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Merikh m'a expliqué en détail chacune des zones de la carte, ce que nous pourrions trouver sur notre route. Nous partons dans deux jours. Tout le long de notre repas, les flammes ne m'intéressaient plus autant, je n'ai cessé d'observer les hommes autour de moi.

J'ai essayé de reconnaître les anciens habitants d'Azearia. Mais même cette nomination est faussée, tous les gardes que je connais vouent un dégoût sans nom pour les réniens, le peuple de Graivell, les religieux. Les fanatiques. Le dégoût ne disparaît pas du jour au lendemain, je suis bien placé pour le savoir, je n'y vois qu'une explication. Ils n'ont jamais été Azerians. Réniens depuis le commencement.

Mes lectures sur le fondement du royaume me tourmentent depuis des heures. Je suis incapable de m'endormir. Si pour Merikh la situation est claire, pour moi tout est nouveau, dangereux et hors d'atteinte. Une guerre se prépare sous mon nez et je n'ai pas su la voir. À quoi me sert mon don si je ne peux rien voir ?

En parlant de lui, mes intuitions ont commencé à s'intensifier, bien que ça ne soit rien de sensationnel, je suis rassuré de constater qu'il commence à reprendre le dessus sur le poison. Mais aucun signe de vision. Je ne comprends pas pourquoi, quand la reine m'obligeait de lui en fournir, j'arrivais à les provoquer pour la satisfaire. Et maintenant quoi, j'en suis incapable car je ne suis plus menacé ?

Je me tourne une nouvelle fois dans le lit, Merikh y réagit dans son sommeil et se tortille légèrement sans pour autant se réveiller. Et toi alors, pourquoi j'ai eu ce sentiment qui m'a pris à la gorge tout à l'heure ? Je dois savoir, je ne peux pas rester dans le flou plus que je ne le suis déjà. J'ai bien assez fait l'aveugle en lui accordant toute ma confiance, je ne peux pas courir à ma perte une deuxième fois. Je tomberais bien trop bas. Je prends une grande inspiration, la retiens puis la relâche lentement en me concentrant le plus possible, en me mettant une idée précise en tête pour forcer mon don à se manifester, comme avant.

Est-ce que je fais une erreur en lui donnant ma confiance ?

Je respire calmement en essayant de me mettre dans les conditions psychiques les plus adaptées et attends qu'une vision ne frappe mon esprit, qu'une image différente de celle de mon imagination se présente.

Sans succès, je décide d'abandonner et de m'endormir. Peut-être que demain j'aurai plus de chance. Pourtant, il y a cette petite voix qui me tient en éveille, qui refuse de me laisser apprécier le silence, seulement dérangé par la respiration de l'homme qui dort à côté.

Je me mords la lèvre, pesant le pour du contre avant de choisir quoi faire. Je me glisse hors des draps, marchant sur la pointe des pieds pour limiter au maximum le bruit de ma sortie. Un dernier regard vers Merikh et je m'extrais de la tente. Les poils de mes bras se dressent face à la température fraîche de la nuit et je slalome entre les tentes. Je me cache derrière une toile, pressentant l'arrivée de quelqu'un, deux secondes après, un garde en train de bâiller la bouche grande ouverte passe. Je souris, réconforté de voir cette capacité qui m'a tant servi me revenir.

Pour l'instant, je ne pense qu'à une personne. Godric. Parce qu'il m'est vaguement apparu, il n'avait plus son uniforme comme depuis quelque temps. Je ne sais pas encore si je peux en déduire que cette image simplette se produira dans peu de temps, j'ai toujours eu du mal à prédire l'arrivée de ce que je vois.

Je rejoins la tente de Godric qu'il partageait jusqu'à récemment avec son garde, depuis hier il lui laisse de l'intimité seulement pour la nuit et se trouve à moins d'un mètre de l'entrée de sa tente. Le plus silencieusement possible, je me rapproche de la toile éclairée de l'intérieur pour que le garde ne me voit pas, il irait directement chercher Merikh.

J'ai besoin de lui parler, si je n'ai jamais écouté ces conseils, aujourd'hui je veux en entendre qui me rassurera. Parce que je n'ai vu que lui. Au moment où j'allais soulever l'arrière de la toile pour me glisser en douce à l'intérieur, j'entends une voix, ou plutôt un chuchotement. Il n'est pas seul. C'est mal, je le sais, mais je ne peux pas m'empêcher de me rapprocher un maximum pour l'entendre.

D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant