— Ça fait deux heures.
Le cheval ralentit puis s'arrête, Merikh descend en le guidant vers un arbre pour l'attacher, moi encore dessus. Je sors le petit pot du sac, l'odeur florale qui s'en dégage quand je l'ouvre me monte à la tête, encore une fois.
— Comment évolue la douleur ?
Je fais signe de la main qu'elle s'améliore en lui montrant mon pouce. Je n'arrive plus à parler. Plus depuis qu'il a tué Dixon, fou de rage, et qu'il s'est acharné sur son cadavre par la suite. Quand le calme est revenu, qu'il fallait faire le bilan des pertes et soigner les blessés, j'ai paniqué devant Marcus en réalisant qu'aucun son ne sortait de ma bouche. Pas même un gémissement plaintif. Il m'a dit que c'était temporaire, que c'était un geste défensif de mon esprit pour toutes les horreurs que j'ai vues. Que je n'aurais jamais dû voir. Le trop plein de toutes ces choses m'a rendu comme ça. La trahison de Godric suivie de sa mort, le guet-apens que j'ai vécu, Alric, les morts aux combats et la blessure de Dixon étaient des situations trop proches dans le temps, je n'ai pas tout assimilé, mon cerveau ne l'a pas accepté.
En attendant, Marcus m'a confectionné dans l'urgence de notre départ cette crème à base de plantes médicinales et d'autres poudres en tout genre qu'il garde autour de sa ceinture pour les blessures que j'ai un peu partout sur ma peau. À ce qu'il m'a dit, toutes mes blessures seront de l'histoire ancienne à la tombée de la nuit. À condition de l'appliquer toutes les deux heures.
Je mets une bonne noisette dans la paume de ma main puis passe le pot à Merikh. J'applique la crème sur le trou refermé qu'a créé la flèche de Dixon, un flashback me revient, la manière dont Merikh l'a tué. Le mettant à genoux, lui tailladant le corps de son épée sans pour autant le tuer pour qu'il se vide de son sang. J'ai fermé les yeux quand il a commencé à trancher ses doigts et un de ses hommes est venu me chercher. Ce souvenir me quitte quand ses mains déposent délicatement la crème sur le tour de ma cheville, du sang séché s'y trouve encore.
Comment je peux le laisser me toucher de cette façon tout en sachant ce qu'il fait à ses ennemis, en ayant vu la haine qu'il déverse sur eux ? Il ne me dégoûte pas, il ne m'effraie pas. Il ne me dérange même pas. Alors je le laisse faire une pause toutes les deux heures et panser mes blessures sans qu'il se plaint une seule fois, me demandant quel est mon problème.
Nous n'avons pas non plus parlé de la mort de ces hommes, plus particulièrement de Blaze, Vick, Rheet. Alric. Sa peine est inscrite sur son visage depuis qu'il s'est calmé. C'est la seule chose que je peux faire pour lui n'ayant plus de voix, alors je l'accompagne sans faire quoi que ce soit et je dépose des baisers sur ses mains écorchées.
Nous repartons, il se met dans mon dos, seules ses mains apparaissent dans mon champ de vision. Il parle de la nuit d'hier, de la bravoure de ses hommes en évitant de parler de son équipe avec qui il était le plus proche et de ceux qui viennent d'arriver. Il me réprimande aussi sur la mienne, appuyant ses propos sur le fait que je n'avais rien à faire à ses côtés sur le champ de bataille. À la suite, je tente de lui faire comprendre par des gestes ma vision, en créant la flèche en collant mes deux index ensemble et de les éloigner avant d'imiter un arc. Il lève un sourcil en l'air en me demandant s'il comprend bien ce que je tente de dire. Je fais à nouveau la flèche en la pointant sur ma blessure qui se résorbe rapidement, je fais non du doigt puis recommence en faisant passer la flèche invisible entre mon bras et le côté de ma poitrine.
— Tu ne pensais pas qu'il te verrait ?
Je fais oui de la tête.
— Parce que tu l'avais vu dans ta vision.
Cette fois je fais non. Je refais mes signes. Je pensais que j'aurais eu le temps de l'éviter. Je me suis un peu surestimé sur ce coup. Voilà ce que je tente de dire avec mes mains.
VOUS LISEZ
D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]
FantasyArweny est une jeune femme dotée d'un don de clairvoyance depuis l'enfance. Ses parents étant pris entre deux feux la vende à la reine du royaume qui est obsédée par l'immortalité et la richesse, elle est donc parfaite pour les épargner en tant que...