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 Ce cadeau est à double tranchant.

Son murmure me fait ouvrir les yeux, les rayons du soleil à travers la vitre réchauffent ma joue. Ce n'est pas la grande fenêtre du manoir, je ne sais pas de quelle fenêtre il s'agit. Sûrement l'auberge où j'étais hier soir.

Comme c'est étrange, je me sens... légère.

Il n'y a pas que ma joue qui est chaude, ma main gauche aussi. Je tourne la tête de l'autre côté, Merikh est à moitié avachi sur le lit, l'autre partie de son corps est au sol, son visage est caché dans les draps qui m'enveloppent, sa main dans la mienne. À peine mes doigts frôlent ses cheveux noirs qu'il sursaute en répétant mon nom en boucle.

— Tu es réveillée...

Il recouvre ma main de baiser. Il tremble.

— Tout va bien ?

— Tu me demandes si je vais bien alors que tu comates depuis trois jours ?

— Quoi ?

C'est à mon tour de sursauter et de me redresser. Ça fait trois jours que je suis inconsciente ? Ma peau se recouvre de chair de poule quand je fais le lien presque automatiquement entre ce que j'ai accompli hier soir et la petite visite dans ma tête.

Si comme à dit Drorena, chacune des visions que je me force à trouver utilise je ne sais quelle énergie qui réduit ma vie, combien de temps ai-je perdu en m'obligeant à voir le cours de cette guerre ? Des semaines, des mois voir des années ? Je n'ai jamais eu peur de la mort et pourtant... En cet instant, ma gorge est plus sèche que jamais. Combien de temps j'ai perdu depuis toute petite à cause de Lyssa ? Elle a pris de moi quelque chose que je n'aurais jamais pu savourer, elle ne m'aurait jamais laissé vivre finalement.

Merikh ne peut pas savoir ça, il ne se pardonnerait jamais de réduire ma vie d'une durée incertaine à chaque fois que je tente de le sauver. Je ne dois pas lui dire, l'air est assez brûlant en ce moment pour que je rajoute une bombe sur une autre encore plus grosse.

Mon cœur palpite de plus en plus fort. Il me fait mal.

Malgré la peur qui m'envahie, je ne peux pas me résoudre à ne pas utiliser ce que je possède pour les sauver. Je ne me pardonnerais pas d'avoir la ressource de tous les faire vivre et ne peux pas l'utiliser. Je ne dois... rien dire.

Ma respiration s'emballe.

Je n'ai même pas digéré la nouvelle. J'ai l'impression que ses mots ont heurté mon esprit depuis quelques minutes seulement, je ne le compte pas en jours.

Je dois me calmer, je dois me calmer.

Il ne doit rien savoir. Parce que qu'est-ce qu'il va arriver s'il apprend la vérité sur mon don ? Il va m'interdire de prédire quoi que ce soit. Et si je le fais, il refusera de m'écouter. Il s'éloignera de moi pour être sûr de n'entendre aucune prédiction. Mais s'il fait ça je ne pourrais pas le protéger. Je ne pourrais pas le sauver. C'est un cercle vicieux, ça ne s'arrêtera jamais.

Je souffle un bon coup, essayant d'étouffer ces inquiétudes quelque part dans mon esprit pour ne pas me trahir trop rapidement, bêtement.

— Tu ne devineras jamais avec qui je parlais.

— Tu t'es effondré juste après donc j'aimerais savoir en effet.

Il se redresse, croisant ses bras contre son torse.

— Quasiment tous mes hommes, et j'entends par là tout notre peuple était dans l'auberge hier soir donc je veux savoir avec qui tu étais.

Et-il jaloux ? C'est mignon.

D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant