Chapitre 1

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Joy

Seule dans la nuit, je songe à mon infini malchance. Que pourrait-il m'arriver de pire ? Perdre un bras, en effet. Être gravement malade, aussi. Perdre mes parents, bien entendu. Ou encore avoir ni bras ni jambes, je vous l'accorde. Mais j'aurai vraiment préféré éviter de me retrouver au beau milieu de la route, seule, sous la noirceur de la nuit, avec un pneu crevé, après cette journée épuisante.

Et sans batterie sur mon téléphone, qui plus est.

Je n'ai plus qu'à attendre que quelqu'un passe.

Alors que j'inspecte mon pneu à plat, visiblement victime d'un clou, tout en jurant, je n'entends même pas la voiture qui se gare sur le bas-côté.

— Un problème ? me surprend une voix d'homme.

Je sursaute puis me redresse :

— Matéo ?

— Joy ? constate-il, surpris. Bah ça alors, je ne m'attendais pas à te voir ici, se moque-t-il gentiment.

— Franchement, je t'apprécie beaucoup, mais j'aurais préféré te voir dans d'autres circonstances, plaisanté-je.

Il rigole tout en s'approchant :

— Je vais prendre ça pour un compliment, rétorque-t-il, amusé.

Je souris à sa réponse tout en le regardant se pencher sur mon pneu.

— Sacha n'a pas pu venir à ta rescousse ? me demande-t-il.

— Je n'ai plus de batterie.

— Ce n'est pas de chance. Tu as roulé sur un clou, tu as une roue de secours dans ton coffre ? me demande-t-il tout en se redressant.

Son buste imposant et sa grande taille comparée à la mienne me font légèrement déglutir.

— Oui.

— Je vais te changer ça.

— Merci beaucoup, j'ai bien cru devoir passer la nuit ici.

Il rigole avant d'ajouter :

— Ne t'inquiète pas, si tu n'avais pas eu de roue de secours je t'aurais ramené chez toi.

— Comme c'est aimable de ta part ! raillé-je.

— N'est-ce pas ? sourit-il de toutes ses dents en sortant ma roue de secours du coffre.

Incapable de résister, je détaille son bras musclé porter la roue :

— Tu as besoin d'aide ? lui demandé-je.

— Amène moi le cric, s'il te plait, me répond-il en s'agenouillant devant ma roue mal en point.

Je me dirige vers mon coffre ouvert et en sort le cric avant de le lui tendre.

— Merci.

Je l'observe discrètement s'exécuter. Ses bras musclés qui œuvrent pour soulever ma voiture à l'aide du cric sont...intéressants. Sa manière de retrousser ses lèvres et de froncer ses sourcils lorsqu'il est concentré est irrésistible. Et je ne parle même pas de ses petites bouclettes qui retombent sur son front. S'il n'était pas le fils des meilleurs amis de mes beaux-parents, qu'il n'était pas en couple, et que moi non plus, il est certain que j'aurais tout fait pour qu'il soit à moi.

Oui, je sais, ça fait beaucoup de contraintes.

Ma foi, il faut croire que rien n'est fait pour que lui et moi soyons ensemble. Puis de toute façon, nous nous connaissons à peine. Matéo Laurens et moi nous sommes rencontrés uniquement grâce à mes beaux-parents et mon petit-ami, Sacha. Il est également un très bon ami à ma meilleure amie, Mégane. J'ai donc eu l'occasion de le voir quelquefois lors de soirées. Je suis tout de suite tombé sous son charme naturel.

Alors que je ne le devrais pas.

Ce charme naturel, cette gentillesse débordante et ce regard qui me rend folle, je ne m'en passe pas. Il m'arrive parfois d'imaginer que je ne suis plus avec Sacha mais avec Matéo.

Oui, je sais, c'est horrible.

— Et voilà ! s'exclame-t-il. Tout est réglé, m'assure-t-il.

— Merci Matéo, je t'en dois une !

— Mais non, t'inquiète ! Je n'allais pas te laisser galérer toute seule quand même.

— On en reparlera à la prochaine soirée ! Je te paierais un verre, promis, le taquiné-je.

— Ok, ok, vas pour un verre, capitule-t-il en rigolant.

— Encore merci, rentres bien.

— Pas de quoi, me dit-il en marchant à reculons en direction de sa voiture. Ne roule pas trop vite, ta roue de secours est un peu dégonflée.

— Tu es si prévoyant ! souris-je en ouvrant la porte de ma voiture.

— Je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose, rétorque-t-il en faisant de-même.

Je lui sourit franchement, complètement sous le charme, je l'avoue. Mais je dissimule ce sentiment interdit.

— À plus, Laurens !

Il me fait un signe de main, disparaît dans sa voiture et je démarre pour rentrer chez moi, d'une humeur considérablement meilleure. 

Un amour dans l'ombre, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant