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Cela doit faire déjà plus d'une seule journée que je suis enfermée, je ne sens presque plus mes pieds, je n'arrive pas à les réchauffer avec le simple tissu que j'ai sur moi. J'ai déjà du mal à me maintenir à la bonne température pour éviter l'hypothermie, tout mon corps est courbaturé à force de rester immobile, replié sur moi-même pour laisser échapper le moins de chaleur possible.

Le roi m'avait dit qu'elle s'était calmée durant la nuit, elle a sûrement dû lui mentir parce que je n'ai pas mangé depuis le moment où j'étais jetée dans cette cellule. J'ai tellement faim que j'en perds l'appétit et pour ne rien arranger, je n'ai pas vu un seul garde. Ils se sont contentés de me mettre ici puis de s'en aller, comme si je ne valais même pas la peine d'être surveillé, je ne suis pas assez dangereuse pour être surveillé de toute façon. Cloîtrée entre ces murs je suis encore plus insignifiante pour eux, je ne sais pas si c'est un ordre de la reine ou tout simplement de leur propre volonté mais l'absence de présence, même d'eux, rend l'attente insupportable. La faim, le froid, le silence et la solitude sont les pires éléments à réunir. Pour me divertir, j'ai trouvé un galet que je fais tourner entre mes doigts puis sauter mais le mouvement crée un courant d'air qui me dissuade de continuer. C'est pareil pour le claquement de pied en rythme, il crée une ventilation le long de mes jambes.

Un sifflement perce l'air qui m'entoure, il déchire le silence qui m'entoure et dans ma petite cellule, je l'entends presque en échos. C'est le même sifflement que j'ai entendu le soir où nous sommes montés sur les remparts avec Merikh, celui du prétendu oiseau dont il m'a parlé. Je me lève pour tenter de l'apercevoir à travers le trou à barreau dans la pierre, je ne vais pas bien loin et me rattrape au mur pour garder l'équilibre, vide de toute énergie. J'ai l'habitude de ne rien avoir dans le ventre à cause des vomissements causés par la soupe mais dans ces cas-là, il y a au moins quelque chose qui rentre dans mon estomac pour l'alimenter. Cette fois, je n'ai pas même l'ombre d'une miette.

Je m'assois, deux mètres plus loin, en me laissant glisser contre le mur. Un autre sifflement retentit, pourtant celui-là est différent, il est plus grave que l'autre. Il y a donc deux oiseaux dehors qui s'appelle vauxioris. Qu'est-ce que j'aimerais les voir, à part des pigeons voyageurs je n'ai vu aucun autre oiseau. Je me demande à quoi il ressemble, est-ce une espèce commune, de couleur grise ou alors tout l'opposé ? Peut-être qu'il est plus gros, avec de plus grandes ailes, un plus grand bec et de plus grandes pattes. Il est sûrement plus vaillant aussi. Le vertige doit commencer à atteindre les pensées qui me traversent, je commence à me dire que si j'étais un oiseau je pourrais me faufiler entre ces barreaux et m'envoler loin de ce château de malheur sans me retourner avant de me prendre une flèche pour être mangé par ces mêmes gens.

Le son de la porte m'empêche de divaguer davantage, j'espère que c'est de la nourriture, je n'en peux plus, je commence même à voir des illusions de plats dans la poussière et les cailloux. Il fait nuit, la personne qui arrive n'a ni bougie ni torche, je n'arrive pas à savoir de qui il s'agit. Mais il est parfaitement silencieux, si je n'étais pas réveillée je n'aurais peut-être pas entendu son arrivée.

— Lève-toi, tu es libre.

Mes poils de bras se hissent d'un seul coup en entendant sa voix. Je me redresse non sans trébucher pour le rejoindre contre les barreaux de fers qui me séparent de lui. Ils n'existent plus quand il ouvre la cellule, le tintement métallique des clés contre le métal et le son de mon pas lourd ne m'empêche en rien de me laisser aller contre lui. Sa chaleur m'atteint immédiatement, il passe un bras autour de ma tête et pose sa main sur ma tête.

— Ça va aller maintenant, c'est fini.

— J'ai froid, Merikh. Je veux rentrer.

— On y va, Winnie.

D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant