Chapitre 60 - Retour au manoir

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Sous le choc, Draco descendit au signe de Rodolphus, avec l'impression que chacun de ses pas l'approchait de sa fin. Sa baguette était pointée sur son cœur. Un mot de travers et tout prendrait fin. Lorsque Rodolphus remonta sa manche et activa sa Marque des Ténèbres avec un air cruel, ni l'un ni l'autre n'avaient encore prononcé un mot.

Le salon qui servait d'ordinaire aux réunions du Seigneur des Ténèbres se referma sur Draco et un vide immense s'empara de lui. Il ne parvenait plus à voir au-delà des quatre murs. Son esprit semblait savoir qu'il ne vivrait pas pour voir à nouveau le ciel rougeoyer au-dessus de son jardin, le vent traverser le parc du château ou la cuisine agitée des elfes. Le visage d'Hermione qui lui souriait discrètement, sa moue quand il s'amusait à l'agacer, sa joie qui faisait pétiller son regard lui serrèrent la gorge. Leurs derniers moments ensemble étaient derrière eux. Déjà ?

Draco se détourna de Rodolphus pour cacher la brûlure de ses yeux qui éclipsait presque celle de son dos. Alors qu'il luttait contre l'abysse face à lui, son expression se crispa de plus en plus. Il ne pouvait pas pleurer juste avant sa mort. Le grincement de la porte fit basculer sa peine vers une terreur pure. Bellatrix venait de la franchir, suivie par ses parents. Draco se détourna. Il ne pouvait plus les regarder en face.

Plus maintenant qu'ils savaient tout.

Même eux le sauveraient pas.

— Draco, susurra une voix horriblement familière.

Il eut l'impression que ses jambes se liquéfiaient. C'était un miracle qu'il tienne encore debout, alors il ne tenta pas de faire face.

— As-tu une idée du sort que je réserve habituellement aux traitres ?

Draco releva lentement la tête. Habituellement ? Allait-il faire une exception ? Pensait-il pouvoir se servir encore de lui ? Si c'était le cas, il fallait le convaincre qu'il pouvait encore avoir une utilité.

— La mort... ? murmura-t-il.

— Ce serait une fin bien douce, face aux crimes commis. Endoloris.

Le calme de son ton le frappa presque aussi fort que le maléfice. De l'acide se répandit dans chacun de ses muscles, le rongeant de l'intérieur, lui donnant envie de s'arracher la peau, de s'arracher à la douleur. La torture sembla durer une éternité, une éternité où il n'entendit que sa propre voix, hurler. Peu à peu, ce fut comme si elle se noyait dans un océan de silence. Il lui sembla que lui aussi coulait, mais quand l'Endoloris se dissipa, sa gorge arrachée lui prouva qu'il vivait encore. Pour l'instant du moins.

Pourtant il lui semblait que sa vie lui avait déjà été arrachée. Il prit appui sur le marbre glacé pour se relever. Personne ne parlait. Peut-être se rappelaient-ils encore qu'ils partageaient le même sang.

La souffrance l'empêchant de ressentir quoi que ce soit d'autre, Draco se releva. En affrontant les yeux écarlates de Voldemort, il sut qu'il n'avait aucune intention de l'épargner. Qu'il n'avait aucune chance de fuir. Ses parents n'étaient pas intervenus. Aucun Lestrange ne prendrait la défense d'un traitre et ni Hermione ni Potter n'étaient là pour risquer bêtement leur vie pour lui.

Finir comme ça... Que tout cesse si brutalement ; son futur, ses espoirs, ses rêves. Le vide dans sa poitrine se faisait de plus en plus béant.

En tout dernier recours, il se tourna vers ses parents. Ce qu'il lui restait d'espoir s'évanouit. Sa mère croisait les bras, sa posture verrouillée, son visage fermé, mais ses yeux étaient rouges, en proie à une telle terreur que Draco se détourna vers son père. Il ne le regardait pas, toute son attention se portait sur Voldemort, avec impuissance.

Quand Voldemort releva sa baguette, l'impuissance se mua en horreur. Eux aussi savaient parfaitement quel sort l'attendait.

— La leçon est terminée, susurra Voldemort. Nous avons des sujets d'importance à discuter, ne perdons pas plus de temps. Avada...

Le temps sembla ralentir autour de Draco. Son père fit un pas en avant. Vers lui.

— Maître, certainement, il peut encore vous être utile...

Un silence de mort tomba sur le salon, comme si plus personne n'osait même respirer. Lucius ne cessa de bouger qu'une fois entre Voldemort et lui. Draco ne voyait que son dos, raide, tendu.

— Lucius, même s'il s'agit de ton fils, tu te rends sûrement compte qu'il ne me sera plus jamais utile. Il s'est rangé dans les rangs de mes ennemis, a conspiré contre moi et a même amené le ministère à se lancer à ma recherche.

— Certainement, mais cette proximité avec vos adversaires...

— Par adversaire, tu entends un orphelin, un traitre à son sang et une Sang-de-Bourbe ? Les crois-tu capables de se mettre sur mon chemin ?

— N-non, bien entendu, maître, seulement...

— Mettrais-tu mon jugement en doute ?

— Non, jamais je ne...

— C'est pourtant très précisément ce que tu tentais de faire. T'imagines-tu pouvoir bénéficier d'un traitement de faveur parce qu'il s'agit de ton fils ?

L'atmosphère sembla se solidifier autour d'eux, rendant l'air presque irrespirable. Ou peut-être était-ce l'angoisse qui le coinçait dans la gorge. Draco aurait tout donné pour une discussion avec ses parents, même s'il avait fallu parler de ce qu'ils avaient découvert, de son faible pour Hermione Granger, des Serpentards qui lui tournaient le dos.

— Un méfait doit être puni, ajouta Voldemort. C'est la base de l'éducation.

— Pour qu'elle porte réellement ses fruits, dit Lucius dans une voix qui perdait en intensité à chaque mot, mais persistait à parler, il faut pouvoir réfléchir à nos actions, à leurs conséquences.

Donc ne pas être mort.

— Comme le fait que tout acte se paie.

— Sûrement, il a assez payé, maître.

Les lancements dans chaque recoin de son corps, ses muscles éprouvés par le Doloris qui le gardaient à peine debout et son souffle qui peinait à lui donner assez d'air lui auraient donné raison face à n'importe qui d'autre.

— Non. C'est très loin d'être suffisant, répondit Voldemort. Mais puisque tu insistes.

Il émit un long sifflement qui réveilla Nagini. Lucius se retourna vers Draco, agrippant son épaule alors que le serpent glissait au bas de la cape de son maître. Quand le reptile fusa, ses crochets se plantant dans sa nuque, son père écarquilla les yeux, la bouche entrouverte. Il cracha un filet de sang et s'effondra. Draco resta immobile, incapable de comprendre, la sensation de sa poigne encore présente sur son épaule.

Nagini fondit plusieurs fois encore, plantant ses crocs, déchirant la chair avec la violence d'un animal sauvage. En tentant de la repousser, Draco reçut une morsure qui le fit crier et un sort repoussa le serpent, créant une bourrasque qui retourna les capes et l'aveugla un instant.

Sa mère s'était précipitée aux côtés de Lucius et l'avait redressé contre elle, caressant son visage livide, la main crispée autour de sa baguette. Seulement là, Voldemort se décida à rappeler son serpent. Draco tomba agenouillé à côté de ses parents. La respiration de son père était à l'agonie et il baignait dans le sang. Il chercha la main de Narcissa et la serra, avant de se tourner vers Draco.

— Tu es... mon fils... articula-t-il dans un gargouillis difficile.

L'effort sembla lui avoir coûté toutes ses forces, pourtant il les rassembla dans un ultime effort et frôla sa joue.

— Oublie... la Sang-de-Bour...

Sa main retomba, sa voix s'éteignit et son regard avec elle. Sa mère se replia, entourant Lucius, s'accrochant à lui avec désespoir. La vue brouillée, Draco prit sa main. Elle resta inerte ; aucune vie, une force ne lui répondait. Il serra les dents.

— J'ai tenté d'être compréhensif, dit soudain Voldemort, mais non, j'ai bien peur que ce châtiment ne suffise pas. Il en sait trop pour servir mes plans. Dans ces conditions, le laisser en vie ne me profite pas.

Narcissa étouffa un hoquet.

— Il peut... il sera utile... dit-elle en levant sa baguette droit sur Draco.

Ses lèvres formèrent les mots « pardonne-moi » avant d'incanter « Oubliettes ». Une sensation de vide se diffusa dans son esprit, un calme qui semblait bien artificiel au milieu de la tempête qui l'habitait, mais dont Draco ne parvint pas à se soustraire.

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