27

26 6 3
                                    

 Je tiens miraculeusement sur mes jambes sans rencontrer le sol alors que la bête extrait son corps de l'eau, partiellement. Elle est immense, le reste de son corps n'est pas apparent et sa couleur verdâtre ne me rassure pas du tout, elle se confond avec l'eau sans fond qui la cache sans problème. Combien d'éléments de ce monde j'ignore encore ? C'est trop pour moi depuis quelques heures, je me sens faiblir alors que la bête rampe près de nous et nous montre ses crocs. Si elle me mord, je finirai en pièces détachées, c'est sûr. Merikh s'avance vers lui, aucune peur n'est visible sur son visage.

— Nous sommes en retard mais le marché tient toujours, laisse nous monter, on est plutôt dans l'urgence comme tu le sais.

Merikh a passé un arrangement avec ce monstre ? À quel point les aime-t-il pour autant les approcher ?

En réponse, le monstre à écailles donne un coup de tête vers la droite et fait siffler sa longue langue elle aussi dangereusement pointues. Tous les regards se braquent dans sa direction, qui pointe mon ami.

— C'est non négociable, il vient avec nous.

Sa voix est froide, autoritaire, mais je sais qu'il ne fait pas ça par compassion, Godric est son otage. Le serpent semble lui faire la tête car il ferme ses yeux en sifflant de nouveau, ma tête me fait mal.

— Je t'ai donné un zektry entier pour cette traversée, c'était l'accord, alors tu vas nous laisser monter si tu ne veux pas en oublier le goût pour toujours. Est-ce clair ?

Encore du zektry ? C'est sûrement un bien d'une très grande valeur. Un aliment en plus d'un bijou ?

Ces mots paraissent compréhensibles pour lui car sa tête disparaît de moitié sous l'eau avant qu'il ne fasse glisser son corps près du bord. Sa peau est humide, brillante, les hommes montent dessus sans aucune attention alors qu'elle me paraît si délicate. Merikh me tend la main, je l'attrape et ose à peine mettre tout mon poids sur ce corps large d'au moins trois mètres. Mais le serpent géant est capricieux, il me fait tomber à quatre pattes sur sa peau froide en agitant le bas de son corps. Il refuse de faire monter Godric sur lui. On ne peut pas le laisser ici, même si les autres gardes le récupèrent. Il va se passer des heures entières où il sera sous un soleil ardent, ligoté et habillé pour supporter une épaisse neige.

— L'un d'entre vous en a gardé un peu sur lui ?

Tout secoue la tête à la négation et je me ronge les ongles pour mon ami. Merikh doit le lire dans mon regard car il soupire sans aucune dissimulation avant de marcher le long de son corps pour se rapprocher de sa tête.

— Que veux-tu en échange pour le transport de ce porc ?

Je n'aime pas sa façon de parler de lui, il n'était pas si grossier avec moi. Les deux semblent se comprendre à la perfection car il remonte ses deux manches. L'un de ses avant-bras est noir. Ce n'est plus seulement le bout de son doigt, la noirceur s'est propagée plus loin dans sa chair. Il se couche sur lui pour que son bras se fasse submerger dans l'eau, le monstre siffle en le voyant, alors il change de bras pour celui qui est immaculé, en bonne santé.

Je ne saisis pas ce qu'il se passe quand une plainte sort d'entre ses lèvres et qu'il la retient au fond de sa gorge, quand il se redresse, le bras ensanglanté, je comprends. Il a offert son sang au serpent pour acheter le droit de Godric pour qu'il monte. Sur pied, il donne un coup de talon en jurant au monstre qui secoue la tête avant d'avancer, maintenant payé et ne fait plus aucune demande ni caprice.

— Tu as été plus que gourmand, ne t'étonnes pas si personne d'autre que moi ne passe de marché avec toi dans le futur.

Je suis persuadé d'avoir entendu le serpent rigolé.

D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant