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13 Juillet : Pardon 4 (YYMDoE)


QingMing n'avait pas mis longtemps à répéter l'odeur d'un autre renard-démon.

Il avait mis plus longtemps à le voir.
Dès qu'il avait vu la grande femelle à sept queues qui se ruait vers lui en courant, le poil hérissé et les babines relevées, il s'était couché, le menton contre le sol dans une position aussi peu agressive que possible et avait agité doucement ses queues comme le faisaient les renardeaux qui demandent de l'aide à un adulte.

Ses manières avaient perturbées la renarde prêtre à l'égorger. Elle s'était arrêtée à distance pour l'interroger. Il n'était pas de leur clan. Il savait qu'il entrait sur le territoire d'une famille. Alors que voulait-il ? Cherchait-il une compagne ? Les renards démon males étaient rares, si rares qu'ils étaient choyés et protégés par leur famille. On ne les laissait pas partir. Si une femelle les trouvait à leur gout, c'était elle qui devait rejoindre le clan. Un renard démon male avait le choix de ses partenaires dès qu'il devenait adulte. Alors en voir un solitaire ? C'était aussi inédit qu'inquiétant.

QingMing se repressa un peu. Il savait que son ami n'était pas loin. S'il avait besoin d'aide, il pouvait le rejoindre.

"- Je suis Anbei QingMing." Le nom fit relever les oreilles de la renarde avec intérêt. "Ma mère était Anbei XingXing."

La renarde laissa échapper un petit couinement douloureux.

"- Si c'est vrai, approche mon neveu."

QingMing rampa lentement vers elle. Il frémissait autant de dégout de lui-même que de peur. Était-ce réellement sa tante ? La colère aussi commençait à pointer le bout de son nez.

La renarde le renifla longuement. Elle semblait chercher quelque chose dans son odeur.

"- Je sens l'odeur de ta mère. Et celle d'un humain." Elle était dégouté par ce mélange.

Qu'est ce que sa petite sœur avait fait ? Si cette créature était effectivement son rejeton, il n'était qu'un sang mêlé, une erreur qu'elle aurait du éliminer dès qu'il était né. Puis son regard tomba sur les quatre queues du bâtard. Il n'aurait jamais du en avoir autant. Pas a son âge. Même s'il était né le même printemps que sa mère était partie, il n'aurait pas eut cinquante ans. Un bébé pour leur race.

"- Viens avec moi."

Elle gardait ses distances avec lui alors qu'elle le conduisait jusqu'à la tanière principale de la Matriarche. Elle le fit trotter derrière elle pendant deux jours avant de se faufiler derrière une cascade qui camouflait parfaitement l'entrée d'une tanière confortable autant qu'immense.

QingMing avait un assez bon sens de l'orientation pour savoir que ces deux jours de promenade sans repos ne l'avaient pas vraiment éloigné de leur point de départ.

Il la suivit à l'intérieur de la grotte. Une marée de renardes blanches les regarda passer. Il y en avait de tous les âges. Des plus jeunes renardeaux aux vieilles anciennes à huit ou neuf queues qui lui donnaient envie de se recroqueviller au sol sous leur regard méprisant et d'implorer pardon de simplement exister.

QingMing ferma les yeux une seconde. Sans la présence du ling'er de Boya caché sous ses poils dont il sentait l'aspiration du qi pour rester lié au second que gardait son ami, il se serait senti plus misérable que même le Yin Yang lui en avait donné l'habitude. Si les humains qui l'avaient élevés ne voulaient pas de lui, la famille dont il était issu ne voulait pas davantage de sa présence. Il était peut-être de leur sang, mais il ne serait jamais des leurs.

L'apparence de la Matriarche l'impressionna davantage que sa réaction face à cet arrière petit fils bâtard et demi-sang sortit de nulle part qui l'informa de la mort d'une de ses plus rebelles petites filles qui avait disparue depuis une quarantaine d'années. Le rejet autour de QingMing était tout aussi violent que celui qu'il avait reçut de la part du Yin Yang. Alors puisqu'on qu'on ne voulait de lui ni en tant qu'humain, ni en temps que renard, il ne vit pas pourquoi faire l'effort plus longtemps. Il reprit sa forme intermédiaire avec fluidité. L'outrage autour de lui dut presque satisfaisant.

"- Il semble que j'ai fait mon devoir filial de prévenir la famille de ma mère de son destin." Malgré l'apparence placide qu'il se forçait à conserver, il avait mal quand même.

C'était une douleur pourtant apaisante. Comme lorsqu'on perce un abcès. La douleur était vive mais elle s'apaisait à mesure que le pus s'en écoulait. Il s'était demandé toute sa vie d'où il venait. Qui était sa famille. Il en avait la réponse. La famille de sa mère était tout aussi méprisable que le Yin Yang pour reprocher sa naissance à un enfant.

QingMing s'inclina tranquillement. Son Boya l'attendait.

"- Je vous remercie de m'avoir permis de voir d'où venait ma mère. Je comprends mieux les raisons de son indépendance." S'il était comme elle, elle avait du détester cette mesquinerie hautaine. "Je voulais savoir pourquoi personne n'avait cherché ma mère, pourquoi personne ne m'avait prit sous ses queues, mais les raisons en sont évidentes. Je vous pardonne pour cette cruauté." Le glapissement d'outrage de la Matriarche lui fit plaisir. Il était possible qu'il soit plus mesquin qu'il ne l'imaginait. "Nous ne nous reverrons sans doute jamais." Il n'avait pas vraiment sa place dans le Nord de toute façon. Plus maintenant que son Shifu n'était plus.

Il salua une dernière fois le groupe de renardes qui s'étranglait encore de rage, incapable de réagir à ses insultes tout autant que de l'accueillir même si elles en avaient envie pour certaines.

Un portail qui s'ouvrait, un Boya au sourire soulagé de l'autre et QingMing refermait ce chapitre de sa vie avec le même soulagement que Boya avait quitté le domaine de son géniteur.
Ils n'avaient besoin de rien d'autre que leur partenaire.


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