Chapitre 42 - Des oreilles dans le manoir Malfoy

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À une des fenêtres sombres, Draco observait le parc de son manoir d'un œil indifférent, sa plume miniature tournant entre son index et son pouce. Lorsqu'il avait offert la seconde à Hermione, elle n'avait pas questionné les Gallions qu'il avait fallu mettre pour faire fabriquer ce modèle à une taille sur mesure, avec une protection qui la rendait incassable. Mentionner le prix aurait donné l'impression que cette somme avait la moindre importance, ce qui, comparé à la fortune de sa famille, était faux. Alors il n'avait rien dit et laissé cette occasion de prouver à quel point il était un parti supérieur à tous les autres filer. Ne pas avoir l'air d'un Weasley occupé à compter la moindre Noise était plus important.

Il la rangea et donna une pichenette sur la vitre. En redescendant, la pensée qu'il tenait à l'écart depuis qu'il était rentré du manoir des Black revint le piquer. Pourquoi se présenter comme le meilleur parti importait-il ? Un malaise diffus l'imprégnait chacun de ses pas et il ralentit en arrivant près de l'arche qui ouvrait le couloir sur la salle à manger. Il devait trouver une réponse satisfaisante avant de retrouver ses parents. Il ne voulait pas de questions.

Alors pourquoi ?

Ça ne pouvait pas être par rapport à Granger, il y avait forcément autre chose là dessous.

— ... que veut-il que tu vérifies dans le coffre des Lestrange ?

C'était la voix de sa mère. Draco se reconcentra sur ses propres réflexions. Si ce n'était pas par rapport à Granger qu'il ressentait ce besoin de s'affirmer, alors qui ? L'air interdit de Weasley, lorsqu'il les avait surpris dans les escaliers lui revint.

— La coupe de Helga Poufsouffle.

Draco fronça les sourcils.

— Je doute qu'elle soit dans leur coffre. Tu vois les Lestrange s'y intéresser au point de l'acquérir ? Pourquoi le Seigneur des Ténèbres se soucie d'un objet ayant appartenu à la lignée des Poufsouffle ?

Sa mère venait de poser toutes les questions qui l'avaient traversé.

— Elle se trouve bien dans leur coffre, répondit Lucius. D'après ce que j'ai compris, c'est le Seigneur des Ténèbres lui-même qui l'y a placée avant sa chute. Je me rendrai à Gringotts demain. Que fait Draco ?

Draco grimaça. Il n'avait pas terminé de mettre au clair ses pensées, mais les faire attendre n'était pas une meilleure option, alors il franchit l'arche le plus nonchalamment possible.

Assis face à sa mère, il ramassa sa fourchette et remua son confit d'oignons. S'il agissait ainsi, était-ce pour remettre Weasley à sa place ? Granger et lui avaient été liés, peut-être était-ce pour ça qu'il se sentait concerné par les décisions qu'elle prenait. Il ne pouvait décemment pas la laisser s'abaisser à sortir avec Weasley. D'autant que se placer en obstacle à leur relation quand lui-même n'avait pas le moindre intérêt pour Granger était assez drôle.

Il trancha dans sa pièce de bœuf avec satisfaction.

— Tu es bien silencieux, Draco, dit Lucius.

Draco releva la tête. Narcissa le fixait aussi.

— Demain, le Seigneur des Ténèbres sera là. D'autres partisans nous rejoindront. Je te ferai monter un repas, pas besoin de te répéter que tu ne dois pas quitter tes appartements ?

Ne pas quitter ses appartements ne faisait malheureusement pas partie de ses plans.

La présence du Seigneur des Ténèbres sous son toit n'avait jusqu'ici été source que de dérangement ; se faire confiner dans ses appartements dans son propre manoir pour qu'il puisse tenir ses petites réunions l'agaçait.

Il prétendit cependant obéir, dans un premier temps. Dissimulé dans un recoin de couloir, Draco écoutait les Mangemorts se diriger vers le grand salon où ils recevaient les invités. En les suivant à pas feutrés, Draco s'imagina un instant l'accueil que lui offrirait le monde des sorciers s'il parvenait à faire tomber le Seigneur des Ténèbres de l'intérieur. Il deviendrait un véritable héros, plus acclamé encore que Potter. Avoir accompli un tel exploit à un si jeune âge lui garantissait une vie glorieuse. Il avait déjà la richesse, l'influence, il ne lui manquait que l'admiration. Des sorciers de tous horizons se pressant pour le complimenter, désespérés d'un peu de temps en sa compagnie, le couvrant de cadeaux dans l'espoir d'obtenir son amitié.

