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5 Janvier : Plume

Il y avait des choses qui avaient toujours réussit à rendre fou le digne tengu.

La première d'entre elles était le handicapé émotionnel total qu'était son précédent maitre.

Par voie de conséquence, les hurlements de son nouveau maitre quand il était petit et avait besoin qu'on s'occupe de lui alors que Zhong Xing ne pensait pas une seule seconde à s'occuper d'autre chose que de lui mettre des vêtements sur le dos et de la nourriture dans le ventre en était une seconde.

QingMing avait un besoin fort d'être aimé, cajolé, soutenu et adoré. Il n'avait jamais eu son content d'affection quand il était enfant ce qui lui avait laissé d'énormes cicatrices émotionnelles qui n'avaient toujours pas finit de guérir.

Mais ce n'était pas ce qui occupait le tengu ce soir.
Non.
Ce soir, ce qui occupait le digne et vieux tengu était de voir l'une de ses plumes blanches entre les doigts noirs d'encre de son ami de toujours. Kuang HuaShi et lui se connaissaient depuis longtemps. TRES longtemps. C'était lui qui avait laissé entendre à Zhong Xing qu'un tengu attendait peut-être que quelqu'un ait besoin de lui, loin sur sa montagne. Kuang HuaShi avait fait partit de sa cour, de ses confidents quand il était encore roi. Ils étaient morts en même temps, pendant la même guerre stupide comme les petits royaumes qui constellaient la Chine plus de mille ans auparavant se livraient sans but et sans fin, à part dans l'espoir un peu vain d'augmenter la taille de leurs frontières pour se protéger d'autres voisins un peu plus gros. C'était ce travail permanent de prédateurs qui avait fini par donner l'Empire tel qu'il était maintenant. Mais à l'époque, Xue TianGou n'était qu'un petit roi de la montagne parmi bien d'autres rois d'autres montagnes. Et il était mort, vaincu par des voisins qui seraient tués quelques mois plus tard à peine par un autre.

Kuang HuaShi et lui étaient mort le même jour. Ils avaient émergés en tant qu'esprit à quelques jours d'intervalle. L'esprit artiste avait pris la route, lui était resté sur sa montagne, incapable de se détacher des regrets d'avoir laissé mourir les siens et sa famille.

Un soupir lui échappa. Son esprit battait la campagne aujourd'hui. Mais c'était souvent le cas quand son vieil ami fabriquait quelque chose avec ses plumes après sa mue. La dernière fois, c'était la doublure d'un manteau pour leur maitre, pour qu'il puisse rester au frais même sous le cagnard de l'été de Tiandu quand il allait voir Boya Daren. La fois d'avant, c'était un attrape-rêve pour soulager les cauchemars de Sha ShengShi. Cette fois, il faisait une plume avec ses plumes. Une plume à écrire. Comment expliquer que les esprits, comme les démons, pouvaient interagir avec d'autres créatures similaires mais bien plus lointaines qu'il n'était possible pour les humains de se déplacer en quelques jours ? Il n'était pas rare que des connaissances s'échangent. C'était le cas de l'attrape-rêve qui avait été échangé contre un pinceau à une créature étrange dont le tengu ne se souvenait meme plus vraiment du nom. Un Wolpertinger ? Non, c'était autre chose mais un truc comme ça quand même. Ça ressemblait à un humain à la maigreur affreuse quand il n'était pas en chasse et a un espèce de cadavre de cerf humanoïde bipède quand il voulait faire peur (et manger) les humains.

Bref.

Tout était bon pour que le tengu arrive à détourner son attention des doigts fins de son ami qui triturait une de ses plumes comme s'il voulait la transmuter dans ses paumes. Lorsque Kuang HuaShi porta la plume à ses lèvres pour en effleurer les barbilles du bout de la langue pour les remettre dans le bon sens, TianGou retint un juron. C'était de la torture.
Si Kuang HuaShi voulait lécher des trucs, il avait bien mieux à lui proposer !!!

"- Tu as bientôt finit ?"

Le fil d'or enroulé autour du tuyau de la plume transformait un objet sans valeur en pièce d'art, comme tout ce qui tombait entre les doigts de l'esprit.

"- Juste à la tailler"

Le petit couteau était aiguisé comme un rasoir. Suffisamment pour que la plume puisse vitement être trempée dans l'encre fraiche puis glisse sur le papier de mauvaise qualité (pour Kuang HuaShi) pour tester sa tentative.

"- Alors ?"

"- Alors pour une première tentative, ce n'est pas si mal. Il m'en faudrait une autre."

Docile, le tengu lui offrit une aile pour qu'il puisse y prendre une plume, puis une autre. Il offrirait toutes ses plumes à son ami s'il le fallait.



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