Je me racle la gorge en posant mes genoux devant Merikh, déjà installé et prêt à s'endormir d'ici quelques secondes. Il est couché sur le flanc droit, sa tête est posée sur son bras intact de toute blessure pour lui servir d'oreiller, ses yeux sont clos. Il me paraît plus épuisé que précédemment. Sans trop savoir où me mettre sans le gêner, j'imite la même posture que lui, non loin de lui en remontant la cape sur mes épaules. Quand sa main se pose sur mon ventre et qu'il me tire contre lui, une multitude de picots traversent ma peau en bougeant dans tout mon ventre, là où sa main se trouve.
— Tu ne tiendras pas aussi longtemps sans chaleur. Tu es déjà gelée.
Est-ce que ces gardes dorment aussi proches les uns des autres aussi ? Je ne me dégage pas, sa main glisse de mon ventre pour s'échouer juste devant, son pouce ne me frôle que quand je prends une inspiration, faisant gonfler cette zone de mon corps. Son bras bandé est au-dessus de moi, comme s'il me servait de protection, je ne peux pas m'empêcher de fixer le tissu rougi par le sang.
— Tu souffres ?
— Non, ce n'est pas aussi profond.
Alors pourquoi le sang continue de s'échapper de lui ? Je remonte mes doigts le long de son bras, effleurant les parties sèche du bandage. Je le sens frémir derrière moi, l'interruption de son souffle me fait dire que si, c'est aussi profond que ce que je pense. Je forme un rond avec mon pouce et mon index avant de le relâcher contre sa peau, mon doigt heurte son bras, il se redresse d'un coup en retirant son bras.
— Mais qu'est-ce qui te prend ?
Son cri chuchoté est presque attendrissant, il ne veut pas faire de bruit pour que ses hommes se reposent correctement et fassent une nuit complète.
— Je voulais simplement tester ta réactivité, puisque tu vas si bien. Quel est le problème ?
Sur le dos, je papillonne des yeux, faussement innocente, il fait un petit grognement de protestation et finit par revenir se coucher. Quand il s'allonge, la largeur de ses épaules restreint ma vue à la seule vision de sa poitrine qui se soulève lentement. Je me tourne de son côté et nous voila face à face, son souffle s'échoue sur moi, il contraste avec la température nocturne. Son visage est faiblement éclairé, j'en aperçois les contours d'une autre manière, l'ombrage sur sa peau rend son visage plus doux, plus accessible. Ses yeux assombrissent l'atmosphère qui se dégage de lui mais sa lèvre attire mon attention. Le bas de sa lèvre est encore taché par son sang, créant une tache sombre.
Je me rapproche davantage de lui pour que nos visages soient totalement alignés et je laisse mes mains agir comme elles l'entendent, d'abord hésitante à le toucher, il ferme ses yeux, comme pour me laisser faire ce que je veux. Il me fait confiance. Alors je caresse du bout du doigt sa lèvre charnue en prêtant attention à ne pas toucher sa blessure. Je réalise des petits cercles autour d'elle, sans m'en rapprocher pour que la sensation circulaire que j'exerce lui fasse oublier la douleur.
Quand mes paupières deviennent lourdes, je range ma main en la blottissant contre ma poitrine même si la chaleur qu'il me procure est suffisante. La fatigue est trop intense pour que je ne décale de lui, la dernière chose que j'entends avant de m'endormir est son soupir détendu.
C'est mon mal de tête qui me réveille au petit matin. J'ai vu toute sorte d'images dans mon sommeil, toutes étaient floues, comme une peinture qu'on n'aurait pas laissé sécher avant de vouloir en connaître la texture. Je me tourne sur mon autre épaule, Merikh n'est plus là, la place où il était est froide. Il a laissé sa cape sur moi qui glisse sur le côté, j'aperçois du mouvement à quelques mètres devant moi, à travers le nuage que ma respiration forme quand j'expire.
Blaze, Vick, Alric et Rheet sont regroupés autour de leur chef tout en observant la carte qu'ils ont déroulée. Ils sont trop loin pour que je les entende parler, mais Merikh ne semble pas discuter avec eux du même sujet, il tapote leur épaule tout en leur donnant de la nourriture qu'il sort d'un sac. Comme ça, il ressemble plus à un père qu'à leur commandant.
Je l'ai remarqué plusieurs fois ce détail, il n'exerce pas son autorité de la même façon que ce que je connais grâce aux chefs des divisions. Dixon, Hally et Godric imposent l'ordre puis il est exécuté sans commentaire. Froid et sévère sont les mots d'ordre que j'ai toujours constatée dans leur personnalité. Merikh aussi est un chef, pourtant il se révèle plus permissif, moins revêche. Il a cette manière de les considérer que je n'ai jamais vue chez les autres. Presque d'égal à égal, il mène seulement les opérations, sans pour autant être glacial avec eux. Sa proximité est étrangère à ce que je connais. Il a simplement l'air... gentil.
Quand je tourne mon regard vers l'arbre où est Godric, je me relève d'un coup en le voyant absent. Où est-il ? Merikh l'a... Je me calme en le voyant à ses côtés. Il n'est plus attaché et immobilisé de toutes parts, il n'est plus que ligoté aux mains. Quand je m'avance vers eux et que je souris aux gardes pour les saluer, quoique, n'est-ce pas étrange de le faire ? Non, j'essaie juste d'agir comme Merikh, je remarque qu'il s'est changé. Il est maintenant habillé du même uniforme que les quatre hommes, se débarrassant du tissu rouge foncé pour un autre gris foncé, plus proche de l'habit coordonné que de l'uniforme millimétré. Son épée est visible, peut-être que les autres aussi crachent des flammes avec leur arme. D'où provient ce feu ?
Seul Godric est habillé en rouge, son vêtement est abîmé à quelques endroits, des déchirures et des pièces manquantes, complètement désordonnées. Il a l'air de se porter bien, donc je n'ai pas de quoi m'inquiéter davantage.
— Il t'a laissé plus de liberté ?
Je lui demande rhétoriquement en m'asseyant près de lui, à un petit mètre des autres sur un tronc d'arbre.
— Si on peut l'appeler comme ça, oui.
Il soupire mais je vois bien qu'il l'apprécie à minima.
— C'est provisoire si je me comporte mal, c'est ce qu'il m'a dit. Je suis sous la surveillance de ce petit gars.
Il pointe du doigt le garde le plus proche de nous, Alric, qui même s'il parle avec ses camarades, porte des œillades concentrées sur Godric.
— On pourra plus se voir au moins, ce n'est pas bien ? Je sais que c'est difficile pour toi mais... comprend-moi, s'il te plaît. Tu es mon seul ami depuis toujours, tu sais comment traitée j'étais là-bas.
Il soupire une nouvelle fois et pose ses mains liées sur une de mes cuisses en posant ses yeux sur moi.
— Justement, je ne comprends pas, je ne te comprends pas. Comment peux-tu être d'accord avec tout ça sans te poser de questions ? Tu ne t'es pas dit qu'il était étrange qu'un parfait inconnu t'offre tout ça ?
J'en parlerai plus tard avec le concerné direct.
— Tu connais parfaitement la vie que j'avais dans le château, ce que je devais faire et tous les inconvénients que ça m'a créés. Il m'a sauvé de cette vie que je détestais, peux-tu le comprendre ? Pour moi ?
Il n'a pas l'air convaincu par mes arguments. Pas du tout. Je sais qu'il appartient à cette vie que je fuis, mais en tant qu'ami, je pensais qu'il serait plus compréhensif sur le sujet de mon bien-être. Est-ce que c'est parce que j'ai à nouveau envie de vivre cette vie que je me soucie autant de son accord ou parce qu'il a été mon seul soutien toutes ces années ?
— Il ne frappe pas, il ne force pas, il ne me drogue pas et il ne m'exploite pas.
— Pas encore, Arweny, pas encore.
Et je ne sais à quelle partie il répond, il se braque en fixant ses pieds, il ne veut plus parler.
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D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]
FantasyArweny est une jeune femme dotée d'un don de clairvoyance depuis l'enfance. Ses parents étant pris entre deux feux la vende à la reine du royaume qui est obsédée par l'immortalité et la richesse, elle est donc parfaite pour les épargner en tant que...