Un frisson d'excitation l'envahit et il le réprima. Ce qu'il s'apprêtait à faire lui demanderait toute sa concentration, il ne pouvait pas se permettre de se perdre dans des rêveries. Il était aussi bien trop tôt pour ça. Son unique piste était la Coupe d'Helga Poufsouffle, ce qui était particulièrement maigre. Il manquait d'informations... Il s'arrêta soudain, parce qu'il connaissait quelqu'un qui avait des informations à n'en plus finir. Il récupéra le parchemin enroulé autour de la plume miniature dans sa poche et griffonna « Granger ? ».

Draco n'eut pas à attendre, le mot « Oui ? » s'inscrivit presque aussitôt en réponse. Elle passait certainement encore sa soirée à tricoter, son parchemin ouvert à côté d'elle. Cette pensée lui donna une satisfaction qu'il préféra ignorer.

« Qu'est-ce que tu peux me dire sur la coupe de Poufsouffle ? »

Les mots « Oh, pas grand-chose. » soufflèrent son espoir, mais la main d'Hermione continua d'écrire : « C'est une petite coupe en or qui a été créée par Helga Poufsouffle, comme tu le sais une des fondatrices de Poudlard. C'est un des quatre héritages qu'ils ont laissés derrière eux, avec l'épée de Godric Gryffondor, médaillon de Salazar Serpentard et le diadème de Rowena Serdaigle. C'est un artéfact magique, mais les pouvoirs qu'elle contient restent un mystère, même si j'ai lu dans l'Histoire de Poudlard que certains charmes pourraient avoir un lien avec la nourriture. Helga Poufsouffle était très douée dans les sorts de ce domaine. »

Sauf que Draco doutait que ce genre d'enchantements intéressent le Seigneur des Ténèbres. Réunir l'héritage des fondateurs de Poudlard en revanche... Déjà plus plausible. Mais dans quel but ?

« Pourquoi la question ? »

Des bruits de pas proches le firent descendre les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée où il recula derrière les marches le temps que les derniers Mangemorts rejoignent le grand salon.

Lorsque l'heure sonna, ils refermèrent les doubles portes et Draco s'en approcha. Personne ne serait en retard à un rendez-vous posé par le Seigneur des Ténèbres, il ne risquait plus d'être surpris.

Le début de l'entretien n'eut rien de passionnant. Chacun présentait ses actions tour à tour dans un calme où la moindre chaise grinçait un peu trop fort. Lorsque le sujet concernait le ministère de la Magie, la discussion s'attardait aussi sur l'évolution et les changements souterrains qui s'opéraient peu à peu.

Après de longues minutes, Draco ressortit son parchemin et l'appuya contre la tapisserie.

« Leur emprise sur le ministère est bien plus importante que tout ce que j'avais en tête. J'espère que votre ordre s'en rend bien compte. »

« Je l'espère aussi. »

Draco entreprit de lister les employés corrompus et les futures cibles dont les noms étaient encore dans sa mémoire, tout en écoutant d'une oreille le reste de la réunion. Toute sa concentration ne l'empêcha pas de percevoir un son continu au fond du couloir derrière lui, comme si quelqu'un glissait une main humide sur le sol en marbre. Il releva sa plume au milieu d'un nom et fit volte-face. Son estomac chuta. Une forme longue serpentait dans sa direction depuis l'autre côté du hall. Il referma son poing sur le parchemin et le fit disparaître dans sa poche.

Personne n'oserait se présenter en retard, mais cela ne concernait pas Nagini.

Le reptile poursuivait sa lente avancée. Il s'arrêta à dix centimètres de ses chaussures. Les iris fendus l'empêchaient de respirer. Qu'avait-il vu ? S'il entrait dans le salon... Avec le fourchelang, tout ce que le serpent savait, le Seigneur des Ténèbres saurait aussi. Il devait l'empêcher d'y entrer à tout prix.

Le serpent glissa au bas de la porte. Pétrifié, Draco le regarda s'élever contre le cadre, puis presser son poids contre la poignée. Il n'avait toujours pas fait un geste quand la porte pivota.

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