Le premier coup est si... mou, lent, que je pourrais croire que Coldwell est épuisé et ne peut plus fournir le moindre effort. Mais j'ai tort. Les murmures des gardes spectateurs arrivent jusqu'à mes oreilles et j'aurais aimé ne jamais les entendre.
— Il ne cache pas son mépris pour l'autre.
L'autre, c'est moi.
— Vous pensez qu'il va être sanctionné pour ça ?
— Il n'a qu'à faire semblant d'être au bord de l'évanouissement et personne ne dira rien, ils ne peuvent pas punir un homme pour être épuisé, surtout le numéro deux.
Ça je veux bien l'admettre, pour autant il a été victorieux depuis le début alors sa soudaine fatigue paraît étrange. Peu naturelle.
— Oui mais s'il se laisse battre sans résister un peu, son honneur va en prendre un coup.
Quand je repose mon attention sur lui, il lance des attaques moins vives qu'avant, elles n'ont pas l'air d'avoir un grand impact sur Merikh. Quant à lui, ils se contentent de parer sans attaquer, il reste sur la défensive. Je tente de ne regarder que lui, j'ai beau connaître l'issue de cette mascarade, je ne veux plus les entendre parler.
— Je le comprends, qui voudrait être collé chaque minute de la journée à ce monstre.
Le rouge s'empare de mon visage et me brûle, je reste parfaitement immobile sur ma chaise, ils ne doivent pas savoir que j'ai entendu. Je ne veux pas me montrer plus faible que je ne le suis déjà à leurs yeux. En fait, Coldwell ne se bat pas parce qu'il ne veut pas me protéger, encore moins rester près de moi. Se battre sérieusement reviendrait à infirmer ces propos. Il montre à tout le monde, moi en particulier, qu'il n'a aucune envie, ni motivation. Je me mords l'intérieur de la joue en essayant de passer outre l'irrespect que je reçois depuis les dix dernières minutes. Les douze dernières années aussi.
Le bruit sourd qui s'ensuit me sort ma honte, Coldwell est au sol, le visage crispé. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, j'étais trop occupée à serrer mes poings en fixant mes chaussures. Quand il se relève, il a du mal à encaisser le coup que l'épée de Merikh lui assène.
À partir de ce moment, l'aspect du combat change du tout au tout.
Coldwell ne sait plus où donner de la tête, il a de plus en plus de mal à éviter l'épée qui lui donne du fil à retordre. Le combat était si mou qu'il ne s'attendait certainement pas à cet élan de violence. Merikh ne le lâche plus, il le pousse dans ses retranchements en l'attaquant si vite que Coldwell n'arrive plus qu'à se protéger pour ne pas recevoir de blessures fatales. Car ses coups sont d'une telle violence que j'en frissonne de là où je me tiens.
Je ne vois pas arriver la fin de l'affrontement, elle est expéditive et je comprends que c'est fini quand Coldwell ne bouge plus, allongé au sol, l'arme de Merikh posée sur sa gorge. Après quelques secondes il s'écarte, Coldwell ne se remue toujours pas et la fin du combat est annoncée.
Je me lève quand Merikh se tourne vers la tribune dans laquelle je me tiens avec les chefs. Son regard rencontre le mien, malgré la distance, je sais qu'il vient de capturer mes yeux. Je parcours son visage mais il n'y a pas une seule égratignure sur sa peau. Il n'a même pas l'air essoufflé. Il pourrait faire semblant parce qu'à mes yeux, il n'a pas l'air commun. Quelque chose diffère chez lui. Et les autres vont commencer à le remarquer aussi.
— J'espère que tu es rassuré d'avoir un homme de sa carrure à tes côtés maintenant.
Godric pose une main sur mon épaule pendant que le chef Dixon épilogue sur le nouveau poste de Merikh qui a éclipsé son adversaire en une dizaine de secondes quand l'envie le lui a enfin pris.
— Il te servira très bien les jours où je ne serais pas avec toi. Tu es encore plus en sécurité qu'avant.
Je n'ose pas lui dire que ces mots sont malvenus, que je suis déjà protégée vu que je suis enfermée. Il le prendrait mal. C'est à ce moment que je me rends compte que tous les murmures ont cessés. Je n'entends plus une voix, plus un chuchotement déplacé. Je voudrais le remercier, même s'il ne l'a certainement pas fait pour moi et mon égo, parce qu'il a fait taire ces bouches malveillantes. Que la violence de ses coups leur ont montré qu'un garde, un homme s'est battu pour moi.
Il n'a pas attendu que Coldwell ou un autre déclare forfait, il a provoqué son succès. Et le fait qu'il se soit battu avec la finalité de me protéger me fait presque oublier les remarques incessantes depuis trois jours sur ma condition auprès des gardes. Celle du jouet favori de la reine qui se fait dénigrer par tout le monde. Étrangement, le voir marcher vers la tribune me rassure, je crois que si ce n'était pas lui, je n'aurais pas été si confiante sur les intentions de Merikh. Je ne vois aucune aversion dans ses yeux remplis de noirs quand il s'arrête en face de moi, à un mètre d'écart.
— Quel est ton nom ? Lui demande le chef Dixon.
— Merikh.
Je le savais, pourtant l'entendre de sa propre bouche fait pétiller quelque chose dans mon esprit.
— En tant que chef de la division Exon, protectrice de la famille royale, je t'accorde officiellement le poste de garde attitré de dame Arweny. Merikh, tes fonctions prennent effet immédiatement.
C'est bon, c'est dit. Merikh est mon garde personnel. La foule se dissipe, je m'attends à devoir retourner dans mes appartements, accompagné, mais mes yeux s'élargissent quand il pose un genou au sol, la tête vers le bas. Je ne sais pas comment réagir alors que sa voix m'atteint.
— Dame Arweny, je jure de vous protéger qu'importe le lieu et la situation, qu'importe le danger.
Ma bouche s'ouvre et se referme, prise de court je murmure des mots qui ne doivent pas avoir beaucoup de sens mais il finit par se relever et il me suit pour que j'aille me cacher là où personne mise à part lui va me suivre.
Mon Dieu, on ne pose le genou que pour la famille royale.
Un des chefs de division parle du même sujet qui m'alarme, que poser le genou, surtout pour moi, était une action inutile en plus d'être provocante. Je vais avoir des problèmes à cause de son geste. Mettre un genou au sol, si ce n'est pas le dernier mouvement avant de s'écrouler de fatigue, c'est un signe d'allégeance.
La fidélité et le soutien.
Sauf qu'à preuve du contraire, ces obligations sont offertes au roi Dareen et à la reine Lyssa. Pas à une originaire d'en dehors des murs qui a été vendue pour faire plaisir à la reine. Je suis son jouet, pas sa fille.
J'arrive au niveau du couloir qui mène à ma chambre et je m'arrête pour le prévenir, qu'il sache où je dois être, où il doit me chercher.
— Cette porte-là mène directement à ma chambre. Il faut descendre deux étages.
— Il n'y a rien d'autre ?
— Rien d'autre.
Je commence à descendre les escaliers en prenant les marches deux par deux. Le bruit de mes pas résonne, pas autant de ceux de Merikh qui efface ma présence sonore. Il a décidé de me suivre en bas, il n'y a rien à faire. Il aurait dû rester là-haut, il aurait eu un peu d'animation. En plus, c'est la seule issue que je puisse utiliser pour rentrer et partir, il ne me perdra pas si bêtement.
Arriver tout en bas, je ne m'attarde pas sur les formalités et rentre directement dans ma chambre sans lui adresser un mot de plus. Je reste accroché à la porte quand je la ferme, je peux enfin soupirer. Plus de bruit, plus de messes basses et d'insultes. Juste le silence. Je retire mon voile fait avec un filet qui ne m'a qu'à peine protéger du soleil, le secoue au-dessus d'une boite pour enlever le sable et rejoint enfin mon lit. Je ferme mes yeux, épuisée. Mon visage se tourne automatiquement vers la porte et je soupire, encore. Il va frapper à la porte. Deux secondes après, il le fait et je vais lui ouvrir.
— La reine vous demande.
Ces quatre petits mots tendent les muscles de tout mon corps mais je n'ai pas le choix. Les nouvelles vont vite et j'appréhende ce qu'elle va dire, suivie de Merikh.
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D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]
FantasyArweny est une jeune femme dotée d'un don de clairvoyance depuis l'enfance. Ses parents étant pris entre deux feux la vende à la reine du royaume qui est obsédée par l'immortalité et la richesse, elle est donc parfaite pour les épargner en tant que...