Chapitre 28 - D'un monde à l'autre

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En descendant sa valise le lendemain matin, l'odeur des toasts lui retourna l'estomac. Dans quelques heures elle serait piégée au manoir Malfoy pour une semaine entière, résolution ou pas, elle ne pouvait rien avaler. Hermione s'installa à table avec Draco et son père alors que sa mère apportait le beurre et les œufs brouillés.

— Alors, qu'as-tu pensé de ton séjour parmi nous ? demanda son père à Draco en se servant une tasse de café.

Draco mâchait un toast. Un toast apparemment sans fin.

— Agréable, je l'espère, bien que vous ayez passé la majeure partie de votre temps dans les livres, poursuivit tranquillement son père. Tu as une vocation en tête qui te pousse à étudier ?

Draco reposa enfin son bout de toast.

— Celle d'être à la hauteur de mon nom pour commencer, répondit-il d'un ton trainant.

— Aucune ambition personnelle ?

— En quoi honorer mon nom ne serait pas personnel ?

— Ça peut l'être, mais je suppose que c'est aussi exactement ce qu'on attend de toi et tu es dans l'âge où on se cherche. Peut-être as-tu des passions ?

Draco laissa le silence s'étirer avant de répondre d'un air ennuyé :

— Le Quidditch. Je joue comme attrapeur de mon équipe, je suppose que vous ne savez pas ce que c'est.

— Si bien sûr, répondit aussitôt sa mère. C'est le poste qu'occupe Harry dans l'équipe de Gryffondor. La possibilité d'une carrière comme sportif professionnel ne t'attire pas ?

— Comme si c'était une option. Une carrière est un moyen d'assoir son influence et son statut. Il n'y a qu'une poignée de joueurs de Quidditch qui parviennent à établir une influence grâce à leur carrière et non seulement elle dépend de leur performance, mais elle dépend également de celle de l'équipe. En plus de ne durer qu'un nombre réduit d'années, là où une carrière au ministère se bonifie avec le temps.

Son père reposa sa tasse de café.

— C'est un calcul comme un autre. Il est presque l'heure. Comment comptez-vous vous rendre chez tes parents ?

L'horloge à côté du réfrigérateur indiquait neuf heures moins cinq. Hermione sentit son stress remonter en flèche.

— On va faire au plus simple, répondit Draco. Dobby !

La silhouette fluette de l'elfe se matérialisa dans un « crac » et Hermione bondit de sa chaise.

— Non tu n'as pas le droit ! Dobby a des congés aussi, tu ne peux pas l'appeler sans prévenir pour servir tes petits intérêts.

— Cela ne dérange pas Dobby d'aider Hermione Granger, Miss.

— Parfait, répliqua Draco en se levant. J'ai fini de jouer les moldus.

Il ne lui laissa pas le choix : Dobby était leur seul moyen magique d'arriver à son manoir. Ils se mirent d'accord pour prétendre que Draco était arrivé en premier, par cheminette, pendant qu'elle attendait dehors, assise contre sa valise dos au mur de pierre qui protégeait leur propriété.

Après une heure interminable à ressasser tout ce qui pourrait mal se passer, un déclic l'informa que le portail s'était ouvert. Le cœur battant, elle se présenta devant la longue allée menant au manoir. Une bourrasque s'engouffra à l'intérieur, entre les haies semblables à des murs de labyrinthe qui la bordaient. Au-delà se dressait un manoir aux tours pointues. Elle attrapa sa valise et s'y engagea en frissonnant.

À mi-chemin, la connexion avec Draco se rétablit brutalement.

« Mon père est au ministère. »

Elle souffla alors qu'il ajoutait :

« Mais il ne va pas tarder à revenir. »

« Ah. »

Elle aurait préféré qu'il s'y exile définitivement. En arrivant au pied des marches qui bordaient l'entrée, la porte s'ouvrit sur Draco et son sourire goguenard.

— Définitivement ?

Narcissa se tenait derrière lui pour l'accueillir. Son air habituellement pincé par le dégoût souriait presque, mais toute trace d'amabilité disparut en la voyant.

— Peux-tu m'expliquer ça, Draco ?

Elle fit un geste de haut en bas vers Hermione qui se redressa, scandalisée.

— C'est exactement ce dont on a parlé. Elle vient travailler pour la semaine.

— Tes... fréquentations ont bien changé.

— Bien sûr que non. Ce n'est pas comme si on nous avait laissé choisir. Ça ne me fait pas plus plaisir qu'à toi, répliqua Draco d'un ton trainant. Allez entre toi.

Il ne devait pas utiliser un ton différent avec son elfe de maison. Hermione hissa sa valise dans les marches et entra dans un grand hall aux tapisseries sombres. Narcissa observait ses tennis comme si elle salissait son sol en marbre et elle n'était pas la seule, les tableaux faisaient de même. Même la peinture lui faisait sentir qu'elle n'était pas la bienvenue.

La semaine allait être longue.

— Tu n'as qu'à la conduire dans la chambre sous les toits, dit enfin Narcissa.

« C'est loin. »

Hermione se tourna vers Draco, mais il ne manifesta pas son désaccord à voix haute et Narcissa les laissa dans le hall. Ralentie par le poids de son bagage, Hermione le suivit à travers un long couloir, un escalier, puis un autre et encore un autre. Seul le raclement de sa valise contre le bord des marches cassait un peu le silence. Après une éternité, ils atteignirent enfin un palier arrondi, sans fenêtre, où se découpait une unique porte avec de l'autre côté une chambre étroite sous un toit en pointe. Les poutres se perdaient dans une semi-obscurité.

Hermione en lâcha sa valise à côté du lit et essuya son front, le souffle court et les bras en compote.

— Tu n'as qu'à ranger tes affaires ici, dit Draco en lui ouvrant une armoire ancienne incrustée d'un miroir un peu fané.

Il ouvrit un des lourds rideaux. La vue donnait sur l'angoissante allée. Tout autour du manoir s'étendait un parc à l'herbe coupée nette, puis une forêt qui formait comme un mur infranchissable. Un peu de soleil aurait pu rendre le décor moins spectral, mais les nuages recouvraient tout.

Hermione se retourna vers le couvre-lit matelassé dont la vieille couleur orange n'était pas plus accueillante que le reste. Le portrait accroché au-dessus du lit ne lui jeta qu'un coup d'œil avant de quitter son cadre.

— Quelle joie d'être ici, dit-elle d'un ton aigre.

Elle finissait sa phrase quand un grincement dans l'escalier la fit frissonner. La haute silhouette de Lucius Malfoy se présenta dans l'encadrement.

— Draco. Je viens d'avoir un mot avec ta mère. T'ai-je à un moment laissé croire que ce genre de sorcier avait une place chez nous ?

Elle rectifia mentalement. La semaine n'allait pas être longue. Elle allait être très longue.

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Trèèèèèèès longue. Courage Hermione.

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