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4 janvier : Parapluie


Boya n'aimait pas la pluie depuis qu'il était jeune.

L'image était l'un des pire clichés poétique qui existait sans doute, mais il n'aimait pas voir le ciel pleurer. Probablement parce qu'il pleuvait lorsque sa mère était morte. Il avait vu son sang se mêler à l'eau pour tracer de fascinantes et écœurantes arabesque sur le sol et le bois avant que son père n'arrive accompagné de quelques soldats pour voir ce qui se passait dans le petit recoin réservé à sa plus inférieure maitresse et son seul et unique fils, à sa grande colère. Son père ne voulait pas voir le fils d'une fille de rien hériter de ses biens. Il détestait autant son fils que la femme qui avait osé le lui donner avant que son épouse le fasse.

Boya se souvenait de la pluie qui lui fouettait le visage lorsque son Shifu était venu le chercher. Sa vision déjà troublée par les larmes, il avait à peine distingué sa présence avant que l'homme ne le soulève, le calle dans ses bras et l'emmène avec lui sous les hurlements de colère de son géniteur qui voulait le voir mort.

Les larmes de l'enfant avaient été nettoyées par la pluie. Il en gardait une rancœur. Comme si le ciel lui-même ne voulait pas qu'il pleure sa mère.

Aujourd'hui encore, près de vingt ans après ce drame, après que son père ait succombé lui aussi, après que ses biens aient été récupérés par le trône puisqu'il n'y avait aucun rejeton mâle pour les administrer, Boya détestait toujours autant la pluie. Elle était froide, insolente, sans pitié et ne se souciait pas de savoir à qui appartenaient les pas de celui qui s'y trempait les pieds.
Sous la pluie, Empereur ou simple manant, tout le monde finissait dans le même état de serpillère s'il n'avait rien pour s'en protéger.

Boya n'avait jamais eu aucune protection. Jusqu'à quelques mois auparavant, il n'en avait jamais voulu non plus.

Maintenant.... Maintenant il commençait à comprendre que bouffer des cailloux n'était pas une marque de force. Pas plus que se laisser tremper jusqu'à l'os par la pluie et les évènements. Il avait le droit de se protéger. Il avait le droit de prendre soin de lui-même et de refuser la souffrance.
Il avait le droit de dire stop et de demande de l'aide.

Le chasseur se serra un peu plus contre QingMing. Il glissa timidement son bras sous le sien pour se rapprocher un peu plus. Il fallait bien qu'ils se collent l'un à l'autre pour se protéger n'est-ce pas ? le parapluie était si petit....

QingMing baissa un peu plus le parapluie sur eux pour les cacher aux yeux des péons autour d'eux qui se pressaient dans les rues pour se mettre à l'abri chez eux, sous l'auvent d'une boutique ou dans l'encoignure d'une porte cochère.


Rapidement, il n'y eut plus pour se promener dans les allées désertées du marché que les deux cultivateurs, cachés de la pluie par le parapluie en papier ciré blanc que QingMing avait sorti de sa manche.

La pluie d'orage, violente, était de celles qu'on attendait l'été. Elle était de celles que QingMing préférait. La pluie était chaude et réconfortante, presque autant que le corps musclé pressé contre le sien.

Dans le plus parfait silence entre eux, couvert par le bruit de la pluie qui frappait lourdement le parapluie de papier blanc, le couple continua sa balade sans se presser, perdu au milieu des rues désertées.


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