D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]

16

Mes poumons s'emplissent d'air comme si je venais de naître, ils me brûlent et m'écorchent de l'intérieur à chaque souffle qui y pénètre. J'ai encore eu une vision. Ou un rêve. Il était très similaire au premier, quelques détails en diffèrent pourtant.

Je reprends mon souffle, tâtonne du bout des doigts la table de nuit pour en trouver une bougie, la précédente s'est éteinte. J'ai dû être dans cet état un long moment, il est probablement tard dans la nuit à cette heure-ci.

Je passe mon autre main le long de mon corps, mon visage, il n'y a pas de sang séché qui s'y trouve, aucune cendre et égratignure. J'ai vécu une scène des combats entre guerriers, une destruction de village mais cette fois, ce n'était pas le même homme qui me menaçait. Il n'y a pas eu de fille se faisant massacrer sous mon impuissance. Mais bien des enfants. Des tout petits seulement capables de crier et de pleurer en s'accrochant l'un à l'autre sans comprendre ce qu'il se passait sous leurs yeux. Le sang et le vide, le feu et la mort. Tout comme la précédente fois.

Je parviens enfin à allumer la mèche qui crépite avant de m'éclairer. Le livre glisse sur moi quand je me redresse et je le prends en main. Mes yeux se posent sur les derniers mots que j'ai lus avant de m'endormir. Des enfants se faisant tuer, des mères plus en vie pour les protéger, des pères essayant de survivre pour les sauver.

C'est de ça que j'ai rêvé. Exactement de ces moments écrits sur le papier brun. Je pourrais me dire que c'est une coïncidence, de rêver de ce que j'ai lu, alors je remonte les pages, cherchant le passage des témoignages des gardes qui ont survécu à la première attaque. C'est le même passage, les maisons en feu, la fille égorgée. J'ai rêvé deux fois de suite des scènes que j'ai lues, pourtant ça ne ressemblait aucunement à des rêves. C'était si... déchirant.

Si je ne me réveillais pas, je ne me douterais pas une seconde que ce n'est que dans ma tête, quand je m'endors et que ces scènes s'animent plus vrai que nature. Ça ne ressemble en rien à un rêve, je vois précisément ce qui est écrit dans le livre, sans déborder sur un autre thème. C'est comme un coup d'œil dans le passé inscrit dans le livre.

Il faudrait que je recommence une troisième fois pour être sûre, ça ne peut être que le hasard, toutefois, visualiser des scènes du passé que je lis avant de m'endormir, ce n'est définitivement pas une coïncidence si je la mets en lien avec mon don. Mais ça ne m'est jamais arrivé, je ne vois pas ces choses-là dans mes visions. Bien qu'elles soient limitées, elles n'ont jamais été aussi précises, nettes. Cruelles.

C'est en me redressant que je constate que je vais bien mieux, parfaitement bien en fait. Je n'ai plus de fièvre, plus de vertige, je me sens bien. Je récupère mes forces bien plus lentement en principe, pour avoir puisé dans mes retranchements cet après-midi, je suis étonné, bien plus que ça. Je fais des pas rapides en faisant des allers-retour dans ma chambre pour vérifier que ce n'est pas un bref instant d'adrénaline, mais c'est bien vrai, je suis en forme. Il me faut généralement une bonne journée les fois où je suis vraiment épuisée, mais là j'étais bien plus qu'épuisée et j'ai récupéré en une moitié de journée ? Parfaitement étrange mais je vais en profiter, ces moments-là sont rares.

Les débris du bol de soupe ont disparu, ça doit être Merikh. Je suis bien réveillé, je ne pourrais plus m'endormir, partagée entre l'horreur que j'ai vu en m'endormant, mes suppositions et la curiosité de connaître l'heure de la journée. Bougie en main, je m'avance vers la porte, l'ouvre lentement et essaye de regarder en direction de l'escalier en spirale si j'aperçois un faisceau de lumière. Aucune lumière, le bruit du silence est chargé dans le couloir. La bougie n'éclaire pas bien loin, je distingue le corps de mon garde qui dort, ses pieds posés sur le barreau de sa chaise. Je remonte progressivement le long de ses jambes, son épée est posée sur ses cuisses, ses doigts sont posés sur la lame comme s'il caressait le métal.