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— Non... non, non, non !

Je me débat, la pousse au loin. Loin de moi comme elle l'a toujours été. Comme ils l'ont été toute leur vie. Ils sont censés être morts, disparus, déserteurs, peu importe, tout, mais pas ça. Pas roi et reine d'un autre pays.

— Je comprends que ça te fasse un choc, ma chérie. Ça fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus.

La tentative maladroite de mon père n'a pour effet que mon irritation grandissante.

— Douze ans. Ça fait longtemps, oui.

Il a compris qu'il a fait une erreur. C'est bien, j'espère qu'il comprend très bien son erreur. Je ne compte pas le rassurer pour sa faute. Mais le corriger, si.

— Il fallait y penser avant de me vendre. Ah pardon, en douze ans vous avez eu le temps d'oublier que vous m'avez vendue à une malade mentale !

Ma colère augmente en détaillant leur visage choqué. Plus que le choc, c'est leur peau juvénile, presque neuve qui m'exacerbe. Ils sont pareils qu'elle au final.

— Chérie, ce n'est pas ce que tu crois, laisse nous t'expliquer. Laisse nous nous faire pardonner.

— Ne m'appelle pas comme ça. Ni par aucun nom.

Contre ma volonté, des larmes emplissent mes yeux, parce que malgré tout, je vois les visages que j'avais tant voulu me remémorer. Je les hais et les aimes à la fois. C'est insupportable. Leur présence m'est insupportable.

— Rentre donc, tu pourras te calmer, c'est beaucoup d'émotions, même pour nous. Viens donc à l'intérieur.

Ils se donnent la main, le regard empli d'émotion l'un pour l'autre. Ils ont retrouvé leur fille. Ensemble. J'ai retrouvé mes bourreaux. Seule. En regardant derrière eux, je vois la richesse de leur demeure, de leur manoir. Ils sont riches, du moins bien plus que les habitants. Ils ont vécu ici pendant des années dans le confort, la certitude de ne manquer de rien alors que moi, je manquais de tout. De dignité, d'amour, de parents. Ces deux parallèles que nous incarnons n'étaient pas censées se rencontrer. Plus jamais. Mais ils ne sont pas les seuls fautifs. Je fais volte face, Merikh en est surpris, se redresse d'un coup, je le vois déglutir. Je me plante devant lui, le visage en larme, plus à cause de lui que de la révélation en elle-même.

— Tu m'as menti.

— Je ne t'ai jamais menti.

La gifle part presque toute seule pour s'écraser contre sa joue. J'y ai mis du mien, il n'a pas bougé d'un centimètre.

— Tu m'as subtilisé la vérité. C'est tout comme. Je te faisais confiance.

— Tu peux me faire confiance.

— Non. Je ne peux avoir confiance en personne.

Sa respiration trahit son inflexibilité devant ses supérieurs. Parce qu'il m'a trahi moi, ils savaient parfaitement qui j'étais, plutôt l'enfant de qui.

— C'était ça le but de ta mission, ramener leur fille oubliée à ses parents. Et au nom de quoi, tu peux me le dire si c'est autre chose que de l'intérêt ?

Il ne dit pas un mot.

— C'est bien ce que je pensais.

Mon cœur se serre.

— Tu savais et tu ne m'as rien dit, rien du tout.

— J'ai promis de te protéger.

— Tu n'as pas dit de qui tu devais le faire par contre. D'eux ou de toi-même ?

D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant