Dans tes pensées

Chapitre 70 - La grotte cachée

Kreattur venait d'apparaître dans le bureau du directeur. Contre lui, collé à sa taie d'oreiller crasseuse, il tenait une lettre pliée de travers. Draco se redressa lentement.

— Kreattur, qu'est-ce que c'est ?

— Un message de Narcissa Malfoy, monsieur.

Draco le prit avec précaution et caressa le bord du parchemin qui se superposait de travers. Sa mère l'avait visiblement pliée en toute hâte pour la confier à l'elfe.

— Comment va-t-elle ?

— Bien, Draco Malfoy, monsieur.

Elle jouait certainement un rôle pour rester dans les bonnes grâces de Voldemort. Le faisait-elle pour leur statut ? Il en doutait, pas avec l'homme qui avait tué son père. Alors était-ce pour lui ? Un nœud à l'estomac, il contempla encore un instant le parchemin avant de le déplier. Il n'y trouva qu'une liste inscrite à la hâte : coupe, médaillon, diadème, bague. Bague ?

— Bague et diadème, s'exclama-t-il. Elle nous a donné un indice.

— Une bague... répéta Harry, pensif, avant d'écarquiller les yeux.

Il se tourna vers les petites tables supportant les instruments magiques de Dumbledore et pointa une bague en or grossier qui supportait une pierre noire, grande et fendue en son centre.

— C'est celle que le grand-père de Voldemort avait dans le souvenir que Dumbledore m'a montré. Dumbledore la portait la nuit où il m'a emmené voir Slughorn pour le convaincre de travailler ici. C'est forcément un des Horcruxes.

— Alors il ne reste que le diadème et le sixième Horcruxe, s'empressa de dire Hermione.

— Le diadème de Rowena Serdaigle ? demanda Kreattur de sa voix croassante.

— Tu sais quelque chose? demanda Hermione d'un ton doux, mais pressant. Kreattur, il est capital que nous trouvions ce diadème.

— Kreattur sait où il est caché, Kreattur ne peut pas le récupérer, mais Kreattur peut vous y emmener.

Le trio échangea un regard, grisés par la nouvelle. De son côté, Draco relisait les quatre mots de sa mère. Elle désirait bien la chute de Voldemort, elle aussi. Il replia le parchemin avec soin puis le glissa dans la poche de sa veste. S'ils détruisaient ce mage noir, il récupérerait peut-être sa famille, en fin de compte ; les avancées qu'ils avaient faites en une soirée étaient colossales. Il refusait malgré tout de placer trop d'espoir dans la piste de Kreattur. Voldemort avait probablement déplacé ses Horcruxes depuis la destruction de la coupe. Ce qui ne les empêchait pas de jeter un œil, peut-être qu'avec un peu de chance...

— Emmène-nous, ordonna-t-il.

Hermione posa une main sur son épaule quand Kreattur attrapa son poignet et Ron et Harry s'accrochèrent à elle. Le transplanage les déposa dans une pénombre salée. Des vagues léchaient la roche tout autour d'eux. Ils se trouvaient sur une petite île, pas plus grande que le bureau du directeur, et coincée sous un plafond de pierre. Draco fronça les sourcils. Dans les profondeurs sombres de l'eau, il était presque certain qu'une masse se déplaçait. Tirant sa baguette, il approcha du bord.

— Lumos.

Le faisceau traversa la surface, révélant une forme allongée, pâle et fine qui flottait. Elle se terminait en cinq doigts maigres. Un bras. Il recula vivement, son talon tapa contre une pierre, manquant de le faire tomber en arrière. Un cadavre. Il tendit sa baguette, révélant une autre forme, puis encore une autre. Des cadavres. Le lac était rempli de cadavres. Il s'éloigna de la vision macabre. Posté dans un coin de l'île, trop près de l'eau à son goût, Kreattur attendait ses ordres.

— Qu'est-ce que ça signifie ? s'exclama Draco. Et éloigne-toi de l'eau.

— Le diadème se trouve ici, croassa l'elfe en pointant le piédestal.

Harry s'en approcha. Un bassin de pierre semblable à la Pensine était posé dessus et une sphère translucide en dépassait, ses contours brillant d'un bleu azur. À l'intérieur flottait un diadème délicat, gravé d'inscriptions qui rehaussaient un saphir.

