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Je demande à Merikh d'installer plus confortablement Godric quand nous repartons, j'ai beau ne pas être en accord avec ce qu'il m'a dit, je ne veux pas qu'il soit plus inconfortable qu'il ne l'est déjà. Il est en compagnie ennemie puisqu'il appartient à la division d'un royaume opposé, Merikh et ses gardes le lui ont bien fait comprendre en l'attachant loin de nous et en ne lui donnant aucune liberté ni collation. Il a seulement pu boire parce qu'il m'a laissé faire avant de me dire que je ne dois plus l'approcher sans être accompagné. Il est son prisonnier.

Il semble que Merikh soit un chef, il n'a rien dit à propos de ça même après avoir été révélé, je me demande s'il est un chef comme Godric ou ceux des autres divisions, avec les mêmes fonctions qu'eux. Ça pourrait expliquer pourquoi il était si indifférent à mon ami quand il lui donnait des ordres. Tout en jouant le rôle d'un simple subordonné, il n'a jamais dissimulé son grade. Ce que je prenais pour du mépris était simplement sa prestance naturelle. Mais sûrement du mépris aussi. Quand j'y pense, ça me fait un peu rire, il a dû se sentir insulté de recevoir des ordres lui qui est si fière.

— Tu as vu quelque chose d'amusant ?

Il me parle calmement, il s'est calmé depuis hier soir.

— Ça n'était pas compliqué pour toi de recevoir des ordres alors que tu es chef ?

Il attend que ma quinte de toux cesse pour me répondre.

— Excuse-moi pour ça, Winnie, nous devions d'abord attendre d'être hors de portée pour que je te donne ces vêtements.

— Tu évites la question.

— Et toi tu es bien bavarde.

Il n'a pas tort, c'est étrange mais la situation me pousse à parler davantage. J'ai l'impression d'en avoir le droit ici.

— Je ne devais pas te le dire tant que tu n'étais pas sorti de cet endroit. Ça aurait pu compromettre notre mission.

— Tu sais que je n'aurai rien dit. Je ne t'ai pas dénoncé quand j'ai compris que tu étais différent.

— Et je peux savoir pourquoi ?

Ma toux arrive au bon moment pour que je ne réponde pas, mes joues se réchauffent, heureusement que je suis assise devant lui et qu'il ne voit pas mon visage.

— Alors... Quelle était cette mission ? Tu ne m'as rien dit. Tu m'as mise dehors avec quatre inconnus et nous voilà désormais au milieu d'une forêt.

— Tu sais que je ne te mettrai pas en danger.

Je souris à son chuchotement. Il a peu changé de comportement depuis cette nuit mais il n'a pas arrêté ce petit jeu de question réponse à répétition. L'air devient plus supportable, mes vêtements commencent à m'étouffer, je tire sur le col de ma cape alors que le matin pointe son nez.

— Je te dirai bientôt ce que tu veux savoir, tout ce que tu as besoin de savoir pour l'instant c'est que tu mérites d'être sorti d'entre ces murs.

Je m'apprêtais à répliquer mais il hausse le ton en s'adressant aux autres hommes pour leur donner des indications, alors je ne dis plus rien et j'observe le paysage blanc virer lentement au brun tacheté sur le sol que nous empruntons au pas.

Le temps d'arriver au dit lac d'Onyx, tout le monde s'est déshabillé d'une couche, j'ai dû demander plusieurs fois à Merikh que je puisse ouvrir la cape de Godric pour qu'il ne suffoque pas. Il ne m'a pas laissé faire et un garde a arraché le bouton qui lui permettait de ne pas avoir froid avant qu'il n'étouffe. Depuis notre départ, la neige a fondu, le temps s'est réchauffé et le jour s'est levé. Si je n'avais vu que le paysage de nuit, maintenant que nous sortons de la forêt, j'ai une étendue d'herbe verte, parsemée de taches jaunâtres à observer, des collines et des rochers que je ne voyais qu'en dessin.

Je mets ma main sur mon front pour me cacher les yeux du soleil levant orangé qui monte tout doucement dans le ciel. Je n'ai pas vu le ciel sans obstacle dans mon champ de vision depuis si longtemps que la douleur de mes yeux peut bien passer au second plan.

Mon souffle se bloque dans mes poumons quand un hurlement retentit derrière nous, à la lisière de la forêt. Je me tourne en un instant vers Merikh, mais il n'a pas l'air le moins du monde effrayé. Seulement gêné par le son.

— Ce sont des voolish, ne t'inquiète pas. Ils sont inoffensifs pour nous.

— Pour vous mais peut-être pas pour moi !

Au même moment, je vois les arbres frémir, trembler à cause d'une chose qui se déplace entre eux. Elle a l'air immense, je serre le bras de Merikh dans ma main.

— Ils n'attaquent que les ennemis qui volent leur trésor, tant que tu n'essaies pas de les duper ils ne te feront rien. Il y en a des tas par chez nous tu verras.

— Alors pourquoi crient-ils ?

Il me lance un regard lourd de sens avant de se faire un signe de main vers l'avant pour ses soldats à l'arrière.

— Ils viennent de voir les personnes qui les volent depuis des décennies.

Sans comprendre son sens, je reporte mon attention sur la forêt pour tenter de voir un de ces voolish, mais j'interprète le regard de Godric, derrière l'homme qui le retient. Il fuit mes yeux, honteux.

Sans tarder le cheval part au galop, nous éloignant des arbres qui dissimulent ces monstres massifs, j'en aperçois le haut de la tête de l'un d'entre eux, faite entièrement d'os, avant de me retourner pour suivre la cadence, secouée de toutes parts. Je sais que mon cœur s'emballe à cause de ces monstres et non de mon instabilité sur le cheval. Qu'est-ce que c'était, cette chose ? Il n'y a que moi qui avais l'air terrifié à leur entente, Merikh m'a fait comprendre qu'il les connaissait, ses gardes n'ont pas bougé d'un cil et ont juste échangé quelques paroles. D'ailleurs, comment ça se fait qu'on ne les ait pas vus tout à l'heure ? Mon ami non plus ne semblait pas apeuré, est-ce à ce genre de monstre qu'il est confronté à chacune de ses missions ?

Si les voolish sont inoffensifs, et qu'ils ne réagissent qu'à la vue de personnes malfaisantes pour eux, je ne vois pas beaucoup d'autres options sur l'identité des personnes qu'ils viennent de voir. Ce sont des gardes d'Azearia. Godric, mais qu'est-ce que vous faites durant vos expéditions ?

Nous avons parcouru une grande distance quand le reflet du ciel apparaît sur le sol, c'est une étendue d'eau. Elle est immense, tout est si large, si démesuré.

— Nous reprendrons des forces pendant notre traversée, ça nous permettra de creuser définitivement une distance entre nous. Les voolish vont les retenir un moment dans le bois.

Tout le monde descend de cheval, même moi, ils libèrent les chevaux de leur équipement puis leur donnent un coup sur les fesses qui les font partir au loin. Ils retrouvent leur nature sauvage. Mais s'ils partent, comment allons-nous faire cette traversée ? Je ne vois rien qui nous permet d'aller sur cette flaque qui s'étend jusqu'à perte de vue. Je n'en vois pas même le fond, je n'ose pas m'approcher alors que mes pieds, ont à peine touché le sol qui m'est douloureux de faire un pas en avant sans vouloir le soulever tout de suite.

En fixant l'eau, je la vois onduler, des vaguelettes s'échouent sur le bord, à la jonction de la terre et de l'eau. Les vaguelettes se transforment en vagues qui viennent frapper la terre, débordent et viennent y déverser le liquide jusqu'à mes pieds. Tous nos pieds. L'eau s'anime violemment et ma bouche s'ouvre en grand quand une bête écaillée en sort sa tête, puis son long corps. Elle est aussi grande que les remparts que j'ai vus d'en bas toute ma vie. Peut-être plus grande que ça encore. 

D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant