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12 Janvier : Automne

Le jeune homme serrait les poings sous ses manches, le visage aussi imperturbable qu'il était capable de rester. A l'extérieur les feuilles des arbres rougissaient leur début d'automne, comme l'envie de hurler qui lui remontait dans la gorge faisait rougir son cou. Il ravala son désir de crier sa colère comme il ravalait son envie de se défendre depuis qu'il était arrivé au Yin Yang. Il y avait bien longtemps qu'il avait comprit que quoi qu'il fasse, ce ne serait jamais assez bien, jamais assez "humain" pour les anciens de la secte.

Il maitrisait toutes les techniques de la secte à part le Bouclier.

Il fallait être humain pour ca d'après les anciens. Il fallait de l'amour dans le cœur pour vouloir protéger les autres. Un bâtard de démon comme lui ne pouvait réussir. Lui qui n'avait plus personne à part son maitre et leurs shishen à tous les deux devait montrer son amour pour une humanité qui le rejetait pour espérer déployer un Bouclier et être enfin considéré comme un vrai membre de la secte.

Comment avait-il même une chance ? Ils avaient tout fait pour qu'il haïsse l'humanité. Sans succès d'ailleurs mais son indifférence pour eux ne pouvait suffire pour un Bouclier.

Son maitre continuait à l'entrainer chaque jour mais QingMing voyait la vérité dans ses yeux. Même lui avait abandonné. Il continuait par habitude, parce que lui enseigneur l'occupait au lieu de passer son temps à végéter et remâcher ses échecs et ses regrets.

Ça avait été le rôle de QingMing depuis que son Shifu l'avait trouvé : permettre au vieux maitre dépressif de s'étourdir et d'oublier ses erreurs.

La seule raison à sa présence.

Si son Shifu avait été en pleine forme, jamais les anciens n'auraient toléré sa présence en tant que disciple. En tant que shishen par contre... Son sang de renard faisait de lui une poulinière potentielle de qualité pour quiconque aurait réussit à faire de lui son servant.

Il y avait des jours où le demi-démon avait vraiment envie de tout laisser tomber. Avec l'automne qui arrivait, il se disait qu'il ne vivrait pas plus mal seul dans la nature que dans un temple qui le méprisait un peu plus chaque jour. Rien ne l'empêchait vraiment de prendre ses petites affaires et de partir. Ho, le monde des humains lui serait fermé, ou au moins le nord, mais le monde des démons ne lui semblait parfois pas si moche. Moins encore après avoir passé l'après-midi à se faire insulter de tous les noms, avoir écouté les persiflages envers sa mère défunte et les moqueries envers son géniteur. QingMing ne se souvenait pas de son père mais il savait que sa mère l'avait aimé follement. Il était certain qu'elle ne l'avait pas séduite juste pour s'amuser. Il savait qu'il n'était pas juste un accident dont sa mère n'avait pas su comment se débarrasser. Il avait été désiré. Il était né parce que ses parents s'aimaient.

C'était cette certitude qui l'empêchait de succomber à la rage et aux violences qui lui montaient aux poignets quand les anciens ou ses frères de secte se moquaient se lui, l'insultaient et le méprisait.

Il était ce qu'il était. Tout ce qu'il parvenait à faire était sa propre réussite. Il n'était pas fils, frère ou cousin de.

Sa place était la sienne.
Alors même si elle lui faisait mal, même si elle lui crevait le cœur, il continuait à s'y accrocher de toutes ses forces.

Il inspira lentement l'air qui refroidissait de jour en jour.

Personne ne parviendrait à lui voler ce qui lui revenait de droits. Il ne se laisserait pas chasser par des humains qui professaient le respect et l'amour de son prochain pour juste prendre plaisir chaque jour à détruire son estime de soi et lui reprocher d'exister.

QingMing n'était peut-être qu'un demi-renard, mais ilporterait toujours cette différence comme un étendard.
Il ne lui restait que ça après tout.


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