— Il ne te sauvera pas, réponds à la reine.
Le coup qu'elle m'assène me fait tourner la tête vers elle, Calia ne se retient même plus devant sa mère de me frapper. Je suppose qu'elle doit bénir l'instabilité de la reine en cet instant alors qu'elle s'en cache habituellement et ne m'attrape que dans les couloirs peu fréquentés.
— C'est toi qui me l'as volé ! Avoue-le !
— Je n'ai rien volé.
Le sang qui coule dans ma bouche me fait refermer plus rapidement mes lèvres.
— Alors quoi, ma pierre est venue te rendre visite toute seule ?! Ne... elle pousse ma tête contre le mur.
— Me... et me gifle l'autre joue.
— Mens pas, puis frappe à nouveau ma peau.
— Sale petite ingrate, après tout ce que j'ai fait pour toi. Tu me fais ça, à moi ?
Je n'en ai rien à faire de son caillou, je n'ai rien demandé à personne.
— Regarde ce que tu as fait. Regarde !
Elle prend à nouveau une poignée de mes cheveux, tire vers le haut pour me forcer à me redresser et secoue son caillou devant mon nez avant de me lâcher. Calia me donne un nouveau coup dans le ventre et je me recroqueville au sol, les bras autour de mon ventre pour me protéger. Telle mère, telle fille, elles sont toutes les deux aussi cruelles l'une que l'autre. La première a beau s'en cacher, sa colère n'atteint que moi alors que la seconde me le fait subir à petite dose quotidiennement.
Des larmes commencent à perler autour des yeux pour atteindre leur ligne d'arrivée contre la pierre collée contre ma joue. Cette course, je l'ai abandonnée depuis longtemps, je n'arriverais jamais au bout. Mes larmes brûlent ma peau.
— Emmenez-la aux cachots. Je ne veux plus la voir.
Les gardes de la reine me soulèvent sans aucune délicatesse, me traînant le long du couloir avant les escaliers, mes pieds raclent le sol, je ne porte plus qu'une chaussure. Je n'ai pas eu le temps de revoir mon garde ni de savoir ce qu'il adviendra de lui.
Merikh, j'ai besoin de toi.
Merikh, vient me chercher, je t'en prie.
Quand je reprends mes esprits, un bon moment est déjà passé. Les premières lueurs du soleil apparaissent dans la cellule miteuse où l'on m'a jeté il y a quelques heures. Je ne sens presque plus les extrémités de mon corps, les genoux collés au menton, les bras autour des mollets je tente de me réchauffer par tous les moyens.
Je n'ai rien sur moi mis à part ma robe de nuit et la paille qui tapisse le sol. Je me fais violence pour emmagasiner assez d'énergie pour me décaler de quelques centimètres pour que les rayons de lumière touchent ma peau.
Un nuage de fumée sort de ma bouche et de mon nez quand une vision me parvient. Ah, c'est vrai, quand je ne mange pas de soupe je peux avoir des visions par moi-même. Bien que celle-ci soit brève, je n'ai vu que de la neige et mes pieds nus au-dessus de la poudre froide. Est-ce une vision de mon futur ? J'ai bien l'impression que c'étaient mes derniers pas. Je ris, faussement amusé, le bruit d'une porte qui s'ouvre et se referme me fait relever la tête.
Quelques secondes après, le roi apparaît en chair et en os devant moi. Du moins ce qu'il en reste, je ne sais pas comment il a la force de bouger à cet âge. Il est si ridé, si voûté que je me demande s'il ne se force pas à se déplacer dans le château pour garder bonne figure comparé à son épouse qui est si jeune. La différence d'âge est sévère entre eux, est-ce pour ça que je ne les vois pas côte à côte ? Une gifle de sa part et il pourrait s'effondrer d'un coup, comme une pile de cailloux. Qu'est-ce que je m'en fiche, je vais certainement finir mes jours dans peu de temps, leur éternelle querelle n'est plus de mon ressort. Plus rien ne l'est.
— Elle ne t'a pas raté, cette fois.
Il est vrai que la dernière fois elle m'avait aussi donné quelques coups. Mais moins que cette nuit. Elle était moins dérangée.
— Je sais que ce n'est pas toi qui as volé son stupide caillou.
Pourquoi il me dit tout ça, par pitié ? Compassion ?
— Tu n'aurais jamais pu arriver jusqu'à son coffre-fort, en plus de ça ton garde était posté toute la nuit devant ta porte, personne ne t'a vu dehors. Tu n'as juste pas eu de chance, cette fois.
— Vous non plus, vous n'avez pas de chance.
J'espérais l'agacer pourtant il se met à glousser.
— Ça, je le sais bien. Mais elle est la reine de ce royaume, si seulement elle était moins obsédée par ce stupide zektry, son esprit irait bien mieux...
Zektry ? Qu'est-ce donc un zektry ? Il parlait de ses cailloux il y a une seconde, c'est peut-être lié.
— Je venais juste te dire qu'elle ne te frappera plus, pour le moment. Elle s'est calmée mais elle ne t'autorisera à sortir que dans deux jours. Je pensais que tu étais son jouet le plus précieux, je me suis fourvoyé en beauté. Elle chérit bien plus son petit coffre.
Je lui adresse un faible hochement de tête, et il repart lentement de là où il vient. Est-ce qu'il est venu ici juste pour me dire que mon calvaire ici n'est pas fini et que je vais devoir endurer les comportements de sa femme encore de nombreuses années ? Tu portes ce fardeau pour moi, c'est ce que j'ai compris à travers ses propos.
Si c'était bien pour ça, je me demande ce qu'était cette vision floue de mes pieds bleutés. J'ai tout le loisir d'y réfléchir là où je tiens, si comme le roi me la dit, elle ne veut me voir que dans deux jours, je vais rester pour tenter de la comprendre pour cette même période.
Cette pierre que Merikh a fait tomber est donc du zektry, si ma déduction est correcte. Qu'est-ce que ce caillou a de si particulier pour que la reine en ait un coffre rempli ? Est-ce que c'est une pierre précieuse ? Le roi Dareen me l'a avoué bien facilement, ça ne doit pas être un secret alors, je suis probablement la seule à ne rien savoir, comme toujours. Mais la véritable question c'est pourquoi Merikh a voulu en voler. Comment a-t-il fait tout de cette manière, même moi je ne sais pas où se trouve la suite royale, alors comment un garde nouvellement gradé et anciennement membre de l'unité d'extérieur peut le savoir ?
Je n'ai jamais autant désiré obtenir des réponses depuis qu'il est arrivé. Le sang sur ma tempe se loge sous mes ongles quand je me gratte, c'est à ce moment que je me rends compte que le haut de ma robe est désormais rouge. Tout est sa faute, si seulement il ne m'avait pas captivé au premier regard, je n'en serais sûrement pas là. J'aurais dû le dire, que je l'avais vu tomber de sa poche mais...
Je me demande où il est, j'espère que ça va, au moins pour l'un de nous deux.
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D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]
FantasyArweny est une jeune femme dotée d'un don de clairvoyance depuis l'enfance. Ses parents étant pris entre deux feux la vende à la reine du royaume qui est obsédée par l'immortalité et la richesse, elle est donc parfaite pour les épargner en tant que...