La neige semble absorber le bruit des sabots qui frappent le sol, ma respiration et le vent qui frappe ma peau se confondent entre eux. Mes poumons me brûlent, mes muscles se tendent de douleur alors que je tente de garder le cap. Voilà vingt minutes que nous avançons tout droit par la seule vitesse du cheval blanc sur lequel je suis assise, du moins ce qu'il reste de cette action très mal exécutée.
De tout ce temps, je n'ai pas prononcé un mot pour demander ce qu'il se passe, aussi par incapacité, pour savoir où nous allons et pourquoi il fait ça. J'ai tant de questions à lui poser, comme lui demander qui sont ces hommes, que va-t-il faire de Godric, depuis quand il avait manigancé tout ça. Mais la plus importante est plutôt qui il est réellement. Je n'ai pas osé me retourner une seule fois pour le questionner, la tension dans l'air est bien trop palpable, trop dangereuse pour l'instant. Mes questions ne sont pas adaptées à la situation que je peine à comprendre.
Tout s'est passé si rapidement, ma sortie de cellule, notre arrivée sur les remparts et maintenant cette fuite. Tout ce que je sais c'est que Merikh a orchestré tout ça dans mon dos tout en veillant à ma protection. Il n'était clairement pas un garde appartenant à la famille royale. Pourtant je me souviens qu'il avait une fois dit appartenir anciennement à la division Butor. C'était un mensonge ou bien la vérité ? Parce que maintenant, je me demande quelles informations sont fausses et lesquelles sont véridiques. Nous n'avons pas beaucoup échangé de mots malgré toutes nos sorties interdites, nos échanges étaient principalement... spirituels. Silencieux mais tout était dans le moment affectif que nous partagions.
Bien que je ne sache plus que penser de tout ceci, je ne peux pas taire ce sentiment dans mon cœur qui me hurle que je suis enfin en sécurité. Je n'ai pas peur de lui, j'ai peur de l'inconnu qui m'attend, je ne sais pas ce qu'il peut m'arriver. J'ai passé toute ma vie dans ce château où je pouvais prédire presque chaque événement qu'il allait se produire. Une rencontre avec Calia, une vision de la reine, le retour de Godric. J'avais mes habitudes dans cette routine. Ici, je n'ai aucun repère, aucun point de rattachement. L'inconnu me tend les bras et je suis effrayé que mon don ne suive pas la cadence. Tout le long de ses manifestations, il n'a prédit que l'avenir de la reine, jamais le mien. Que faire si désormais que je suis libéré d'elle, je ne peux plus m'en servir pour ma survie ?
Le cheval ralentit, passant du galop au pas, ce qui me permet enfin de souffler, de ne plus rebondir dans tous les sens. La respiration rapide dans mon dos me parvient, Merikh est essoufflé, lui aussi, c'est la deuxième fois que je le vois dans cet état. Il a toujours été calme depuis qu'il a dû enchaîner les combats de sélection. Il est comme ça dès qu'il n'est pas certain de l'issue de ce qu'il entreprend.
Le paysage défile moins vite, je peux enfin tenter d'y voir plus clair. Nous sommes complètement encerclés par de grands arbres à perte de vue, nous ne marchons même pas sur un sentier, les chevaux se frayent un chemin à travers les troncs sans problème en plus d'être camouflés par leur couleur claire. Autour de moi, je ne vois pas la fin de cette forêt épaisse, à travers les troncs je ne vois que des arbres supplémentaires. La lune ne nous aide pas non plus à y voir plus clair, ses rayons ont du mal à percer les feuilles au-dessus de nos têtes. Quand je me décide enfin à le regarder, il est concentré à observer les horizons, les sourcils froncés.
— Ne t'inquiète pas, à notre prochain arrêt tu auras de quoi te couvrir plus chaudement. Pour l'instant je n'ai que ça à te proposer.
Comme si le froid qui m'anime de nouveau était le plus inquiétant dans cette histoire. Je lui demanderai plus tard, pour l'instant je me laisse aller contre son torse en changeant de position assise pour que mes deux jambes soient du même côté, il couvre mon corps avec le reste de sa cape. La même qu'il m'avait prêtée pour dormir il y a quelques jours.
— Merci.
La moitié de mon visage s'engouffre contre lui pour se réchauffer, le paysage avance lentement et mes yeux commencent à s'alourdir, je suis épuisé. Je ne saisis pas pourquoi, j'ai ressenti beaucoup de choses mais pas au point de m'endormir. Ça n'annonce rien de bon.
— Mais lâchez-moi je vous dis !
Le cri de Godric me ramène sur la terre ferme. Je jette un coup d'œil par-dessus l'épaule de Merikh pour l'apercevoir. Il est couché sur le ventre à l'arrière du cheval d'un homme, près de nous, attaché les mains dans le dos. Ses liens sont reliés aux mains du garde, il ne risque pas de tomber mais à plus de chance d'avoir des douleurs plus aiguës que moi à cause de son inconfortable position. J'espère qu'il va bien.
— Pourquoi tu l'as emmené ?
— Tu voulais que je le tue plutôt ?
Étrangement, je ressens une barrière se glisser entre nous à ces mots. Je pensais que nous étions plus proches nous deux. Plus que ça en tout cas.
— Tu as raison mais... Tu ne vas rien lui faire, n'est-ce pas ?
— Tout dépendra de son comportement vis-à-vis de toi.
Ça aussi, j'ai du mal à le comprendre. Godric est mon ami, c'est le seul et il vient de se jeter dans le vide sans savoir qu'il s'y trouvait quatre hommes pour nous réceptionner. Je ne sais pas ce qu'il pourrait faire contre moi.
— C'est un bon ami, il a toujours été là pour moi.
— Vraiment ? Je suppose que sa présence te donne raison.
Pourquoi est-il autant cynique depuis tout à l'heure ? Parce que le stress l'envahit lui aussi depuis qu'il est venu me chercher ?
— Je ne veux juste pas que tu lui fasses du mal.
Je lui adresse cette demande en le quittant du regard, une quinte de toux me prend.
— Arweny, c'est toi ? Ça ne va pas ?
— Ferme la, pourriture.
J'entends entre mes toussotements Godric râler contre l'homme qui vient de lui dire ça et réitérer sa question.
— Tout va bien, c'est bon.
La situation est ridicule, moi dans les bras de Merikh, lui qui est attaché comme du gibier à l'arrière d'un cheval tout en criant. J'ai l'impression que les rôles ont été inversés, il est à présent opprimé et moi libéré. Même s'il est mon ami, j'ai honte de ressentir une certaine satisfaction en le réalisant. Tout ce que je veux, c'est que tout aille bien pour tout le monde, Merikh vient de me créer une nouvelle opportunité, je dois la saisir. Tout semble éclore dans mon esprit et maintenant un nouveau bourgeon me demande pourquoi, il m'a donné cette chance, justement. Ça ne peut pas être uniquement de bonté de cœur. Qu'est-ce qu'il a derrière la tête ? Et finalement, qui sont ces hommes pour lesquels je ne me suis pas inquiété un seul instant de leur présence alors que les vois pour la première fois.
Malgré mes doutes, je n'arrive pas à passer outre l'intuition dans ma tête qui me souffle qu'avec eux, je ne risque rien. Ce paradoxe m'insupporte. C'est donc ce genre de pensée qu'une personne qui vit travaille en elle ? Je ne sais pas encore si je dois le remercier pour tous ces changements, pour l'instant je reste contre lui et le confort de la chaleur de son corps qui protège le mien.
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D'étoiles et d'épines [ TERMINÉ ]
FantasyArweny est une jeune femme dotée d'un don de clairvoyance depuis l'enfance. Ses parents étant pris entre deux feux la vende à la reine du royaume qui est obsédée par l'immortalité et la richesse, elle est donc parfaite pour les épargner en tant que...