois ses livres demeurèrent dans son tiroir. Au fil des heures, la fatigue l'envahit. Malfoy demeurait là, silencieux, mais éveillé. Ne pas penser dans ces conditions était aussi frustrant que de s'empêcher de déglutir, mais elle s'y efforça, et enfin, capta le moment de bascule, signe qu'il plongeait dans le sommeil. Le cœur battant, elle s'appliqua à respirer lentement.

Malfoy disparut bientôt de ses pensées.

Hermione se redressa alors, écarta les rideaux du baldaquin et approcha de la fenêtre. Le ciel clair dévoilait une lune ronde et paisible dans un nuage d'étoiles. Elle en contempla un instant le spectacle, mais ses préoccupations la rattrapèrent vite.

Comment tiendrait-elle si elle devait partager ce qu'elle ressentait avec Malfoy ?

Même en ayant directement accès à ses pensées, elle ne parvenait pas à le comprendre. Qu'il lui vienne en aide parce qu'il se souciait de sa propre sécurité, elle pouvait le concevoir. Que Crabbe et Goyle ne soient pas le genre d'amis avec lesquels on pouvait partager quoi que ce soit, aussi. Mais la peur qu'il l'avait envahi n'était pas normale.

Sur la vitre froide, son reflet lui renvoya un air soucieux.

Que redoutait-il tant, simplement pour l'avoir aidée face au Scroutt ? Quels étaient les enjeux pour lui ?

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Crabbe et Goyle sont les meilleurs amis dont on puisse rêver voyons. Entre Draco et les frites, ils n'ont hésité qu'une demi-seconde.
Avant de choisir les frites.

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