— Je ne connais pas ce sort, dit Hermione dont les yeux brillaient à la lueur de la sphère, fascinée. On devrait aller chercher Dumbledore.

Ron se tourna vers Kreattur qui patientait toujours près du bord.

— Tu sais quelque chose sur cette protection toi ?

— Kreattur ne sait rien.

Draco reporta son attention sur la sphère, à la recherche d'un moyen de la défaire, d'un détail qui lui aurait échappé. En se déplaçant autour, il croisa le regard d'Hermione. Derrière elle, la silhouette de Kreattur qui attendait près de l'eau fit rouler une sueur froide dans son dos. L'angoisse qui rampait autour de lui depuis qu'il avait découvert les cadavres lui coupa soudain la respiration. Son instinct lui hurla de partir. Le diadème était juste là. C'était une chance inespérée, mais il voulait rentrer, rentrer immédiatement. Il ouvrit la bouche. Et réalisa.

Kreattur qui n'avait pas bougé, en dépit de son ordre.

Il avait donc reçu d'autres ordres. Quelqu'un lui avait demandé de les emmener ici.

— Il faut qu'on tente quelque chose, dit Harry en levant sa baguette.

— Ne touche à rien, s'exclama Draco d'une voix étranglée.

Le trio se tourna vers lui. Leurs expressions incertaines ne les avaient pas empêchés d'obéir. Draco rassembla son sang-froid pour obtenir le ton le plus autoritaire possible.

— Kreattur. Tu vas nous ramener immédiatement.

Le vieil elfe n'esquissa pas un geste. Son estomac tordu par la peur, Draco sentit son souffle s'accélérer. Ils se trouvaient loin de tout, dans une grotte souterraine dont ils ignoraient tout, ou personne ne les retrouverait.

— Qu'est-ce qui se passe, Kreattur ? tenta Hermione.

Sa voix tremblait légèrement. Ils avaient forcément tous compris le piège dans lequel ils étaient tombés. Le « crac » caractéristique du transplanage résonna dans son dos, faisant sursauter Draco. Un autre suivi, puis un autre et encore un autre alors que des silhouettes encagoulées apparaissaient tout autour d'eux. Les cheveux négligés encadrant le visage émacié à la mâchoire forte de sa tante les dévisagea un par un.

— C'est dommage... Je pensais qu'au moins l'un d'entre vous tenterait de récupérer l'Horcruxe, dit-elle en s'arrêtant dans le dos de Harry. J'avais même parié sur toi, Harry Potter, mais puisque ce n'est pas le cas, je suis sûre que le Seigneur des Ténèbres se fera un plaisir d'en finir avec toi en personne.

D'un coup de baguette, la sphère perdit son éclat, cessant de projeter sa lumière sur le sol et le plafond rocheux. Dans l'instant de pénombre, une idée fusa dans l'esprit de Draco. Cessant de réfléchir, il pointa sa baguette sur le diadème et le projeta avant que Bellatrix ne puisse s'en emparer. Il dut bondir en avant pour éviter les Stupéfix, alors que le bijou filait vers Hermione.

— Repulso !

Son sortilège la propulsa plusieurs mètres en arrière, droit sur Kreattur.

— Ramène-la au château ! s'exclama Draco avec désespoir. Kreattur, c'est un ordre.

La fraction de seconde avant leur collision, mille peurs le traversèrent, mais l'instant suivant, Hermione, l'elfe et le diadème avaient disparu de la grotte. Draco se raccrocha au piédestal et sa terreur se concentra sur son propre sort. Il sentait la présence de sa tante dans son dos, sa menace. Harry et Ron pointaient leurs baguettes sur elle.

Draco resserra sa prise sur le bord de pierre. Il était trop loin de Kreattur, jamais il n'aurait pu se sauver. Il avait joué son seul coup possible, il ne devait pas regretter. Le pire qu'elle puisse faire à ce niveau était d'incanter un Avada Kedavra, alors il se prépara à l'éclair de lumière verte, à la fin de son existence.

Sauf qu'il se trompait. Ce n'était pas le pire qu'elle puisse faire. Le pire vint sous la forme d'un long, très long, éclat de rire. Le genre de rire qui sonnait comme une victoire.