Chapitre 63 - De chemise en t-shirt

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— Mon père est mort.

Un silence s'abattit sur la pièce. Les mots étaient sortis tous seuls. Il ne s'attendait à rien venant de Weasley, mais bizarrement, il se sentait presque soulagé. La douleur qui menaçait de le submerger un instant plus tôt ne l'étouffait plus.

— C'était ça, le sang ? dit enfin Weasley, en hésitant à chaque mot.

— Tu es d'une délicatesse, répliqua-t-il entre ses dents.

Après la douceur d'Hermione, il découvrit que l'agacement pouvait aussi apaiser temporairement la détresse.

— Merde, désolé. Je ne sais pas quoi dire, alors je dis n'importe quoi.

Draco ferma les yeux, tentant de faire le vide. La voix de Weasley s'éleva à nouveau dans la pénombre.

— Mais pour quoi ?

— Pour moi, dit sèchement Draco.

— Il a su alors ? Quelqu'un a dû lui parler de ce qui s'est passé pendant l'audience.

— Non. Réfléchis un peu. Fudge ne serait plus ministre s'il n'avait pas déployé de grands moyens pour étouffer l'affaire. Le ministère qui refuse de prendre les mesures pour protéger la population contre Tu-Sais-Qui jusqu'à ce que des adolescents leur montrent le droit chemin ? Ce genre de scandale est soit totalement maîtrisé, soit fini en Une de tous les journaux. Il n'y a pas d'intermédiaire.

— On rate quelque chose.

Évidemment, qu'ils rataient quelque chose. Si sa mémoire avait été complète, il saurait déjà quoi. Pourquoi chaque fois qu'il tentait d'y réfléchir, il sentait son crâne se fendre en deux ? Voldemort avait su... Il avait su parce que... ? Il pressa sa paume contre son front. Puis ouvrit en grand les yeux dans le noir.

— On était attendus.

Le lit de Weasley craqua, comme s'il s'était redressé d'un coup.

— Attends, mais oui. Ils étaient sur Harry et moi en instant.

— Tout comme mon père.

Il entendit un grincement puis Weasley fit les cent pas dans la chambre.

— Quelqu'un nous espionnait ? C'est forcément les Serpentards non ? C'était les seuls à savoir pour Hermione et toi.

— Je suppose, mais comment ils auraient su qu'on se dirigeait au Ministère ?

Weasley se laissa retomber sur son lit. Le calme qui suivit mena à une première, et fragile, trêve. Draco se réveilla épuisé aux premières lueurs du jour sans le moindre souvenir de s'être endormi. Sa fatigue, à défaut de faire disparaître son malêtre, lui donna l'impression d'être anesthésié. Cette sensation brumeuse l'aida à supporter que Weasley lui tende une nouvelle fois ses guenilles.

Avec réticence, Draco les prit et se rendit dans leur salle de bain. Comme il aurait pu s'y attendre, chaque étagère y était encombrée de produits bas de gamme, de lotions à moitié vides et d'une collection de brosses à dent si impressionnante qu'il se demandait comment leurs différents propriétaires s'y retrouvaient. Il se déshabilla à contrecœur en cherchant un espace libre où poser ses vêtements qui ne soit pas le dessus des toilettes. Pestant contre les Weasley, il finit par les déposer sur l'extrême bord de l'évier. Devant le miroir craquelé, il leva la main vers la trace rouge qui descendait de sa joue sur son cou. Ses yeux l'étaient aussi. Tout s'était enchaîné si vite, il avait dû mal à croire qu'il avait perdu son père et sa maison seulement deux jours plus tôt.

Avant que la peine ne l'envahisse à nouveau, il se glissa sous une douche brûlante. En en ressortant, il considéra un instant les vêtements de Weasley puis relança un sort pour nettoyer les siens. Il préférait porter deux fois la même tenue à s'habiller des horreurs qu'il lui avait données. Tout comme il préférait ressortir marcher dans la campagne plutôt que de passer une seconde de plus baigné dans cette odeur de Weasley.

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