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12 Février : Abîme (YYMDoE)

Le chasseur avait depuis longtemps l'impression de se balancer au bord d'un abîme noir et attirant tout à la fois.
C'était peut-être pourquoi il aimait autant se percher en haut des murs ou sur la plus haute cime d'un toit.
C'était une sensation proche même si différente, une méthode aisée de soulager ce besoin sans fin de plonger tête la première vers le néant qui lui murmurait aux oreilles.

Boya n'avait jamais osé parlé à qui que ce soit de ce besoin dévorant de s'abandonner à l'abîme qui l'attirait.

Le Chasseur n'était pas stupide. Il savait parfaitement ce qu'était cette faim dévorante pour l'oblitération la plus totale. C'était la même que celle qui vous remonte dans le ventre au bord d'un précipice et donne pendant une seconde cette envie étrange de sauter, même pour l'individu le plus stable. Certain y voyaient une envie de suicide mais Boya savait que c'était exactement l'inverse. C'était un besoin irrépressible de vivre au contraire, le cerveau qui jouait une seconde à se faire peur, à regarder en face sa propre destruction pour émerger de ce trou sans fond avec une envie plus forte encore de vivre et de hurler à la face du monde son existence.

Boya oscillait sur cette ambivalence croissante.

D'un côté ce hurlement de vie coincé dans sa poitrine qui n'arrivait plus à s'exprimer de manière saine depuis des années et de l'autre son besoin permanent de se battre contre les ennemis les plus forts possibles jusqu'à titiller la mort un peu plus à chaque fois.

C'était aussi pour ça qu'il n'était plus envoyé en mission avec des collègues. Il était bien assez fort pour se battre seul bien sur. Mais il pouvait justement accompagner des chasseurs plus faibles pour qu'ils puissent prendre de l'expérience en sécurité relative.
Même ca lui était refusé maintenant. Les ainés de JingYun avaient conscience du danger croissant qu'il représentait pour lui-même et les autres.

Boya aussi en avait conscience.

Il s'en fichait de plus en plus.

Le plaisir de la chasse, le danger de la survie, le risque croissant... Il était vivant. VIVANT !!! et c'était la mort qu'il donnait avec son arme qui le lui rappelait douloureusement chaque jour.

Boya allait s'effondrer dans les abysses de sa propre noirceur d'ici peu. Il le savait. Ses maitres le savaient.
Mais Boya était incapable de se sevrer de ce mélange de danger, de rage et de désir de tuer.

Il rangea soudain sa flute lorsqu'il senti la présence d'un démon. Sa proie.

Il était content de cette chasse.

Il l'avait laissé fuir plusieurs fois parce que ca l'amusait. La soif de sang était ce qui lui rappelait qu'il était encore humain. Pour combien de temps ?

Le démon était épuisé, blessé, au bout du rouleau mais Boya refusait de l'achever encore. Il aimait sa peur et son désespoir croissant.

Le Chasseur devrait avoir honte sans doute. Mais la honte ne le retenait plus de sombrer depuis bien longtemps.

A pas lent, il s'approcha du démon et... qui était cet homme en blanc ? un Maître ? Ces robes blanches... Qu'est ce qu'il fichait là ? Qui était cet imbécile qui se mettait en danger et surtout l'empêchait de chasser comme il le voulait ?

Boya encocha sa flèche. Malgré tout, il devait protéger les humains. Sa chasse devait donc finir et maintenant. Il n'avait plus le choix.

Il oscillait encore, il dansait sur le fil de l'abîme mais savait encore où était ses priorités. Pour l'instant.

Sa flèche fusa vers sa proie.

Un aura dorée, un homme qui se retourne avec une grâce que Boya n'avait jamais vu.

Il se sentit sombrer.

Il le voulait.



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