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 À chacun de mes pas, le sentiment que j'ai éprouvé en ayant eu cette vision s'intensifie. La peur. C'est la première fois que je ressens quelque chose dans une vision, que le sentiment s'en dégage. Mais ce sentiment n'est pas le plus alarmant pour moi, par contre, ce qu'il est, c'est ce que j'y ai vu. J'étais en fuite. Encore une fois. Je sais que ce n'est pas un souvenir du passé me montrant le jour de mon évasion, puisque ce jour ci une tempête de neige battait son plein et que j'étais habillé en conséquence. Cette fois mes pieds ne couraient pas sur la neige brûlante, mais sur de l'herbe. Verte. Tout comme celle que je suis en train de fouler. Je ne veux pas déranger Merikh avec ma vision, pas alors qu'il va enfin rentrer chez lui après tout ce temps loin de sa famille, loin du danger.

Le calme de la forêt s'est rapidement éteint contre le bruit que créaient les cris des chevaliers. J'étouffe entre eux alors qu'ils le secouent dans tous les sens et chacun à leur tour mon chevalier.

— Il est rentré, et pas tout seul !

— Pour notre chef le plus avisé, voici le cadeau le plus adapté.

Plusieurs d'entre eux se mettent à tendre du zektry en sa direction, la posant sur ses bras, son dos tout en souriant. Merikh ferme les yeux et a l'air tellement paisible. Si je comprends bien en voyant des filaments dorés sortir des pierres, ces chevaliers lui ont donné de la force, le lui ont transmis.

— Enfin à la maison.

Il leur fait une accolade, la joie se lit sur son visage alors que je sens qu'on dévisage le mien. Mais ça ne me dérange pas. Chaque homme qui s'adresse à Merikh me fait une révérence avant de lui parler. Les réniens sont si polis que ça ? Je ne connais vraiment rien au monde extérieur, c'est affligeant. Je leur rends la politesse en inclinant la tête, me contentant d'un sourire que je l'espère, n'est pas crispé.

L'air ici est plus que respirable, je n'ai pas du tout l'impression qu'une gifle peut arriver de nulle part pour s'écraser sur ma peau ou qu'une menace pourrait me mettre en danger parce que j'ai eu un regard de travers. Seule une boule dans mon ventre qui ne m'a pas quitté depuis ma vision gâche ses retrouvailles. Je mets ça sur le compte du stress, le mal du pays peut être bien.

— Elianore est dans les parages ?

Qui est cette Elianore qu'il demande tout d'un coup ?

— Je crois bien qu'elle n'est pas de service, attend je vais voir.

— Merci, Gilt.

Merikh m'explique entre deux conversations que Gilt est son ami le plus vieux et le plus fidèle, comme son frère d'une autre mère. J'aurais aimé qu'il me parle davantage de lui mais il revient, accompagné d'une femme aux longs cheveux noirs. Quand elle le voit, ses yeux s'illuminent et deviennent humides à la fois, elle commence à faire une grimace remplie d'émotions. Elle ne s'attendait vraiment pas à le voir, ça ne l'empêche pas de courir vers lui, Merikh la prend dans ses bras, prend son visage en coupe pour la forcer à le regarder alors que son visage est inondé de larmes.

Il lui parle mais je n'entends pas, je me retire sans un bruit et part en direction d'un arbre où je m'assoie. Je replie mes genoux contre moi en les regardant. Ils sont vraiment heureux de se retrouver, c'est aussi beau que déchirant pour moi. Je m'en veux de penser de cette manière mais... Je ne sais pas ce que j'en pense.

— Dame Arweny, tout va bien ?

Je ne l'ai pas vu venir.

— Gilt. Juste Arweny c'est très bien.

— Bien, juste Arweny. Je suis ravi que vous soyez rentrés tous les deux intacts.

— Moi aussi, Gilt, moi aussi.

D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant