Chapitre 77 - Au salon de thé de Madame Pieddodu

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Assis sur le pilier, alors qu'il cherchait le courage d'invoquer son père à travers la Pierre de Résurrection, Draco vit Hermione tapoter son bracelet. Il remit sa chevalière et leur lien se tut. Sachant qu'elle serait là, à l'attendre, il se leva. Une brèche dans le mur de briques lui permit de se glisser dans le couloir extérieur. Il le longea jusqu'à ce que le bruit des voix s'atténue et continua de le remonter vers la cour centrale, jusqu'à être seul avec le bruit de ses pas. Enfin, il souffla et ferma les yeux. Il sentait le vent s'engouffrer dans le passage, sentait la forme de la bague et celle de la pierre sertie dans sa paume, puis capta autre chose, un mouvement plus distinct, plus proche, comme celui d'un corps.

Draco rouvrit aussitôt les yeux. Son père se tenait devant lui, un peu plus consistant qu'un fantôme, mais douloureusement immatériel malgré tout. Sa haute stature, ses yeux gris, ses traits étaient identiques à ceux qu'il connaissait, peut-être un peu plus jeunes, moins fatigués que lors de son dernier souvenir.

— Draco.

— J'avais besoin de te parler, dit-il aussitôt.

Ses mains étaient moites.

— Je sais tout ce que tu as fait.

— Alors tu comprends pourquoi je l'ai fait ?

— Tu comptes persister avec cette Sang-de-Bourbe ?

Qu'il l'appelle encore ainsi lui fit l'effet d'une gifle.

— Oui, répliqua-t-il.

— Dans ce cas j'ai dû mal à comprendre pourquoi tu m'as appelé.

La douleur enfla dans sa poitrine, prenant toute la place, chassant tout l'air.

— Après tout ce qu'elle a fait pour moi, après tout ce que j'ai fait pour elle, tu persistes à penser que je fais le mauvais choix ?

Lucius le toisa avec froideur.

— Pour toi, un Sang-Pur n'aurait pas pu t'apporter la même loyauté ? Quelle vision as-tu de la relation que j'ai avec ta mère exactement ? Et qu'as-tu fait des valeurs que j'ai passé tant d'années à t'enseigner ?

Draco recula d'un pas.

— Ce n'est pas...

C'était bien ce qu'il avait pensé, que le monde des Sang-Pur était miné de pièges, de trahisons, qu'Hermione lui offrait quelque chose de différent. Il avait eu tort.

— Je ne pense plus que je n'aurais pas pu trouver une relation aussi solide auprès d'une Sang-Pur, mais ça ne change rien.

Il voulait protéger ce qu'Hermione et lui avaient construit ces trois dernières années. C'était avec elle qu'il voulait bâtir son futur ; il voulait vivre d'autres disputes, d'autres danses, lui confier ses peines, se moquer de Weasley, l'écouter stresser sur le travail qu'elle devait rendre ou paniquer sur son balai, rire avec elle et la regarder lire, qu'elle l'écoute se vanter des réussites qui paveraient certainement son avenir, leur avenir.

Draco tenta d'exprimer ce qu'il ressentait, ce qu'elle représentait pour lui. Son père l'écouta en silence alors que chaque mot lui donnait l'impression de s'exposer de plus en plus. Il termina l'âme à vif. Son cœur tambourinait dans le silence. Il fallait que son père comprenne, il était trop important pour lui. Comment pourrait-il avancer fièrement en sachant qu'il le décevait ?

— Je vois, dit Lucius. Je suis au moins heureux d'une chose ; je ne serai pas en vie pour constater la déchéance dans laquelle tu t'enfonces.

Draco demeura un instant immobile, incapable de traiter ce qu'il venait d'entendre. Son poing serré sur la bague se relâcha. La bague heurta les pavés et la silhouette de son père s'évanouit. Il serra les dents, tentant de maîtriser la déferlante, mais elle balaya toute pensée cohérente. Draco recula de plusieurs pas, à peine conscient d'où il se trouvait. Son dos heurta une surface dure. Il crispa une main sur sa poitrine, tentant d'arracher ce qui le détruisait de l'intérieur. C'était ce que son père pensait réellement de lui. Il ne pourrait plus se cacher derrière l'espoir qu'il aurait fini par comprendre. Plus jamais.

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