17

31 6 1
                                    

C'est certain, je ne peux pas me tromper. Je reviens dans le passé si je prends connaissance de textes anciens avant de m'endormir. Cette nuit j'ai rêvé de cette scène que j'avais lue la dernière fois et la nuit dernière, celle où les religieux affrontent le froid et la famine tout en devant servir les futurs nobles, réfugiés dans leurs remparts. En vérité, ça veut dire que je peux prédire autre chose que les demandes de la reine Lyssa.

J'ai correctement choisi le passage, personne n'a perdu la vie bien que leur condition de vie soit terrible. Je ressens encore le gel sur le bout de mes doigts. À vrai dire, je grelotte, il fait terriblement froid. Je suis resté toute la matinée enfermée dans ma chambre, mais ce n'est que maintenant que je réalise que la température a drastiquement diminué depuis mon réveil. Rien d'étonnant, le nord est une région froide, combinée à mes quartiers au sous-sol qui est sombre et humide, la chaleur a du mal à se faire un chemin jusqu'ici.

Je frotte mes bras entre eux et cherche un châle pour tenter de garder la chaleur en moi. Quand je sors, il est assis au même endroit qu'hier soir. Mon œil est attiré vers son mouvement, il range furtivement quelque chose dans sa poche, je n'ai pas eu le temps d'en voir les contours qu'il est debout et prêt à m'accompagner.

C'est dans le jardin que je remarque le givre encore présent sur les roses qui perdent leur pétale. Je fais mon tour habituel, passant de l'observation de chaque fleur, le réfectoire, jusqu'à la longue allée où se trouve la bibliothèque. Je me demande quel livre je pourrais emprunter la prochaine fois et en un éclair, deux semaines se sont écoulées et la neige commence à tomber du ciel.

Merikh et moi sommes devenus un peu plus proches, entre deux balades nocturnes et la frayeur d'avoir été prise sur le fait. Une complicité s'est installée. On ne rit pas aux éclats mais nos échanges me suffisent amplement. Je le surprends en train de glousser dans sa barbe parfois, alors que la plupart du temps, la seule facette que j'observe chez lui est celle qui est neutre, effacée. Dans sa discrétion il a toujours été voyant. Ces derniers temps il a aussi arrêté de porter son masque.

Les choses ont peu évolué, en deux semaines, la reine Lyssa me demande maintenant toujours plus de vision et je récupère toujours aussi bien. Godric est introuvable et je l'aperçois seulement de loin avant qu'il ne s'enferme dans son bureau pour poursuivre l'établissement de leur attaque.

J'ai entendu des gardes dire qu'ils allaient encore dans cette région du sud où les habitants d'en dehors des murs disparaissent, leur nombre se compte sur les bouts des doigts dès à présent. Au début, j'ai cru qu'ils allaient lancer une opération pour aller les récupérer, comprendre pourquoi ils s'en vont mais j'ai pu apercevoir dans la cour les affaires qu'ils préparent pour leur voyage. Les armes débordent des charrettes et il n'y a pas assez de nourriture pour une mission de sauvetage. Il n'y a que le nécessaire pour un groupe restreint. Et je trouve même les quantités faibles pour eux.

— On peut y aller maintenant si tu le souhaites.

— J'arrive.

C'est une des nouveautés que j'apprécie le plus, nos balades de nuit. Même si on ne se dit rien, que l'on marche toujours au même endroit et empruntons les mêmes circuits, je ne veux pas que ça s'arrête. Mon quotidien n'a jamais été si agréable, le positif aussi présent. Je crois bien que je m'amuse, une petite chose dans sa présence me donne envie de me réveiller plus vite chaque matin. Je ne m'ennuie pas avec lui.

Je grimpe les marches deux par deux, il m'y attend déjà, je remets sur mes épaules ma couverture, un nuage se forme quand je respire. Une fine neige tombe dans le rectangle de jardin au milieu des piliers, le temps est en suspens. L'air froid me pique les joues mais je continue notre marche silencieuse.

D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant