Chapitre 7.2 - Mary

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Ainsi, je lui souris.

— On peut se tutoyer, annoncé-je alors. Seulement pour ce soir.

— Seulement pour ce soir, acquiesce-t-il. Raconte-moi un peu ta vie.

— Tu le sais, je vis à Glasgow et je suis avocate.

Cayden secoue la tête.

— On ne parle pas boulot ce soir, Mary. On parle de ton vrai toi. De ce qui te passionne, de ce que tu aimes faire dans ton temps libre. N'importe quoi, mais pas le boulot. Sauf si c'est ta plus grande passion ?

Je soupire. En dehors de l'écriture, je n'ai pas de passion, je ne fais pas grand chose de ma vie. Et s'il y a une chose dont je ne parlerai jamais – encore moins à un inconnu –, c'est bien ça. Ma vie n'a jamais été rythmée par autre chose que l'écriture et le droit.

— Je suis passionnée de droit. J'aime résoudre des affaires, même les plus complexes.

— J'en suis la preuve, me coupe-t-il dans un rire.

— Oui, avoué-je. En dehors de ça... j'aime Noël, aussi cliché cela puisse être. J'aime ma famille et mes amis. Et... j'aime les fleurs. En fait, j'aime beaucoup les fleurs.

— Ma tulipe t'a fait de l'effet alors ?

J'affiche un sourire niais que je n'arrive pas à chasser de mon visage.

— Elle est belle, oui. Je l'ai mise dans un vase en rentrant. Les tulipes sont mes préférées. Elles sont...

— À la fois élégantes et intemporelles ? finit-il alors que je ne savais pas tout à fait quoi dire.

— Exactement. Elles sont intemporelles, elles existent depuis longtemps, mais elles continuent à exister dans le cœur de toutes les générations. Elles sont élégantes, elles sont classiques, mais leur forme les rends parfaites pour n'importe quelle occasion. J'adore ça.

— Alors je t'en offrirai une à chaque fois que l'on se verra.

Je secoue la tête.

— On a dit que ce soir était une fois unique.

— Je souhaite t'offrir des tulipes, au même titre que je l'ai fait aujourd'hui. Simplement pour le plaisir d'offrir. Elles ne signifient rien. Je l'aurais fait pour n'importe qui et même si on ne s'était pas rencontré ce soir.

— D'accord. Mais tu ne dois rien attendre en retour.

— Jamais, dit-il en opinant du chef.

Le silence s'installe entre nous et nous en profitant pour boire chacun dans notre verre. J'observe autour de moi, espérant apercevoir Aedlin, mais elle est toujours introuvable. Je sors rapidement mon portable, seulement pour être certaine qu'elle va bien.

Mary : Tout va bien ?

Je le pose devant moi et attends avec anxiété une réponse. Au bout de quelques secondes, trois petits points apparaissent, puis une réponse.

Aedlin : OUI !

Je pouffe et sais d'avance qu'elle va me raconter en détail ses ébats une fois que nous retournerons à l'appartement. Je range alors mon téléphone et me tourne vers Cayden pour reprendre notre conversation.

— Pardon, je voulais être sûre que mon amie va bien.

— Aucun problème. J'en conclu que c'est le cas ?

— Ouais, pas de psychopathe en vue.

Ses lèvres frémissent.

— Et toi, qu'aimes-tu ? lui demandé-je afin d'équilibrer notre relation.

— Plein de choses. Tu te doutes que j'aime la médecine, mais même si c'est mon métier, ce n'est pas une passion. En réalité, je le fais surtout parce que j'aime aider les gens. C'est parfois dur de voir des personnes s'effondrer après une lourde nouvelle, mais rien ne vaut la joie qui les anime quand ils apprennent une bonne nouvelle. Je suis passionnée par l'idée de faire sourire les gens.

— Pourquoi tu n'es pas devenu comédien, dans ce cas ? Ça aurait été plus simple.

— Ça n'aide pas les gens. Ça les fait sourire, mais ce n'est pas suffisant. J'aime que cela les marque réellement, même si la plupart oublie mon visage, je n'oublie jamais les leurs.

Il fait une pause de quelques secondes.

— J'aime aussi écrire un peu tout ce que je vis dans des carnets. Je fais depuis plus de dix ans. J'ai toujours aimé exprimer mes sentiments, mais je n'ai jamais été très doué pour le faire à voix haute. Écrire mes maux, c'était la meilleure manière pour moi de parler, sans que personne n'ait jamais besoin de m'écouter.

Ses mots résonnent en moi. Je ne peux que comprendre, ayant moi-même commencé à écrire pour m'exprimer. C'est à présent devenu une passion et une habitude, mais ça ne l'a pas toujours été. Il y a bien longtemps, c'était ce qui me maintenant la tête au-dessus de l'eau. C'est ce qui m'a sauvée après mon drame, alors que j'étais complètement paumée.

— On est plus similaires que je ne le pensais, commenté-je en faisant tourner le liquide dans mon verre.

Cayden hoche la tête mais reste silencieux. Je me demande ce qu'il se passe dans sa tête. Je me demande ce qui a bien pu se passer dans le passé pour qu'il ressente le besoin d'apposer ses sentiments sur du papier. Cette discussion censée briser la glace l'a en réalité renforcée. Ni l'un ni l'autre ne savons quoi dire. Je réfléchis à un sujet à aborder, mais rien ne me vient. Pourtant, j'ai envie de profiter de cette soirée hors du temps.

— Viens, on va danser.

Le regard de Cayden se met à pétiller et il termine son verre en un instant avant de m'attirer contre lui d'un bras. Aussitôt, son corps chaud contre le mien fait battre mon cœur plus vite. L'alcool envahit mon sang et je sais d'avance que je vais vouloir aller trop loin. Même si cette soirée est hors du temps, elle restera dans nos mémoires à chacun. Si je lui saute dessus, je ne pourrais plus jamais le regarder en face. Sa main glisse dans mon dos jusqu'à atteindre mes reins et je frissonne sous ses doigts.

Nous nous plaçons l'un en face de l'autre, près d'un groupe qui danse et chante à tue-tête. MAMMAMIA de Måneskin débute et la foule se déchaîne aussitôt sur le groupe de rock alternatif italien. Je me joins au mouvement, mais trouve toujours un moyen de garder le contact physique avec Cayden. Il suit mes mouvements et reste toujours proche. À mesure que j'attrape des shots de vodka sur le bar et que mon taux d'alcoolémie augmente, je me déhanche avec de moins en moins de gêne auprès de Cayden. Il ne semble pas détester la situation puisqu'il continue à me suivre, posant ses mains sur mon corps tout en faisant attention à mon consentement.

Je pose ma tête sur son épaule une fois trop bourrée pour réfléchir correctement. Je la relève et souris. Mon crâne semble peser bien plus lourd qu'à son habitude, mais je n'en fais rien. Sans refléchir, je me jette sur ses lèvres. Cayden accueille mon baiser avec attention et passe sa main dans mes cheveux pour m'attirer à lui encore plus. Nos langues se mélangent et je goûte le soda sur la sienne tandis qu'il se délecte des quelques gouttes d'alcool qui recouvrent mes lèvres.

The Tulips Between Us [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant