WriYe

13/366

13 Janvier : Hiver

La neige était haute lorsque la glace autour du jeune homme s'était brisée d'un coup. Depuis le temps qu'il se protégeait des membres de son temple, il avait oublié que son maitre était le seul humain pour lequel il ressentait quelque chose.

Il l'avait protégé.
Et il était mort.

Zhong Xing était mort pour lui. Pour protéger sa vie qui n'avait ni valeur ni importance.

Dans le froid arctique des plaines de glaces, il ne pouvait même plus hurler sa peine.

Le bouclier de glace qu'il avait créé autour de lui avait volé en éclat et laissait son cœur et sa gorge à vif.

Avec le temps, il en avait presque oublié que lui aussi avait des émotions. Bien à l'abri derrière son masque, il n'avait pas anticipé que son univers serait une fois de plus bouleversé.

Son maitre ne le verrait jamais parvenir un jour à former enfin son bouclier.

Son maitre qui avait à la fois abandonné de le voir réussir mais qui n'arrivait pas à cesser de vouloir lui enseigner quand même. QingMing avait été à la fois sa punition et sa rédemption.

Mais Zhong Xing était mort. Rien ne le ferait revenir.

Le regard vide, incapable de pleurer davantage, il restait immobile dans le froid de l'hiver dans l'espoir d'anesthésier à nouveau son cœur en vrac.
Personne au temple n'accepterait de croire qu'il pleurait pour de vrai son maitre. Personne ne ferait rien pour lui, pour eux. Les shishen de son maitre le pleuraient également.

Lorsqu'on vint enfin le chercher, il n'entendit même pas les reniflements méprisant. Il voulait expier ? Allaient-ils vraiment croire que le renard regrettait son meurtre ? Non, il en était incapable.

Alors puisqu'il avait volé la vie de leur meilleur maitre, il allait devoir prendre sa place au Palais et tuer le Serpent comme son maitre aurait du le faire. Et qu'il ne pense pas revenir s'il échouait.

S'il réussissait non plus d'ailleurs. Pas s'il n'était pas un vrai Maitre du Yin Yang en tout cas. Ils avaient bien trop longtemps supporté sa présence.

Le jeune homme ne songea pas un instant à protester. Incapable de parler depuis des jours, il se laissa mettre dehors dans la tempête de neige du milieu d'hiver. A sa charge de rejoindre le Palais Impérial et de faire son devoir. Et s'il ne le pouvait pas, il n'avait qu'à se rouler en boule dans la neige et se laisser mourir.

QingMing aurait pu le faire.

Trop anesthésié par la douleur, il aurait pu se laisser à mourir si sa mort n'avait pas signifié celle de ses shishen et ceux de son maitre. Qu'avait-il à attendre de plus de la vie ? Tout ceux qui étaient proche de lui finissaient par mourir après tout.

Sans réaliser que le reste de la scène l'observait partir, il finit par trouver la force de se relever pour s'éloigner dans la neige et la tempête. Il ne sentait ni le froid ni le vent s'engouffrer sous les vêtements. Il ne s'enfoncait pas davantage dans la poudreuse.

Si les premiers li lui furent un peu pénible, il trouva rapidement un rythme efficace de petit trot, du genre qui avale les kilomètres sans fatigue.

Quand il devait se reposer quand meme, il se roulait en boule dans un trou creusé sous la neige, y dormait quelques heures et reprenait sa course. Quand il avait soif, il faisait fondre de la neige dans la petite poche en vessie de porc dans ses vêtements qu'il posait à meme sa peau. Quand il avait faim, il tuait un lapin et le mangeait sans meme le faire cuire ou le vider. Il n'en ressentait aucun dégout.

Sans meme le réaliser, l'épreuve renforcait sa cultivation et apaisait ses instincts de renard pour laisser le temps à l'humain de guérir et de revenir.

Lorsqu'il atteint enfin la Capitale, l'hiver était derrière lui.

Il lui restait quelques pièces. Assez pour prendre un bateau pour profiter de la vue.

Son cœur souffrait encore, mais il avait moins froid à l'intérieur.