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Le reste de la journée, Merikh a été moins présent à mes côtés, il m'a laissé plus de distance, sûrement parce que je suis entouré de gardes à chaque mètre carré, je ne vois plus que ça à chaque coin de rue que forme ce grand campement. J'ai hésité à marcher entre les tentes dressées, les feux et les groupes d'hommes, il m'a incité du regard en s'assurant d'avoir un œil sur moi alors je l'ai accompagné là où il se rendait pour s'entretenir avec ses hommes. De cette façon je pouvais découvrir moi-même tout ce que je voulais sans être empêché de quoi que ça. On s'habitue vite, très vite, à la liberté. C'est ce que j'ai pensé quand j'observais un stand d'épée et qu'un homme est passé à côté de moi sans émettre le moindre commentaire sur le fait que je n'ai rien à faire ici ou que je ne suis tout simplement pas autorisé. J'ai pris un peu plus confiance et j'ai fini par gambader toute l'après-midi entre eux. J'ai constaté que tous les gardes sont musculairement très similaires à Merikh, si entre les gardes d'Azearia il semblait trop grand pour son uniforme, ici il est parfaitement normal, tout le monde à la même corpulence. Ça doit être comme ça, la génétique ou leur entraînement. Mais même s'il s'incorpore et se confond dans la masse, il reste celui qui m'attire le plus, celui que je cherche en premier. Il est différent tout en étant ne l'étant pas. Il a plus de prestance, ce petit détail chez lui qui m'aurait fait dire sans le connaître que c'est lui, le plus respecté. La nuit commence à tomber, nous nous dirigeons vers sa tente, sur le chemin je vois des groupes de quelques personnes en train de manger sur des petits pics en bois ou à la main, au pied de leur habitation éphémère.

— Vous ne mangez pas ensemble ?

— Non, ils mangent quand ils le veulent avec qui ils veulent. Tant qu'ils respectent les rations imposées, il n'y a pas de problème.

C'est plus pratique avec ce point de vue, ils sont libres de choisir les personnes avec qui ils s'entendent bien. Je ne compte plus le nombre de fois où de la nourriture a volé dans le réfectoire du château parce qu'un chevalier était obligé de s'asseoir avec celui qui lui avait piqué une promotion sous le nez ou un peu provoqué sur sa division. Ils ont l'air d'être tous au même niveau dans ce campement, j'en vois énormément avec le sourire aux lèvres tout en parlant gaiement. Ils ne me parlent pas, pourtant ça me réchauffe de l'intérieur. Tout comme cette nourriture brillante qui me fait de l'œil, mon ventre gargouille et je ne cesse d'avaler ma salive en essayant de deviner le goût de ce met.

Arrivé devant un petit feu entouré de pierre, il me dit de m'asseoir sur la bûche pour me réchauffer pendant qu'il va chercher à manger, les quatre gardes que j'ai rencontrés le soir de mon évasion sont assis autour, en face de moi.

— Dites, dame Arweny.

Je ne m'attendais tellement pas à ce qu'il me parle que mes mains en deviennent moites, je tords mes doigts entre eux.

— Juste Arweny. Pas besoin de plus.

Le plus jeune me sourit timidement en hochant la tête.

— Comment était le chef là-bas ?

— Au château ?

Il hoche vivement la tête, les trois autres me portent des regards très curieux, tous s'axent vers moi, l'un d'eux loupe même sa bouche avec sa nourriture. La vie de leur chef les intéresse beaucoup à ce que je vois.

— Eh bien, il n'était pas... obéissant.

— Vraiment ? Il tenait tête à ses supérieurs alors.

Le souvenir de la première altercation avec Godric se joue dans mon esprit. Je me mets à glousser, ils sourient davantage.

— Oui, il ronchonnait et grognait parfois en pensant être discret mais je l'entendais à chaque fois. Une fois, je l'ai même vu imiter un garde en grimaçant avant de reprendre cette fameuse tête.

— Cette tête-là ?

Il fait une imitation exagérée de Merikh quand il est concentré, même si je veux me retenir de rigoler, je finis par tout relâcher en rigolant avec eux.

— Je ne l'ai jamais vu respecter un ordre, il devait me... me garder enfermé dans ma chambre mais toutes les nuits il m'emmenait faire une balade dans le château, dans le jardin, même sur les remparts une fois.

Ils échangent des regards et leurs expressions, leur sourire amusé deviennent plus mesquins.

— Toutes les nuits, vous avez dit, Arweny ?

— Sans exception, pourquoi ?

Avant même qu'il ne puisse dire un autre mot, une miche de pain atterrit en plein dans son visage.

— C'est dame Arweny pour toi, et vous aussi.

— Oui, chef !

Ils font un signe militaire avant de se détendre en rigolant doucement, prenant le fil d'une discussion différente maintenant qu'il est ici. Mes joues me brûlent, je pensais qu'il était plus loin que ça. Qu'est-ce qu'il a entendu ? Je comprends maintenant leur question. C'est vrai que toutes les nuits, sans exception, il aurait pu se passer quelque chose. Après tout Merikh est un homme, donc il a dû... quelques fois ou plus ?

— Brochette de poulet au légume, ça te convient ?

— C'est parfait, merci, je n'ose pas révéler que c'est la première fois que j'en goûte.

En mangeant, je n'arrive pas à réfréner mon imagination. Mon esprit dessine lui-même des scénarios où il se rapproche davantage de moi, qu'il caresse mon visage ou qu'il tienne ma taille plus longtemps qu'une seconde pour m'aider à monter à la trappe. Des scénarios où il embrasse mon front ou qu'il vienne dans ma chambre au lieu de dormir devant ma porte... Sans m'en rendre compte, nous sommes à l'entrée de sa tente. Je m'arrête net devant, l'esprit barbouillé.

— Je dors ici ?

— Ou tu voudrais dormir sinon ? Allez, viens.

— Mais je-

— Je ne vais pas te manger, tu sais.

J'ai encore moins envie de rentrer seule avec lui quand je pense à l'idée que j'aimerais, qu'il mette à exécution cette idée que j'ai eue depuis quelques jours.

D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant