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7 Juillet : Danse (YYMDoE)


Le sourire du nordiste était contraint. Il s'inclina malgré tout devant l'Empereur. Près de lui, son ami serrait les mâchoires pour se retenir d'éclater en insultes violentes puis s'inclina à son tour.

Les rires moqueurs autour d'eux étaient insupportables mais ils ne pouvaient pas y faire grand-chose. Depuis que l'Empereur actuel, le huit ou neuvième en l'espace d'autant de mois depuis la chute du Serpent, était sur le trône, la cour avait bien changée. Disparue la classe digne et tranquille de la Cour de Fangyue. Elle avait été remplacée par une autre bien plus dispendieuse, exotique voir excentrique. On y buvait jour et nuit, les danseuses se relayaient sans cesse, la nourriture y était riche et servie à profusion.

Ceux qui jusque là se comportaient en dignes serviteurs de l'état se montraient de plus en plus dépravés, rongés par les plaisirs faciles que l'Empereur actuel utilisait pour prolonger son règne. Une fois qu'il aurait bien toute la cour au creux de sa main, une fois qu'il aurait endenté chacun et qu'il aurait des secrets sordides sur tous, il lui serait facile de se protéger. Ou de régner en tyran. Dans ce bourbier croissant, il n'y avait bien que les deux prêtres qui refusaient de se laisser corrompre. L'Empereur n'avait rien à leur offrir pour les attacher à lui aussi l'homme avait-il décidé de faire prendre de la pire mesquinerie possible. Puisqu'il ne pouvait les contrôler, puisqu'il ne pouvait les chasser, il passait son temps à les ridiculiser.

"- QingMing Daren, il est venu à mes oreilles que vous êtes très efficient avec un éventail ?" Souriait largement l'Empereur, moqueur.

QingMing s'était incliné.

"- Je ne suis pas totalement incompétent." Confirma QingMing.

"- Ha! Et bien pourquoi ne nous montreriez-vous pas ça ?"

Le nordiste haussa un sourcil, sans comprendre jusqu'à ce qu'une des danseuses s'approchent de lui pour lui mettre son éventail entre les doigts. Les danseuses s'écartèrent sous les rires de la cour.

"- Et bien ? Qu'attendez vous, QingMing Daren. Vous avez reçut un ordre il me semble." Souriait un des généraux.

"- Ho, attendez Majesté ! Je suis sur que QingMing Daren est perdu sans son petit ami." Les rires gras toujours.

L'Empereur prenait grand plaisir à les humilier. Il voyait la colère dans leurs yeux. Et leur retenue. L'un comme l'autre l'auraient mis à bas avec plaisir.

"- Alors Boya Daren ? Qu'attendez vous ?"

La colère la plus profonde brulait au fond des yeux du chasseur. Ils étaient forcés de participer à ces stupidités au lieu de faire leur travail. Ils étaient forcés de s'humilier chaque jour pour le plaisir de quelques imbéciles. Ils devaient baisser les yeux devant cet empereur au sang à peine plus noble que le sien.

Lorsque l'homme était monté sur le trône, Boya n'avait pu s'empêcher de railler que si on tapait dans les dernières lignes de la famille Impériale, autant qu'il présente sa candidature. QingMing l'avait fait taire immédiatement. Voulait-il se faire tuer ?

S'il avait su, le demi démon l'aurait poussé à la roue. Ils n'auraient guère été dans une situation plus dangereuse et sans doute même meilleure. Depuis, ils ne pouvaient rien faire à part s'humilier un peu plus chaque jour.

Boya arracha l'éventail des mains de la danseuse. S'il résistait, les gardes se feraient un plaisir de le forcer au mieux, de le rouer de coups, voir de le tuer plus certainement.

Sans la présence modératrice de QingMing à ses cotés, Boya aurait déjà relancé la course à la succession.

Toutes les danseuses s'étaient écartées pour voir les deux balourds de mâle danser à leur place.

"- Musique !"

L'Empereur tapa dans ses mains pour que les musiciennes jouent quelque chose. Elles choisirent une musique qui n'avait sa place que dans un bordel. Elles aussi prenaient plaisir à humilier les deux hommes, même si leur raison était différente. Elles ne le faisaient pas parce qu'ils étaient un danger mais parce qu'ils étaient des hommes. Juste des hommes. Se venger des mâles étaient un plaisir quand elles le pouvaient.

Boya échangea un coup d'œil avec un ami. Ils restèrent à écouter la musique quelques secondes jusqu'à ce que QingMing hocha la tête. Il la connaissait.

Boya l'imita immédiatement. Ils se connaissaient bien à présent. Et si Boya n'était pas un danseur, il était un chasseur. C'était, quelque part, assez proche.

Si QingMing n'était pas un chasseur, il avait apprit les arts aussi bien féminins que masculin à la demande de Zhong Xing quand il n'était encore qu'un petit et que le chef du Yin Yang n'avait pas encore décidé quoi faire de lui entre un disciple et un shishen, entre un prêtre et une concubine potentielle à offrir à un maitre quelconque.

Kuang HuaShi lui avait apprit à danser. Il avait toujours adoré ca. Ajoutez à ca son ascendance et il ne fallu pas longtemps pour que les rires se taisent et que les bouches s'assèchent.

A ses côtés, Boya aussi dansait avec un charme fou.

Les deux prêtres ne tardèrent pas à oublier pour qui ils dansaient pour danser en parfaite opposition et harmonie.

Ils étaient deux maitres qui s'appuyaient sur la musique pour étaler leur art et non deux hommes qu'on forçait à se ridiculiser pour le plaisir malsain de quelques uns.

Si Boya n'avait jamais manié l'éventail, il savait manier son épée. S'il n'avait jamais participé à un rituel, il connaissait assez son ami pour le laisser l'y guider. Et si QingMing ne saurait jamais jouer d'un instrument sans lui faire emmètre le même bruit qu'un chat à l'agonie, il avait plus d'une fois dansé pour des esprits chagrins à apaiser.

Ou à séduire.

Les gestes amples, le léger temps de décalage finit rapidement par se réduire puis disparaitre lorsque Boya eut comprit ce que dansait QingMing.

Un sort. Ils dansaient un sort.

Petit à petit, sous leurs pieds, leur qi fit apparaitre un sceau brillant. La luminosité augmenta lentement jusqu'à son maximum. Le sort se déclencha à la satisfaction des deux hommes.

Dans un silence de mort, ils échangèrent un sourire et un geste de la tête.

Depuis le temps qu'ils voulaient lancer ce sort de bouclier sur la Capitale...

L'Empereur avait avalé sa salive.

Le mélange de sensualité débridée des deux hommes, la puissance qu'ils venaient de montrer, leur calme aussi... Non, l'Empereur n'avait plus envie de rire.

Il se sentait clairement menacé.



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